Le château de Versailles retrace le destin brisé du Grand Dauphin, fils de roi, père de roi et jamais roi

Hyacinthe Rigaud (1659-1743), Louis de France (détail), 1708. Huile sur toile, 144 x 112 cm. Madrid, Patrimonio Nacional, Colecciones Reales, Palacio Real. Photo service de presse. © Palacio Real de Madrid, Patrimonio Nacional
De lui, la postérité n’a presque retenu que cette prophétie qui, prononcée à sa naissance, fut rappelée par le si peu amène duc de Saint-Simon : « fils de roi, père de roi et jamais roi ». Laconique, la sentence a été reprise à l’envi pour résumer la vie de Louis de France (1661-1711), appelé de son vivant Monseigneur, puis le Grand Dauphin à sa mort. Elle a nourri l’image négative de ce prince qui, « noyé dans la graisse et dans l’apathie » selon Saint-Simon, n’a jamais régné et aurait donc mérité d’être rayé de l’Histoire. Le château de Versailles consacre pour la première fois une exposition d’envergure à cette figure méconnue et passionnante du Grand Siècle, mettant en lumière sa vie, son rôle et ses goûts personnels à travers près de 250 œuvres souvent exceptionnelles.
Monseigneur est une figure essentielle du règne de Louis XIV car, destiné à lui succéder, il incarnait la continuité dynastique, principe fondamental de la monarchie absolue. C’est à l’aune de ce but qu’a tendu toute la vie du Grand Dauphin dont l’éducation, la famille et même ses fabuleuses collections participent de ce statut si particulier d’héritier du trône du plus puissant royaume d’Europe.
Fils de roi
Né le 1er novembre 1661, le Dauphin est le fils aîné, et bientôt seul enfant légitime survivant, de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche. Le mariage entre le jeune monarque et l’infante d’Espagne, fille de Philippe IV, avait eu lieu l’année précédente à Saint-Jean-de-Luz. Fruit d’âpres négociations politiques de la part de Mazarin, principal ministre de Louis XIV, ce mariage avait été conclu dans le cadre du traité des Pyrénées mettant fin au long conflit qui avait opposé les deux royaumes durant la guerre de Trente Ans. Rapidement, la nouvelle reine tombe enceinte et, dès que la grossesse est avérée, de nombreuses reliques lui sont apportées, telle la ceinture de sainte Marguerite, patronne des parturientes, exceptionnellement sortie de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés. Dans une monarchie de droit divin, la naissance de l’héritier au trône revêt une dimension sacrée et on n’hésite pas à convoquer l’iconographie mariale pour représenter la jeune mère sous les traits de la Vierge et l’enfant royal en petit Jésus.
« Dans une monarchie de droit divin, la naissance de l’héritier au trône revêt une dimension sacrée et on n’hésite pas à convoquer l’iconographie mariale pour représenter la jeune mère sous les traits de la Vierge et l’enfant royal en petit Jésus. »

Nicolas Jarry (1615 ?-1666) et Nicolas Robert (1614-1685), Rituel de l’abbaye royalle de S. Germain des Prez les Paris. Contenant les prières & cérémonies à faire lorsque les Religieux de la d. Abbaye portent les Reliques de la glorieuse Vierge & Martyre S. Marguerite aux Reynes & Princesses du sang, 1661. Manuscrit enluminé sur vélin, 32 x 23 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-GP (château de Versailles) / Franck Raux
Dauphins et fleurs de lys
À sa naissance à Fontainebleau, le Dauphin est ondoyé et ceint du cordon de l’ordre du Saint-Esprit, comme tous les Fils de France. Reconnaissables par leurs dauphins et leurs fleurs de lys, ses armes sont celles des dauphins de France, nom qui désigne depuis le Moyen Âge l’héritier mâle de la Couronne. On les retrouvera bientôt sur la plupart des objets et des décors faits à l’usage du prince. Malgré ces traditions solidement ancrées, Louis XIV innove et donne à son fils le titre, inusité depuis la Renaissance, de Monseigneur. La nouvelle se propage dans tout le royaume et à l’étranger, notamment à Rome où le pape ordonne au Bernin de concevoir des fêtes grandioses en l’honneur du fils du Très-Chrétien. Dans sa capitale, le roi célèbre l’événement par le somptueux Carrousel des Tuileries, en 1662. En effet, cette naissance est gage de stabilité dans un royaume encore profondément marqué par les noires années de la Fronde. Elle coïncide également avec le début du règne personnel de Louis XIV qui, ayant assuré la paix à l’extérieur et à l’intérieur des frontières, entend faire connaître la bonne santé de sa dynastie. Ainsi, le petit prince est l’objet d’une iconographie surabondante. Chef-d’œuvre des cousins Charles et Henri Beaubrun, le double portrait du Dauphin à l’âge de 3 ans tenant sa mère par la main a été envoyé à la cour d’Espagne, et constitue l’un des splendides prêts du musée du Prado à cette exposition.

