Le musée du quai Branly propose, au sein de l’espace Martine Aublet, une petite exposition dossier sur les Taïnos et les Kalinagos, deux sociétés autochtones des Grandes et Petites Antilles, avant l’arrivée de Christophe Colomb.
L’exposition s’ouvre sur un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, quand, encore maire de Paris, Jacques Chirac demanda au grand Jacques Kerchache d’organiser une exposition sur les sculptures taïnos au Petit Palais. Le public découvrit alors un art méconnu, celui des Amérindiens des Grandes Antilles, qui avait échappé aux destructions de la colonisation européenne et à l’oubli. Et cet événement marquant tressa le berceau du futur musée du quai Branly.
Archipel culturel
La suite du parcours rassemble 70 œuvres, majoritairement issues des collections du musée, renouant avec l’histoire de ces peuples de la mer des Caraïbes. Grands marins, habiles pêcheurs, cultivateurs et jardiniers remarquables, les Taïnos et les Kalinagos furent les premiers à subir les conquêtes européennes et à être anéantis. Entre le XIIe et le XVe siècle, la culture des premiers s’épanouit essentiellement autour des îles d’Hispaniola (Haïti et République dominicaine) et de Porto Rico. Quant aux Kalinagos (nom que se donnent les habitants des Caraïbes dès le XVIIe siècle et dont l’étymologie est encore floue), ils naviguent de Trinidad à la Guadeloupe.
Un panorama complexe
Comme le souligne l’archéologue et ancien directeur du musée de l’homme André Delpuech, aujourd’hui commissaire de l’événement : « Les recherches récentes donnent un panorama beaucoup plus complexe de ces civilisations et les inscrivent dans une profondeur historique qui débute au cours du Ier millénaire avant notre ère sur les côtes de l’actuel Venezuela. » Au fil des vitrines, des objets, des cartes et des dispositifs multimédias, on découvre les liens tissés entre insulaires le long du corridor de l’archipel antillais, leurs mobilités et les échanges, leur organisation politique (très hiérarchisée chez les Taïnos, plus militaire et anthropophage chez les Kalinagos), leurs langues, leurs pratiques artistiques (sur pierre, bois, os, coquillage ou rupestre – parfois spectaculaires, souvent inédites car peu ramenées par les Conquistadors), leurs panthéons, leurs impressionnants aménagements urbains (au sein desquels le terrain destiné au jeu de balle remplissait une fonction sacrée), etc.
Une cohésion perdue
Une grande cohésion, que l’on a du mal à se figurer au XXIe siècle, tant elle a été fracturée par la mainmise des Européens sur les différentes îles. Mais son héritage perdure dans la transmission de certaines techniques agricoles et de pêche, dans la pharmacopée tropicale, voire même dans le vocabulaire (avec les mots cacique, ouragan ou iguane…) et qui continue à porter les revendications de mouvements civiques à la Dominique ou à Porto Rico.
Éléonore Fournié
« Taïnos et Kalinagos des Antilles »
Jusqu’au 13 octobre 2024 au musée du quai Branly – Jacques Chirac
37 quai Branly, 218 et 206 rue de l’Université, 75007 Paris
Tél. 01 56 61 70 00
www.quaibranly.fr