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Carnac : les dernières découvertes (5/9). Gavrinis, joyau d’architecture

Vue aérienne du cairn de Gavrinis.

Vue aérienne du cairn de Gavrinis. © Pierre F631 / CC BY SA

À l’occasion de l’inscription des Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet dernier, Archéologia vous propose de faire le point sur les dernières découvertes menées sur ces monuments iconiques du Néolithique. En effet, depuis le XIXe siècle, ils sont au cœur de fouilles et de mesures de conservation qui visent à mieux percer leurs mystères. Coup de projecteur sur les dernières révélations.

Les auteurs de ce dossier sont : Olivier Agogué, administrateur des monuments nationaux de Bretagne, directeur du musée de Carnac, CNRS, UMR 6566 CREAAH ; Vincent Ard, CNRS, UMR 5608 TRACES, Toulouse ; Audrey Blanchard, responsable d’opération, Archeodunum, ERC NEOSEA ; Guillaume Bruniaux, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Florian Cousseau, postdoctorant au sein du projet Megalithic Origins de l’université de Durham au Royaume-Uni ; Céline Cornet, directrice adjointe du musée de Préhistoire de Carnac et coordinatrice du dossier ; Émilie Heddebaux, conservatrice-restauratrice, Association Paysages de Mégalithes, doctorante en conservation-restauration, Laboratoire Héritages, UMR 9022, INP ; Benjamin Gehres, chargé de recherche CNRS, UMR 6566 CReAAH, Laboratoire Archéosciences ; Valentin Grimaud, architecte-archéologue indépendant, LARA Nantes Université ; Jean-Noël Guyodo, enseignant-chercheur, UMR 6566, ERC NEOSEA ; Gwenaëlle Hamon, chercheuse indépendante, associée à l’UMR 6566 CReAAH ; Vivien Mathé, ArchéoSolution, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Bettina Schulz Paulsson, professeur, Göteborg University, ERC NEOSEA ; Astrid Suaud-Préault, Drac Bretagne, Service régional de l’archéologie, UMR6566 CREAAH

Élévation et coupe de Gavrinis publiées dans le Dictionnaire archéologique de la Gaule, tome 1, pl. 13, 1875-1923.

Élévation et coupe de Gavrinis publiées dans le Dictionnaire archéologique de la Gaule, tome 1, pl. 13, 1875-1923.

L’île de Gavrinis est mondialement connue pour son cairn. À l’intérieur de ce tumulus funéraire, l’attention est immanquablement attirée par l’art qui se développe sur ses parois intérieures. Mais que sait-on de son architecture ? Près de 200 ans après la découverte de ce site, en voici une première chronologie. 

Lorsqu’en 1834, Prosper Mérimée pénètre dans la tombe fraîchement déblayée, il s’attache à décrire les gravures qui ornent les parois. Tous les auteurs procèdent ainsi, jusqu’à Charles-Tanguy Le Roux qui se voit confier, entre 1979 et 1984, la fouille de la façade du monument, dans le cadre du chantier de restauration. Et quand, en 2011, débute le programme de recherche dirigé par Serge Cassen, renouvelant le corpus des signes gravés, l’architecture de la tombe n’a fait l’objet que de maigres publications.