Henri (1603-1677) et Charles (1604-1692) Beaubrun, Portrait de la reine Marie-Thérèse et de son fils le Dauphin en costume « à la polonaise », 1664. Huile sur toile, 225 x 175 cm. Madrid, Museo Nacional del Prado. © Photographic Archive Museo Nacional del Prado
Une éducation suivie de près
De manière tout aussi traditionnelle, le Dauphin est confié aux femmes de sa naissance à ses 7 ans. La précieuse Julie de Montausier puis, surtout, Louise de Prie, maréchale de La Mothe Houdancourt, se succèdent au poste envié de gouvernante. Nourrices, femmes de chambre et remueuses veillent en permanence sur le royal bambin. Il revient aussi à la gouvernante de mettre en place une première équipe éducative pour que l’enfant apprenne à lire et à écrire. Le jésuite Claude Oronce Fine de Brianville développe une pédagogie moderne qui rencontre beaucoup de succès à la Cour. Ainsi, il crée un jeu de cartes des armoiries des grandes familles aristocratiques, associé à un manuel détaillant leurs origines et leurs principaux représentants. À la demande de son maître, le petit Dauphin doit désigner la bonne carte, puis écoute la lecture du manuel. Outre le jeu, l’image devient une composante essentielle des ouvrages très illustrés de gravures parvenant au prince qui, de la sorte, mémorise plus facilement l’Histoire millénaire de son royaume ainsi que les textes religieux. À rebours de son éducation, qu’il avait jugée bâclée et dont il se plaignait, Louis XIV suit scrupuleusement celle de son fils. Il entreprend ainsi d’écrire des « Mémoires pour l’instruction du Dauphin » délivrant conseils et réflexions sur l’exercice du pouvoir dans un ton tantôt sentencieux, tantôt plus personnel.

Sylvain Bonnet (1645 ?-1705), Généalogie des Bourbons avec, dans la partie basse, Louis XIV appuyé sur un écu représentant la Réception de leurs Majestés britanniques, le Grand Dauphin, les petits ducs de Bourgogne, d’Anjou et de Berry, 1688. Gouache sur vélin, 52 x 82 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie. © BnF
Latin et artillerie
Lorsque, à ses 7 ans, le Dauphin « passe aux hommes », le roi choisit comme gouverneur Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier. Cet homme dur mais pénétré de sa mission nomme précepteur du Dauphin le poète et érudit Octave de Périgny de 1666 à 1670, puis Jacques Bénigne Bossuet. Prédicateur fameux, l’évêque de Condom s’entoure de sous-précepteurs qualifiés et rassemble autour du prince les meilleurs esprits de son temps. Le latin occupe une place prépondérante, tout comme l’Histoire par laquelle Bossuet fait découvrir à son élève « ce que peuvent les passions et les intérêts, les temps et les conjonctures, les bons et les mauvais conseils » ; en somme, l’art de la politique. La crainte de Dieu et le respect de l’autorité monarchique sont répétés telle une antienne au Dauphin qui, de fait, a été l’un des rares princes de l’Ancien Régime à ne jamais s’être rebellé contre la figure paternelle. Enfin, les sciences apparaissent dans l’éducation princière, préfigurant le siècle des Lumières, et l’art de la guerre est enseigné dès le plus âge. Enfant, Monseigneur dispose d’une artillerie miniature, puis s’initie au commandement dans la plaine d’Achères, où un camp d’entraînement avec deux forts est spécialement aménagé à cet effet. Adolescent, il accompagne son père aux portes de la Franche-Comté, dans le cadre de la guerre de Hollande, et assiste à la chute de Dôle : dans les mentalités d’Ancien Régime, c’est par les armes que la gloire s’acquiert. Ainsi Monseigneur a été sans doute le dauphin le mieux préparé à régner et son éducation, aussi complète que moderne, a été érigée en modèle pour les générations de princes ultérieures. Elle s’achève en 1679-1680 lorsque le Dauphin se marie et que débute alors le deuxième chapitre de sa vie.

