Inlassablement popularisé au fil des siècles par les écrivains, les artistes et les cinéastes, Achille est cette année l’invité d’honneur du musée de la Romanité à Nîmes. Tout à la fois scientifique et poétique, cette exposition grand public retrace pas à pas la vie du héros en mettant en relief les ambiguïtés du personnage ainsi que son rôle décisif dans la mythique guerre de Troie. Résolument pédagogique, le parcours entremêle avec justesse une série de projections vidéo avec une centaine de vases à figures noires, médailles, statues en marbre et œuvres issues pour l’essentiel des collections du musée nîmois.
Ce projet d’exposition est né de la rencontre de deux ambitions : proposer une exposition accessible et mettre en valeur les riches collections du musée de la Romanité. Inaugurée en 2018, cette institution héritière du musée archéologique du XIXe siècle abrite en effet un fonds exceptionnel de quelque 75 000 œuvres, dont seulement 5 000 sont actuellement déployées dans le parcours permanent. Parmi les nombreux trésors conservés dans les réserves figure notamment cette monumentale mosaïque immortalisant l’épisode d’Achille à Skyros (le héros représenté au centre est malheureusement lacunaire mais la scène n’en est pas moins parfaitement reconnaissable). Découverte en 2007 lors des importantes fouilles préventives effectuées avenue Jean Jaurès et exceptionnellement dévoilée au cœur du parcours, elle constitue le point de départ du projet d’exposition. Découvrez notre sélection de cinq œuvres évoquant quelques moments-clés de la vie d’Achille.
Aux sources de la guerre de Troie
Dans la première section, l’exposition évoque judicieusement les origines et les protagonistes de la guerre de Troie. Achille, qui en sera l’un des rouages essentiels, n’est pas encore né lorsque se déroule l’un des épisodes déclencheurs du conflit. Lors du mariage (non consenti) de sa mère, la nymphe Thétis, et de son père, le roi Pélée, Éris, déesse de la Discorde, sème le trouble durant le banquet dont elle a été exclue en lançant une pomme portant l’inscription « à la plus belle ». Sur ce très rare tissu copte, le beau Pâris, fils de Priam, roi de Troie, est chargé d’arbitrer entre les déesses Athéna, Héra et Aphrodite. Il choisit de remettre la pomme à cette dernière, obtenant en contrepartie l’amour de la belle Hélène, pourtant mariée au roi de Sparte, Ménélas… La guerre de Troie est en germe !
L’éducation d’un héros
Achille est le septième enfant de Thétis et Pélée, mais le seul survivant. Les sources antiques proposent diverses versions concernant sa naissance, la manière dont Thétis tente de le rendre immortel, puis l’éducation qu’il reçoit. Le centaure Chiron aurait, selon certains textes, prodigué au jeune Achille un enseignement très complet, conjuguant valeurs morales, force physique et compétences artistiques (la paideia). On l’aperçoit jouant de la lyre et chantant dans la « fresque immersive et onirique » conçue par l’artiste Dominik Barbier et la plasticienne Anne Van den Steen. Cet ensemble de projections sur grand écran (45 minutes en tout) mêle les citations de textes anciens avec de nombreuses œuvres. Si certains regretteront la totale absence d’indications concernant la riche iconographie mise en mouvement et en musique, ces vidéos composent un utile et agréable complément au parcours classique.
Un guerrier au gynécée
C’est l’Achilléide du poète romain Stace (Ier siècle) qui nous offre le récit le plus détaillé de l’épisode d’Achille à Skyros. Représenté sur la mosaïque monumentale déjà mentionnée, l’épisode est également immortalisé sur ce superbe sarcophage prêté par le Louvre. Voici les grandes lignes du récit : avertie qu’Achille était indispensable aux Troyens pour gagner la guerre mais qu’il trouverait la mort dans le conflit, sa mère choisit de le cacher dans le gynécée du roi Lycomède, sur l’île de Skyros. Entouré de femmes, il apprend là à danser et à manier la quenouille. Mais le rusé Ulysse parvient à le démasquer en introduisant dans le gynécée des cadeaux destinés aux femmes et des armes dont Achille s’empare malgré lui… C’est cet instant crucial qui est représenté. Le beau jeune homme vêtu en femme au centre s’empare d’un arc et d’une lance dont on devine encore l’emplacement.
Choisir son destin
Prendre les armes pour défendre Troie et mourir jeune mais auréolé de gloire, ou bien ne pas combattre et bénéficier d’une longue vie ? Achille va choisir la première option et suivre Ulysse. La guerre s’enlise et dure déjà depuis 10 ans lorsque débute le récit de L’Iliade. Le chant XVI relate la mort de Patrocle, qui avait revêtu les armes d’Achille, lequel s’était momentanément retiré du combat. Avide de vengeance, le héros attend une nuit que sa mère fasse forger par Héphaïstos de nouvelles armes destinées à le rendre invincible. Ce miroir en bronze montre la Néréide qui vient d’armer le héros.
Le talon d’Achille
C’est encore dans l’Achilléide de Stace que l’on trouve la plus ancienne référence au fameux « talon d’Achille » : Thétis aurait plongé son enfant dans le Styx pour le rendre invincible, et seul le talon par lequel elle le tenait n’aurait pas été en contact avec l’eau du fleuve des Enfers… Si l’expression est aujourd’hui entrée dans le langage courant, l’on conserve paradoxalement peu de représentations de l’épisode du Styx dans les œuvres antiques, et il en va de même pour l’instant fatidique où le héros est atteint par une flèche mortelle au talon. À côté d’une grande amphore figurant Ajax portant le corps d’Achille (Toulouse, musée Saint-Raymond), le parcours s’achève avec ce fragment qui montre, peut-être, Pâris en embuscade pour le tuer…
Raphaël Buisson-Rozensztrauch
« Achille et la guerre de Troie »
Jusqu’au 5 janvier 2025 au musée de la Romanité
16 boulevard des Arènes, 30000 Nîmes
Tél. 04 48 21 02 10
www.museedelaromanite.fr