Les métamorphoses d’un site depuis 1832

 « Dans son ensemble, [Gavrinis] a la forme d’un dôme à sommet tronqué, ayant à sa base, qui est circulaire, un diamètre de 50 à 55 mètres. Le sommet de la butte est remplacé par une sorte de cratère au fond duquel se trouve une ouverture de communication avec l’intérieur du souterrain », écrit en 1876 l’archéologue Gustave de Closmadeuc. Cette description est alors conforme à celle publiée dès 1825 par le chanoine Joseph Mahé… À la différence près que Mahé ne peut pas mentionner les structures internes, alors comblées par des pierres de même facture que celles du cairn. En effet, ce n’est qu’en 1832 que la chambre, puis la structure d’accès sont entièrement déblayées. Alors jeune inspecteur général des Monuments historiques, Prosper Mérimée fait partie des premiers à découvrir les fameuses dalles gravées en 1834. Il est alors évident pour ces premiers fouilleurs que les structures internes ont été comblées avec une intention manifeste et la tombe entièrement visitée – sans doute dès le Moyen Âge.
Le cratère d’origine médiévale si caractéristique de Gavrinis est éventré en 1885 par Closmadeuc, alors à la recherche de tombes parallèles cachées dans la masse tumulaire. Il est ensuite entièrement comblé par les déblais de la fouille conduite par Le Roux. Seule la façade est explorée et restaurée sous la forme d’un « cairn à gradin », image maladroite qui a pour but la restitution d’une incertitude. Le site est finalement numérisé en 2011, marquant le début du programme cherchant à renouveler le corpus de représentation des gravures de Gavrinis. C’est alors l’occasion de mieux comprendre cette architecture.

Géologie des structures internes de la tombe à couloir de Gavrinis.

Géologie des structures internes de la tombe à couloir de Gavrinis. © V. Grimaud

Déconstruire par la pensée le monument…

La numérisation du site, effectuée à l’aide de la lasergrammétrie, a offert une documentation inédite sous la forme de plans, coupes et élévations détaillés. Ce nouveau jeu de données a permis de regrouper l’ensemble des observations antérieures et de les confronter à une lecture plus fine des espaces et des volumes. Plusieurs indices aident à revoir notre compréhension de cette architecture. Concernant les structures internes de la tombe, la répartition déséquilibrée du programme iconographique (moins régulier dans le premier tiers du couloir) se superpose à une origine géologique diversifiée des blocs. Ces arguments laissent entendre une construction en deux temps, ce que semble confirmer le léger désaxement du couloir au niveau du bloc L6. Cette observation se situe à l’emplacement d’une dalle de sol posée sur champ (S5) – comme l’est la première dalle de la tombe (S1) qui joue le rôle de seuil. Si le cairn, éboulé, présentait un profil circulaire à la base, le sommet arbore au contraire une forme bien plus quadrangulaire. La façade est marquée par des parements dont un n’a pas pu être observé lors de la fouille en 1980. Ces éléments laissent donc entrevoir la présence d’un premier cairn, avant une extension du couloir et une monumentalisation du tumulus.

Restitutions de Gavrinis. Coupe sur la tombe à couloir 1.

Restitutions de Gavrinis. Coupe sur la tombe à couloir 1. © V. Grimaud

« La numérisation du site a offert une documentation inédite sous la forme de plans, coupes et élévations détaillés. »

… pour en restituer différentes phases

La tombe à couloir est donc le résultat d’une construction en deux étapes. La première phase se composait d’une tombe circulaire, avec une structure d’accès de seulement 7,5 m de long, dont la masse tumulaire devait laisser apparentes les dalles de couverture, à l’instar de la tombe jumelle de la Table des Marchands. Ce premier monument a été construit entre 4100 et 4000 avant notre ère. La phase récente est un cairn monumental de plan quadrangulaire, dont le sommet devait culminer à un peu plus de 12 m (aujourd’hui 8 m). La façade était alors unifiée par un parement venant aussi bloquer des points de fragilité de la structure. Ce dispositif a permis d’allonger le couloir de 5 m. Si nous ne savons pas quand l’augmentation a eu lieu, la tombe était toujours utilisée entre 3900 et 3800 avant notre ère. 

Restitutions de Gavrinis. Élévation de la façade principale de la phase 2.

Restitutions de Gavrinis. Élévation de la façade principale de la phase 2. © V. Grimaud

Sommaire

Carnac : les dernières découvertes

5/9. Gavrinis, joyau d’architecture 

7/9. Dater les stèles du Plasker à Plouharnel (à venir)

8/9. Conserver et restaurer les mégalithes (à venir)

9/9. Le nouveau musée de Carnac (à venir)