Wolf Hieronÿmus Herold (1627-1693), Modèle réduit de canon de 36 livres, 1663. Bronze, bois, fer, 34,5 x 90 x 39 cm. Poids : 13 kg. Échelle 1/6. Paris, musée de l’Armée. © Paris – musée de l’Armée, Dist. GrandPalaisRmn / image musée de l’Armée
« Monseigneur a été sans doute le dauphin le mieux préparé à régner et son éducation, aussi complète que moderne, a été érigée en modèle pour les générations de princes ultérieures. »
Père de roi
État catholique du Saint-Empire romain germanique, l’Électorat de Bavière représentait une puissance enviée au cœur de l’échiquier politique européen. Dès 1670, un traité d’alliance inclut le mariage de Monseigneur avec Marie-Anne de Bavière, fille de l’électeur palatin. Les promis sont encore enfants, respectivement âgés de 9 et 10 ans. Le projet se concrétise dix ans plus tard et, après un mariage par procuration, la nouvelle Dauphine quitte la Bavière et rencontre sa nouvelle famille en mars 1680 à Châlons, où les noces sont célébrées. « Messieurs, parlez-moi français, je n’entends plus l’allemand », déclare alors la jeune princesse devant la Cour qui, critiquant d’abord sa supposée laideur, se montre par la suite davantage bienveillante. À la mort de la reine Marie-Thérèse en 1683, la Dauphine devient la première femme du royaume et, dès lors, emménage à Versailles dans le Grand Appartement de la Reine. Au début, le couple delphinal semble uni, partageant les mêmes goûts, notamment pour la musique. Trois garçons naissent de cette union : Louis, duc de Bourgogne (1682) ; Philippe, duc d’Anjou (1683) et enfin Charles, duc de Berry (1686). L’avenir de la dynastie des Bourbons semble assuré, ainsi que l’immortalise Pierre Mignard dans la grande Famille du Dauphin peinte en 1687. Chef-d’œuvre absolu, ce portrait (sans doute le plus cher du XVIIe siècle) a été spécialement restauré pour l’exposition, révélant la profondeur des bleus, des rouges et du violet employés par l’artiste. Lassée des infidélités de son époux, de santé fragile après plusieurs fausses couches successives, la Dauphine devient plus taciturne et se retire dans ses appartements. À Versailles, on lui reproche de ne plus tenir son rang. Elle meurt, épuisée, en 1690. Inédit, un livre d’heures enluminé conservé à la bibliothèque municipale de Versailles est l’un des rarissimes objets que l’on puisse rattacher à cette princesse vite oubliée.

Pierre Mignard (1612-1695), La Famille du Grand Dauphin, 1687. Huile sur toile, 232 x 304 cm. Versailles, muséenational des châteaux de Versailles et de Trianon (dépôt du musée du Louvre, département des Peintures). Photo service de presse. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
« L’avenir de la dynastie des Bourbons semble assuré, ainsi que l’immortalise Pierre Mignard dans la grande Famille du Dauphin peinte en 1687. Chef-d’œuvre absolu, ce portrait (sans doute le plus cher du XVIIe siècle) a été spécialement restauré pour l’exposition. »
Le duc d’Anjou particulièrement gâté
À leur tour, les fils de Monseigneur font l’objet de toutes les attentions, en particulier le duc de Bourgogne, destiné également à monter un jour sur le trône de France et de Navarre. L’image des jeunes princes est diffusée par de nombreux portraits dont une paire, méconnue, est prêtée par le château de Bodrhyddan Hall, au Pays de Galles. D’une extrême délicatesse, la Généalogie des Bourbons peinte sur vélin par Sylvain Bonnet célèbre la bonne santé de la famille royale et constitue l’un des nombreux prêts (manuscrits, imprimés, médailles, cartes et autres objets de science) de la Bibliothèque nationale de France, partenaire de l’exposition. Le destin fut particulièrement généreux avec le cadet de cette fratrie. En 1700, Charles II de Habsbourg, roi d’Espagne, des Indes, de Naples, de Sardaigne et de Sicile, souverain des Pays-Bas, meurt sans enfant. Il lègue sa couronne et ses immenses possessions au duc d’Anjou, son petit-neveu. Louis XIV hésite à accepter ce testament qui ne manquera pas de plonger l’Europe dans une nouvelle guerre mais Monseigneur veut faire respecter les droits de son fils, et insiste. « Monsieur, voilà votre roi », déclare Louis XIV à l’ambassadeur d’Espagne, le 16 novembre 1700, à Versailles, en désignant le duc d’Anjou qui prend le nom de Philippe V d’Espagne. Monseigneur devient donc père de roi. Durant dix-huit jours, et de manière complètement inédite, deux souverains en exercice vivent ensemble à Versailles. Adaptant l’étiquette de Cour, Louis XIV traite son petit-fils en égal. Peu avant le départ, Hyacinthe Rigaud peint le portrait du nouveau monarque dans son habit noir espagnol. La guerre de Succession d’Espagne éclate (1701-1713) mais Philippe V garde sa couronne et fonde une dynastie qui règne encore de nos jours.
Jamais roi
Mort en 1711, quatre ans avant son père, Monseigneur n’a jamais régné. Si les portraits de l’héritier du trône sont innombrables durant son enfance, son adolescence puis à l’époque de son mariage, ils se raréfient les deux dernières décennies de sa vie, comme si la propagande monarchique était paralysée par une situation finalement assez rare à l’époque : un monarque à la longévité étonnante, et un perpétuel second, de surcroît vieillissant. Paradoxalement, ces longues années sur les marches du trône sont les mieux connues et étudiées des historiens de l’art, car elles correspondent à la formation puis au développement de la collection du Grand Dauphin, sans conteste l’une des plus importantes de son temps. Par goût personnel, mais aussi en raison de son statut, à ses 20 ans Monseigneur décide de former « un cabinet de toutes les choses les plus belles, les plus rares et les plus curieuses qu’il pouvait rencontrer » ainsi que le rapporte le marquis de Sourches. Lui-même grand amateur d’art, Louis XIV encourage cette passion naissante en offrant à son fils les moyens financiers nécessaires et en lui prêtant plusieurs des œuvres insignes des collections royales.
« […] ces longues années sur les marches du trône sont les mieux connues et étudiées des historiens de l’art, car elles correspondent à la formation puis au développement de la collection du Grand Dauphin, sans conteste l’une des plus importantes de son temps. »

