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À table ! Un festin antique découvert à Saint-Laurent-des-Vignes en Dordogne

Restes d’anguilles (vertèbres) découverts dans le puits.

Restes d’anguilles (vertèbres) découverts dans le puits. © Hadès 2024

Au printemps 2017, une fouille préventive menée par Hadès à Saint-Laurent-des-Vignes a mis au jour une occupation antique correspondant à la pars rustica de la villa de La Cavaille. Si l’étude archéozoologique montre que l’alimentation de ses habitants était majoritairement issue de l’élevage (ovicaprins, porcins et bovins), complété par la chasse au grand gibier et la pêche, elle a aussi livré quelques éléments inattendus au fond d’un puits !

Lors de la fouille, un puits, de la seconde moitié du IIe siècle ou du IIIe siècle, a donc été découvert. Parmi les six niveaux de comblement, un s’est avéré particulièrement riche. On y trouve notamment plusieurs espèces de batraciens, un petit mammifère insectivore, un oisillon et un squelette de grande aigrette. S’y ajoutent des restes d’anguille, représentée par des os de la tête et du rachis, témoins de la présence de poissons entiers. Le calcul du nombre minimum d’individu (NMI) permet de recenser au moins 70 spécimens. Les mesures d’ossements crâniens ont conduit à restituer des tailles comprises entre 8 et 14 mm, avec une majorité entre 8 et 10 mm.

Localisation des différents éléments de faune du puits PUI 230.

Localisation des différents éléments de faune du puits PUI 230. © Hadès 2021

Le dernier repas d’une grande aigrette ?

Le caractère localisé de ce rejet pose la question de son origine : est-elle anthropique ou animale ? Si l’Homme avait consommé ces poissons frais (en grande majorité des civelles, alevins d’anguilles), il les aurait mangés entiers, et la digestion aurait fait disparaître les ossements. Il pourrait toutefois s’agir d’un résidu de sauce ou de salaison de poissons ; mais le volume n’est pas assez important pour ce type de rejet. De fait, la provenance anthropique paraît peu vraisemblable. Le squelette de grande aigrette, également mis au jour au sein de cette couche, ne porte aucune trace montrant qu’elle a été consommée. Or cet animal se nourrit préférentiellement de proies identifiées dans notre assemblage. Ces vestiges pourraient donc être le reflet du contenu stomacal de la grande aigrette. Premier cas archéologiquement documenté de ce type, cette combinaison exceptionnelle, regroupant un prédateur et ses proies dans un même contexte stratigraphique, nous offre l’image d’un instantané de l’environnement du site au IIe siècle ou/et IIIe siècle de notre ère.