Carnac : les dernières découvertes (4/9). Mieux connaître les morts de Carnac

Ossements incinérés provenant d’un dolmen de Saint-Philibert, retrouvés dans les collections du musée de Carnac. © A. Suaud-Préault
À l’occasion de l’inscription des Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet dernier, Archéologia vous propose de faire le point sur les dernières découvertes menées sur ces monuments iconiques du Néolithique. En effet, depuis le XIXe siècle, ils sont au cœur de fouilles et de mesures de conservation qui visent à mieux percer leurs mystères. Coup de projecteur sur les dernières révélations.
Les auteurs de ce dossier sont : Olivier Agogué, administrateur des monuments nationaux de Bretagne, directeur du musée de Carnac, CNRS, UMR 6566 CREAAH ; Vincent Ard, CNRS, UMR 5608 TRACES, Toulouse ; Audrey Blanchard, responsable d’opération, Archeodunum, ERC NEOSEA ; Guillaume Bruniaux, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Florian Cousseau, postdoctorant au sein du projet Megalithic Origins de l’université de Durham au Royaume-Uni ; Céline Cornet, directrice adjointe du musée de Préhistoire de Carnac et coordinatrice du dossier ; Émilie Heddebaux, conservatrice-restauratrice, Association Paysages de Mégalithes, doctorante en conservation-restauration, Laboratoire Héritages, UMR 9022, INP ; Benjamin Gehres, chargé de recherche CNRS, UMR 6566 CReAAH, Laboratoire Archéosciences ; Valentin Grimaud, architecte-archéologue indépendant, LARA Nantes Université ; Jean-Noël Guyodo, enseignant-chercheur, UMR 6566, ERC NEOSEA ; Gwenaëlle Hamon, chercheuse indépendante, associée à l’UMR 6566 CReAAH ; Vivien Mathé, ArchéoSolution, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Bettina Schulz Paulsson, professeur, Göteborg University, ERC NEOSEA ; Astrid Suaud-Préault, Drac Bretagne, Service régional de l’archéologie, UMR6566 CREAAH

Vue des travaux de restauration menés par Z. Le Rouzic dans le tumulus du Moustoir. H/80/26/36. © Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Charenton‑le-Pont
Si les objets lithiques et céramiques découverts dans les tombes de Carnac ont donné lieu à de nombreuses études et projets de recherche, il en va autrement des ossements et du traitement des défunts, assez peu étudiés. Mais un retour aux sources anciennes et de nouvelles datations aident à mieux cerner le paysage funéraire du Néolithique.
Explorés à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les nombreux monuments funéraires mégalithiques, emblématiques de la région carnacoise et du sud Morbihan, sont réputés pour leur architecture complexe et leur riche mobilier. Celui-ci témoigne notamment d’échanges sur de longues distances (haches en roches vertes alpines ou perles provenant de la péninsule Ibérique). En revanche, les défunts demeurent méconnus. Cela peut s’expliquer par la mauvaise conservation des ossements, qui résistent mal à l’acidité des sols bretons, et par le manque de données contextuelles relatives aux fouilles menées il y a plus de 150 ans.
Incinération versus inhumation
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les explorations fructueuses de mégalithes, tels que ceux de Rondossec à Plouharnel ou de la butte de Tumiac à Arzon, incitent les membres de la société polymathique du Morbihan à poursuivre leurs investigations sur d’autres monuments de ce type. Des restes humains sont ainsi identifiés dans les tumulus de Kercado, Saint-Michel à Carnac ou du Mané-Lud à Locmariaquer. Une fois avéré que dolmens et tumulus sont effectivement des tombes, un des enjeux des explorations, outre la collecte de mobilier, est de déterminer s’il s’agit d’inhumations ou d’incinérations. Les connaissances anatomiques du docteur Gustave de Closmadeuc lui permettent d’établir, dès 1862, que les fragments du tumulus Saint-Michel correspondent à des os incinérés, tandis que ceux de Tumiac n’ont pas été soumis au feu.
Des récits de fouilles laconiques
Les récits de fouilles demeurent néanmoins souvent laconiques et les ossements issus des explorations anciennes rares dans les collections archéologiques. Cependant, un réexamen de la documentation et des collections des musées de Vannes et de Carnac a conduit à reconnaître des ossements incinérés inédits dans plusieurs mégalithes de la région carnacoise. Des fragments de crâne et de fémur, exhumés par Zacharie Le Rouzic dans l’une des chambres du tumulus du Moustoir à Carnac (lors de restaurations menées en 1926 et 1927), ont ainsi récemment fait l’objet d’une datation par le radiocarbone. Les résultats obtenus donnent deux intervalles avec des dates comprises entre 4330 et 3984 avant notre ère attestant du dépôt, au Néolithique moyen, des restes d’un individu incinéré.
Des données inédites
Malgré les limites imposées par les méthodes de fouille du XIXe siècle et la mauvaise conservation des vestiges, le réexamen de la bibliographie et des collections ostéologiques anciennes n’est pas vain. À la lumière de nos connaissances actuelles et avec l’appui des techniques comme la datation sur os calciné, il apporte des données inédites, à même de renouveler notre compréhension des pratiques funéraires et permet de reconsidérer la place de la crémation au sein de ces sépultures monumentales.
Sommaire
Carnac : les dernières découvertes
4/9. Mieux connaître les morts de Carnac
7/9. Dater les stèles du Plasker à Plouharnel (à venir)
8/9. Conserver et restaurer les mégalithes (à venir)
9/9. Le nouveau musée de Carnac (à venir)





