Après les Kararaô du Brésil central, les Yohouré de Côte d’Ivoire et les Altaïens de Sibérie, la fondation culturelle créée en 2010 par Jean Paul Barbier-Mueller (1930-2016) pour œuvrer à la préservation de la mémoire des peuples oubliés jette un coup de projecteur sur les Chepangs du Népal. Le nom de ce groupe ethnique établi au centre du pays ne vous dit sans doute pas grand-chose et pour cause, ce peuple qui a progressivement délaissé le nomadisme pour la sédentarité représente seulement 0,3 % des Népalais et compte parmi les communautés les plus pauvres du pays. Du 20 au 24 novembre, la fondation culturelle Barbier-Mueller de Genève propose une série de conférences pour découvrir cette population méconnue. L’occasion d’y admirer, à travers deux expositions, les saisissantes photographies de l’anthropologue Adrien Viel et les trésors cachés du Sud-Himalaya, exceptionnellement sortis des réserves du musée !
Adrien Viel, qui vient tout juste de soutenir sa thèse de doctorat consacrée à la figure du chamane au sein de la communauté chepang, a passé une quinzaine d’années à étudier dans ses dimensions sociales, culturelles et rituelles ce peuple, tout en s’intéressant à son histoire et aux transformations contemporaines qu’il a pu observer sur le terrain.
Au plus près d’un peuple oublié
La fondation culturelle du musée Barbier-Mueller publie son ouvrage monographique pour faire connaître leurs modes de vie, leurs coutumes et leurs rites chamaniques. L’anthropologue est également l’auteur des photographies et films dévoilés dans les salles du musée, des images rares et empreintes d’humanité. Il exposera ses recherches lors de deux conférences, mardi 21 (18h30) et mercredi 22 (12h15), au théâtre Les Salons à Genève, aux côtés d’un représentant de la communauté chepang. Précisons enfin que la fondation publie sur le même sujet le cinquième livre de la série Lola l’aventurière, pour entraîner les enfants à la découverte des mythes et légendes chepangs.
Les trésors cachés de l’Asie du Sud-Himalaya
C’est en suivant les pas de son beau-père Josef Mueller (1887-1977), que Jean Paul Barbier-Mueller se passionne pour les arts premiers. Il constitue sa propre collection dès les années 1950, avec le désir de former un ensemble cohérent qu’il met à la portée de tous en ouvrant en 1977 le musée qui porte son nom. Une vingtaine de masques, boucles d’oreilles, colliers et statuettes venus du Népal, du Tibet, du Pakistan, de l’Inde et du Sri Lanka y sont présentés dès le 19 novembre, parmi lesquels plusieurs pièces inédites.
Un somptueux collier newar
Ce lourd collier d’or réunissant de multiples motifs hautement symboliques (le soleil et la lune, un cobra à treize têtes, des paons…) est caractéristique des impressionnants colliers « tayo » portés par les jeunes filles, épouses et femmes du peuple Newar, le premier à avoir occupé la vallée de Katmandou. Réservé aux mariages et cérémonies, ce bijou symbolise toujours la fertilité associée à la déesse Kumari Devi. Par la finesse de ses motifs, il témoigne également du remarquable savoir-faire des artisans newars.
Un impressionnant masque facial
Ce saisissant masque « zang-‘bag » en cuivre partiellement doré, daté des XVIe-XVIIe siècles, conjugue un nez figuré de manière naturaliste à des motifs ornementaux en arabesques. L’étonnante mandorle posée sur le front à l’instar d’un bijou renferme un œil peint exprimant la dimension divine de cet objet, porté par des moines de la secte guéloupka (la plus récente des quatre lignées du bouddhisme tibétain) lorsqu’ils effectuaient des danses rituelles en l’honneur de Kâlacakra (« la roue du temps »).
Myriam Escard-Bugat
Toutes les informations sur le site du musée : www.barbier-mueller.ch.