André-Charles Boulle (1642-1732), deux gaines droites, 1684. Bâti en sapin et chêne, marqueterie en première partie d’écaille, laiton et étain, corne teintée bleue, placage d’ébène, bronze doré, 129,9 x 42,5 x 38 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
Un somptueux appartement de collectionneur
Ainsi, lorsqu’en 1683 le Dauphin s’établit à Versailles au rez-de-chaussée du Corps Central, sous le Grand Appartement de la Reine dévolu, on l’a vu, à son épouse, son appartement est orné de toiles de maîtres de la Renaissance et du Seicento italiens, ainsi que de peintres flamands et français tels, entre autres, Raphaël, Sustris, Caravage, Rubens, l’Albane, Poussin ou encore Blanchard. De fait, aux pièces de représentation, comme l’antichambre et la chambre, succédait le « cabinet » du prince, composé du petit cabinet et de la galerie des bijoux (réunis en 1693 en un grand salon d’angle), du Cabinet doré au plafond peint par Mignard et, apothéose de cet appartement de collectionneur, du Cabinet des glaces. Outre la somptuosité de l’ameublement textile, complètement disparu, cet appartement était célèbre par la richesse des meubles, des bronzes, des porcelaines et des gemmes que le prince y avait rassemblés et dont les plus beaux exemples identifiés figurent dans l’exposition. On citera notamment une paire de commodes attribuées à Renaud Gaudron dont le plateau est orné de dauphins, prêt exceptionnel des collections royales espagnoles (Patrimonio nacional) dans lesquelles elles sont conservées depuis plus de 300 ans. Elles ont fait partie des œuvres dont Philippe V avait hérité de son père, tout comme les gemmes aujourd’hui conservées au musée du Prado, les autres étant au musée du Louvre, également prêteur majeur de cette exposition. Avec les fabuleuses porcelaines d’Extrême-Orient et les petits bronzes, ces objets précieux étaient réfléchis à l’envi par les miroirs qui, encastrés dans un lambris de marqueterie dû à André-Charles Boulle, transformaient le fameux cabinet des Glaces en un féérique écrin.

Francesco Albani dit l’Albane (1578-1660), Cybèle et les Saisons, dit aussi Allégorie de la Terre, 1630. Huile sur cuivre, 88 x 103 cm. Fontainebleau, musée national du château (dépôt du musée du Louvre, département des Peintures). © GrandPalaisRmn (château de Fontainebleau) / Adrien Didierjean
De Choisy à Meudon
En 1693, Monseigneur hérite du château de Choisy. À 31 ans, enfin, le Dauphin se montre « ravi d’avoir un chez soi » et y fait transférer une partie de ses collections. La demeure est belle, mais peut-être pas assez pour l’héritier du trône de France. A contrario, le château de Meudon, idéalement situé près de Versailles et Paris, est selon les contemporains « extrêmement superbe » grâce aux aménagements tant intérieurs qu’extérieurs ordonnés par son propriétaire, le marquis de Louvois, surintendant des Bâtiments du roi. Louis XIV n’hésite pas : en 1695, il offre à la veuve du ministre d’échanger Meudon contre Choisy. Il rachète aussi les seigneuries voisines, constituant pour son fils un immense domaine clos de vingt-cinq kilomètres de murs. Dès lors, Monseigneur lance d’importants travaux d’embellissements intérieurs, promouvant notamment par ses commandes de peintures l’art chaleureux et gracieux de la nouvelle génération. Charles de La Fosse, Jean Jouvenet, Louis II de Boulogne et, surtout, Noël Coypel, considéré par son biographe comme le peintre préféré de Monseigneur, rivalisent de talent.

