Le Grand Meaulnes est l’ouvrage de la littérature française le plus lu et le plus traduit au monde juste après Le Petit Prince. Et pourtant, ce monument qui a fait le succès de son auteur est aussi… son seul roman achevé. Comment expliquer la célébrité immense d’Henri Alban Fournier, dit Alain-Fournier ?
Le talent ne s’explique pas ; le charme de sa prose, non plus. Mais il est un élément bien compréhensible en revanche, c’est que la Sologne et le Berry ne pourraient être mieux dépeints que par un jeune homme qui en a goûté l’atmosphère durant toute son enfance, profitant des heures de classe dans l’école communale tenue par ses parents pour s’imprégner des multiples impressions sensorielles du monde rural de la fin du XIXe siècle : le crissement des craies sur le tableau, les senteurs des champs moissonnés, les jeux de lumière dans le feuillage des arbrisseaux. Plongeons donc avec Alain-Fournier (1886-1914) dans cette France des bords du Cher, le « pays perdu » de la Sologne, et le Berry, « ce pays qu’on découvre entre les branches… ». Et, c’est une chance pour le bibliophile curieux, l’écrivain explique justement à son ami André Lhote en 1911 : « Tout ce que [Le Grand Meaulnes] raconte se passe quelque part. »
D’Épineuil-le-Fleuriel à Sainte-Agathe
Le bourg d’Épineuil-le-Fleuriel, rebaptisé Sainte-Agathe dans le roman, conserve toujours le bâtiment qui servait à la fois de salle de classe et de logement au futur écrivain, à ses parents et à sa sœur : « Cette demeure où s’écoulèrent les jours les plus tourmentés et les plus chers de ma vie – demeure d’où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures. » Le petit Henri y habite de l’âge de cinq ans à son départ pour le lycée Voltaire à Paris en 1898. Il la transpose avec précision dans son œuvre, et ses héros, comme lui enfant, passent des heures à lire dans la mansarde à l’étage.
Vacances à La Chapelle-d’Angillon
De ses vacances à La Chapelle-d’Angillon, berceau de sa famille paternelle, Alain-Fournier garde les fortes impression, des forêts ombrageuses et des étangs apparus au détour d’un chemin ; ce n’est pas pour rien si l’amour d’Augustin Meaulnes et d’Yvonne de Galais se révèle lors d’une promenade en barque sur l’un de ces étangs. Où situer alors le « Domaine mystérieux », cadre idyllique de la « Fête étrange » ? L’idée de cet épisode semble être venue à l’auteur au souvenir d’une fête qui avait eu lieu au château de Cornançay, tout près d’Épineuil : à l’occasion du baptême de sa dernière fille, le vicomte avait invité ses métayers et journaliers avec leurs familles. Et l’on peut imaginer que les enfants des paysans avaient raconté au jeune fils de l’instituteur leur émerveillement devant ce goûter féerique, sous la charmille éclairée de multiples lampions. Quant à la description des lieux eux-mêmes, Alain-Fournier s’est plus probablement appuyé sur sa découverte, au cours d’une promenade familiale en voiture à âne, de l’ancienne abbaye cistercienne de Loroy, dont la longue maison châtelaine était déjà à moitié abandonnée. Pour apprécier au mieux cette région riche en surprises, à l’ambiance rurale encore préservée, peut-être faut-il, comme le jeune Henri en 1902 autour de Sancerre, enfourcher sa bicyclette : « Du haut des côtes, descendre et s’enfoncer dans le creux des paysages ; découvrir comme à coups d’ailes les lointains de la route qui s’écartent et fleurissent à votre approche, traverser un village dans l’espace d’un instant et l’emporter tout entier d’un coup d’œil… ».
Victoire Houdré
Maison-école du Grand Meaulnes
8 rue Alain-Fournier, 18360 Épineuil-le-Fleuriel.
Tél. 02 48 63 04 82
Horaires : de 10h à 12h et de 14h à 18h du mercredi
au dimanche en avril, mai, juin, septembre et octobre,
tous les jours en juillet et août.
www.le-grand-meaulnes.fr