Le média en ligne des Éditions Faton

Grèce : qui sont les défunts de Vergina ?

Évocation de l'intérieur d'une des tombes de Vergina.

Évocation de l'intérieur d'une des tombes de Vergina. © Éric Le Brun

Les tombes royales de Vergina, aujourd’hui Aigai, en Macédoine grecque, fascinent par leur richesse. Et si le père d’Alexandre le Grand faisait partie des défunts ? De nouvelles analyses relancent le mystère.

Coup de tonnerre en 1977 : sous un grand tumulus de 100 m de diamètre et 12 m de haut, un ensemble de quatre tombes avec des restes humains calcinés réveille les imaginaires.

Quatre tombes royales

Des couronnes en or imitant des feuilles de chêne, une tête en ivoire, de la marqueterie, des équipements militaires… À l’évidence, des membres de la famille royale de Macédoine reposaient ici. Dans la tombe I, une fresque d’une virtuosité incroyable (attribuée à Nikomachos de Thèbes) représente l’enlèvement de Proserpine (la future Perséphone) par Hadès, le roi des Enfers. Elle semble inachevée : est-ce à cause d’un décès prématuré, qui entraîna une mobilisation précoce du monument ?

Amyntas, Philippe, Alexandre et les autres

On pense de suite à Philippe II, le père d’Alexandre le Grand, mort assassiné en 336 avant notre ère, d’autant qu’un petit portrait en ivoire semble le représenter, découvert dans la tombe III avec celui d’Alexandre le Grand. Or dans la tombe II, les archéologues mirent au jour un crâne avec une blessure à l’œil… sachant que Philippe II a été éborgné par une flèche. Hélas, une étude approfondie révéla qu’il s’agissait d’une déformation post-mortem de l’os crânien. Dans la tombe III, reposait un adolescent de 13-14 ans, dans lequel certains voudraient voir le fils d’Alexandre le Grand, Alexandre IV. L’intérêt se porta alors sur les défunts de la tombe I, où se trouve la fresque : un homme et une femme, ainsi que six non adultes (des périnataux et un fœtus) et des animaux : Philippe II, sa femme Cléopatra et leur nouveau-né ? L’analyse ostéologique et chimique des restes de l’homme, ainsi que de son ADN, a révélé que ce dernier avait entre 25 et 35 ans au moment de son décès (alors que Philippe II mourut à 46 ans), entre 388 et 356 avant notre ère – donc bien avant l’assassinat de Philippe II. Est-ce son père Amyntas III ? Non plus car celui-ci mourut plus vieux. La femme (son épouse ?), âgée d’entre 18 et 25 ans, semble avoir été inhumée en même temps que lui. L’étude chimique de leurs os indique qu’elle était de la région, alors qu’il était peut-être originaire du Péloponnèse et, bien que haut personnage, n’était pas de sang royal. Quant aux non adultes et aux animaux (ceux-ci probablement sacrifiés), ils datent de la période romaine, autour de 130, époque où la tombe fut peut être recyclée pour accueillir des dépouilles infantiles. Mais comment les Romains avaient-ils connaissance de celle-ci ? Le tumulus semble en effet avoir été rouvert (et pillé ?). On le voit : même sans Philippe II, le mystère s’épaissit. De belles idées pour les romanciers d’été !

Pour aller plus loin
ADALIAN P., DUTOUR O., 2000, « Si ce n’est son père, c’est donc son frère », La Recherche, 337, p. 28-29.
BARTSIOKAS A. et al., 2023, « The identification of the Royal Tombs in the Great Tumulus at Vergina, Macedonia, Greece: A comprehensive review », Journal of Archaeological Science: Reports, 52,104279. Doi :10.1016/j.jasrep.2023.104279
BARTSIOKAS A. et al., 2015, « The lameness of King Philip II and Royal Tomb I at Vergina, Macedonia », PNAS, 112 (32) 9844-9848. Doi : 10.1073/pnas.1510906112
GOLDSWORTHY A., 2023, Philippe II et Alexandre, Paris, éditions Perrin.
MANIATIS Y. et al., 2025, « New scientific evidence for the history and occupants of Tomb I (“Tomb of Persephone”) in the Great Tumulus at Vergina », Journal of Archaeological Science, 179, 106234. Doi : 10.1016/j.jas.2025.106234