Pierre Denis Martin (1663 ?-1742), Vue du château de Meudon, 1723. Huile sur toile, 137 x 150 cm. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
Des décors d’un raffinement inouï
Dans le château de la Renaissance, largement remanié au XVIIe siècle, Jules Hardouin Mansart n’hésite pas à innover, bâtissant une chapelle qui, avec sa tribune et ses hautes baies, préfigure celle de Versailles, ou encore en aménageant l’aile des Marronniers, où toiles de maîtres et tableaux de fleurs créent une atmosphère enchanteresse. Pour héberger ses familiers et la petite Cour parallèle qui se forme progressivement autour de l’héritier du trône, le premier architecte du roi dessine les plans du Château-Neuf en 1706. Érigé à proximité de l’ancien château, qui prend alors le nom de Château-Vieux, l’édifice abrite trente-sept appartements répartis de part et d’autre de couloirs, ce qui est alors novateur. Pour son propre appartement, Monseigneur exige des décors d’un raffinement inouï, et les relevés conservés de boiseries attestent de la modernité de ces aménagements intérieurs qui préfigurent le style rocaille du règne suivant. Les jardins, fameux pour leurs terrasses et leurs bassins, concentrent l’attention tant de Louis XIV que du Grand Dauphin, qui ordonnent chacun de nouvelles créations, offrant parfois à l’autre la surprise d’un bosquet créé de toute pièce !
« Pour son propre appartement, Monseigneur exige des décors d’un raffinement inouï, et les relevés conservés de boiseries attestent de la modernité de ces aménagements intérieurs qui préfigurent le style rocaille du règne suivant. »

Milan, atelier des Sarachi (pierre et monture), Fontaine, vers 1550-1580. Cristal de roche, or émaillé, argent doré, 18,8 x 31,4 x 16,1 (22,9 avec anses). Paris, musée du Louvre, département des Objets d’art. © musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier
Décès en série
C’est dans ce domaine tant aimé que Monseigneur décède à 49 ans, le 14 avril 1711, emporté par la variole. Louis XIV « appréhende d’étouffer, tant sa douleur était grande ». Il n’est pas au bout de ses peines… L’année suivante, le duc et la duchesse de Bourgogne (fils aîné et belle-fille de Monseigneur) décèdent, suivi de leur fils aîné, le duc de Bretagne. Leur dernier fils, le duc d’Anjou, devient en moins d’un an le quatrième Dauphin de France. En 1715, le fragile enfant de 5 ans succède à son arrière-grand-père sous le nom de Louis XV.
Alors qu’un nouveau règne commence, le souvenir du Grand Dauphin s’estompe peu à peu. Meudon reste entretenu durant tout l’Ancien Régime, mais la Révolution est fatale au Château-Vieux qui, servant à la fabrication de boulets, prend feu en 1795. Quant au Château-Neuf, c’est la guerre franco-prussienne de 1871 qui ne l’épargne pas. De ce destin tout tracé, si bien préparé et finalement brisé, restent les œuvres qui, de sa naissance à sa mort, ont appartenu à ce prince, l’ont représenté ou lui ont été dédiées, témoignant de l’importance de son statut dans l’appareil et l’apparat monarchiques, mais, aussi, d’un mécénat plus personnel absolument éclatant.

Hubert Robert (1733-1808), La démolition du château de Meudon, 1808. Huile sur toile, 59 x 74 cm. Sceaux, musée du Domaine départemental de Sceaux. © CD92 / Château de Sceaux – Musée départemental / Pascal Lemaitre
« Le Grand Dauphin (1661-1711), fils de roi, père de roi et jamais roi », du 14 octobre 2025 au 15 février 2026 au château de Versailles, place d’Armes, 78000 Versailles. Tél. 01 30 83 78 00. www.chateauversailles.fr
Catalogue, éditions Faton, 464 p., 54 €. À commander sur www.faton.fr





