
Le Centre des monuments nationaux (CMN) a inauguré il y a quelques jours la chapelle Jean de Bourbon restaurée dans laquelle ont pris place des vitraux et deux nouveaux autels commandés à l’artiste Sarkis (né à Istanbul en 1938, il vit et travaille à Paris depuis 1964). Une inauguration qui intervient alors que l’abbaye de Cluny est en lice pour recevoir le titre de « Monument préféré des Français ». Elle représentera la Région Bourgogne-Franche-Comté lors de la grande finale qui sera diffusée sur France 3 à l’occasion des 40e Journées européennes du Patrimoine (16 et 17 septembre 2023).
Les vestiges de la majestueuse Cluny III, Maior Ecclesia élevée dès la fin du XIe siècle et martyrisée durant la Révolution, sont rares. Située à l’extrémité sud du petit transept, la chapelle Jean de Bourbon en fait partie, avec le bras sud du grand transept dominé par le clocher de l’eau bénite. Joyau du gothique flamboyant, elle est élevée entre 1456 et 1485, à la demande de l’un des grands abbés de Cluny, Jean III de Bourbon (1413-1485), qui souhaite en faire sa chapelle funéraire. Insigne mécène, ce cadet du duc Jean Ier de Bourbon est également à l’origine de la construction de l’hôtel parisien des abbés de Cluny, actuel musée national du Moyen Âge.

Douze apôtres et prophètes
Consacrée à la Vierge Marie, à saint Jean-Baptiste et aux apôtres, la chapelle Jean de Bourbon déploie un remarquable décor sculpté attribué à Antoine Le Moiturier (1425-1480), ultime imagier de la cour de Bourgogne – on lui doit notamment le tombeau de « Jean sans Peur » conservé au musée des Beaux-Arts de Dijon. Douze apôtres postés dans des niches gardaient les murs de la chapelle ; si les sculptures ont disparu durant les guerres de Religion, il subsiste tout de même aujourd’hui leurs consoles sculptées figurant des prophètes anciennement polychromes. Pour le croyant, la symbolique était limpide : l’Ancien Testament soutient le Nouveau.

Un chantier à 2,3 millions d’euros
Placé sous la maîtrise d’œuvre de l’architecte en chef des Monuments historiques Frédéric Didier, le chantier comprenait notamment la restauration des maçonneries en pierre de taille et le remplacement de la couverture en tuiles creuses, modifiée lors d’une intervention précédente, par une couverture en ardoise inspirée par le versant est de la chapelle encore partiellement d’origine. Initialement situé à l’intérieur de l’abbatiale avant que sa démolition presque totale ne l’expose aux intempéries, l’arc en accolade du portail gothique nord de l’édifice était en partie ruiné. Une technique d’empiècements numériques a permis une restitution des décors dégradés. À l’intérieur, les éléments sculptés ont été restaurés et leur polychromie, très altérée, suggérée.

« La pluie, avec les couleurs de l’arc-en-ciel, résonne dans la chapelle »
La chapelle perd vraisemblablement ses vitraux polychromes en même temps que ses apôtres, à la fin du XVIe siècle ; ils sont ensuite remplacés par des verres blancs. Intitulé « La pluie, avec les couleurs de l’arc-en-ciel, résonne dans la chapelle », le projet de Sarkis porte sur l’ensemble des baies. Le décor de ses vitraux donne l’illusion du ruissellement d’une pluie multicolore dont les gouttes sont formées par les empreintes digitales de l’artiste. La lumière qui pénètre ainsi dans l’édifice baigne ce lieu saint d’une atmosphère colorée. Puisant dans leur imaginaire les visiteurs peuvent désormais, selon les propres mots de Sarkis « entendre » les gouttes de pluie tomber sur les vitraux.

Des autels semés de gouttes d’or
Les fouilles archéologiques menées en 2022 ayant permis de découvrir l’emplacement et les dimensions de deux autels gothiques dans la chapelle et l’oratoire, Sarkis a également installé deux nouveaux autels ; conçus dans les mêmes vitraux que ceux des baies et ponctués de gouttes jaunes imitant l’or, ils évoquent l’éternité. Sarkis avait déjà réalisé des vitraux pour des monuments religieux, comme à l’abbaye cistercienne de Silvacane dans le Lubéron, dans l’église des Jacobins de Toulouse et pour une abbaye privée en Touraine ; c’est la première fois qu’il intervient dans un édifice en restauration.

Olivier Paze-Mazzi
Abbaye de Cluny
Palais du Pape Gélase
Place du 11 Août 1944
71250 Cluny
Tél. 03 85 59 15 93
www.cluny-abbaye.fr
Vous pouvez soutenir la candidature de l’abbaye de Cluny jusqu’au 21 juillet à midi sur : https://www.francetelevisions.fr/et-vous/participer-a-une-emission/le-monument-prefere-des-francais-2915