À la découverte de la société torréenne en Corse

Casteddu d’Araghju vu du ciel. © José Alessandri
Au IIe millénaire avant notre ère, le sud de la Corse voit se développer la société dite torréenne. Ancrée dans l’Âge du bronze, elle nous a laissé un important patrimoine aux racines culturelles profondément méditerranéennes. Un voyage, organisé en partenariat avec Storia Mundi, vous propose de découvrir sa diversité, sa monumentalité et son originalité.
Le nom de « société torréenne » est inventé au début des années 1960 par Roger Grosjean, l’un des pionniers de la Préhistoire corse, pour définir les communautés de l’Âge du bronze du sud de l’île, sur les modèles de « minoen » pour la Crète et « nuragique » pour la Sardaigne. Ces populations forment un ensemble homogène occupant des territoires restreints en raison d’une géographie contrastée. Il semble que le pouvoir politique ait été exercé par des élites installées dans des habitats fortifiés de hauteur, surnommés casteddi dans la tradition locale et au nombre d’environ 200 sur l’île.
Forteresses et statues-menhirs
Défendues grâce à d’imposants murs en pierre sèche, ces petites forteresses (Filitosa, Contorba, Cuccuruzzu, Araghju, Tappa, etc.) dominent le paysage et contrôlent une économie fondée sur la céréaliculture (blé, orge puis millet), l’élevage (porcs, bœufs, ovicaprins) et la cueillette (glands, fruits de mer). Entre ces centres, qui abritent les villages et les structures de productions, le terroir est exploité à partir de fermes disséminées sur les piémonts. La capacité des communautés à accumuler, gérer et transformer les stocks alimentaires paraît d’ailleurs former le socle pérenne de l’autorité, comme en atteste, dès le début de l’Âge du bronze moyen (vers 1700-1600 avant notre ère), la multiplication des torre dans l’habitat. Tours massives en pierres, dont l’architecture est apparentée aux nuraghi archaïques de Sardaigne, elles servent en effet à la fois de greniers et de centres de production. Cette ouverture sur l’île voisine montre que la Corse est intégrée aux réseaux méditerranéens d’échange de matériaux, de produits et de savoir-faire. Tout au long de la période, les Corses adoptent et intègrent à leur artisanat des références issues des régions voisines, Italie et Sardaigne surtout, puis Méditerranée orientale dans un second temps.
Alignements de menhirs et de statues-menhirs d’I Stantari sur le plateau de Cauria. © Collectivité de Corse
Portraits de chefs locaux
C’est peut-être d’ailleurs à travers un vecteur oriental que les statues-menhirs apparaissent au Bronze récent (vers 1350 avant notre ère). Ces sculptures représentant des hommes, souvent armés, constituent des portraits des chefs locaux de la fin de l’Âge du bronze. Elles sont parfois regroupées dans les villages (Filitosa), où elles servent de stèles funéraires aux élites, ou alignées dans des sites que l’on suppose cérémoniels (Cauria, Pallaghju). Vers 1200-1100 avant notre ère, comme c’est aussi le cas en Italie ou en Orient, la société torréenne subit une profonde transformation. Les casteddi sont pour la plupart abandonnés, les relations externes s’interrompent et les cultures matérielles subissent un important renouvellement. Doit-on y déceler les conséquences d’un changement climatique majeur et/ou y voir l’écho de transformations économiques ou socio-culturelles ? Seule la poursuite des fouilles permettra de documenter la fin des Torréens.
Pour aller plus loin :
Circuit de visite organisé du 7 au 12 juin 2025. Kewin Peche-Quilichini vous accompagnera pendant trois journées de visites de sites archéologiques.