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Au cœur de l’ancienne abbaye Saint-Laumer de Blois

Vue générale vers le sud-ouest et depuis les étages de l’ancien Hôtel-Dieu.

Vue générale vers le sud-ouest et depuis les étages de l’ancien Hôtel-Dieu. © Mathieu Nicolas, Inrap

En amont de sa réhabilitation, l’hôtel-Dieu de Blois a fait l’objet de fouilles menées, sur plus de 6 500 m2, par l’Inrap. Ces opérations ont notamment dévoilé la richesse insoupçonnée des vestiges de l’abbaye médiévale et moderne Saint-Laumer ainsi que des fortifications de l’enceinte de la ville.

Implanté en bordure de Loire, ce quartier, occupé dès l’Antiquité, a connu de nombreuses transformations. Parmi les découvertes figure un bâtiment, localisé au niveau de l’aile occidentale du cloître actuel. Cette dernière et l’église Saint-Nicolas sont les seuls vestiges en élévation du monastère médiéval bénédictin Saint-Laumer, dont l’existence est attestée du Xe siècle à la Révolution. Cette fouille constituait donc une occasion unique de documenter l’évolution du site à travers les siècles.

Un décor médiéval retrouvé

Au Moyen Âge, cette aile du cloître abritait le cellier monastique (dans sa partie nord) et une salle plus petite, voûtée sur croisée d’ogives (dans sa partie sud) à la fonction incertaine. À l’issue des opérations et avant la phase de traitement et d’analyse des données, on peut signaler la mise au jour des restes d’une peinture médiévale (conservée derrière des maçonneries à l’étage du bâtiment), sur enduit, représentant des motifs végétaux, notamment des palmettes blanches s’entrecroisant sur un fond rouge, et un personnage barbu positionné dans l’angle de la pièce. Ce décor remonte à la seconde moitié du XIIe siècle et appartenait très certainement à une frise qui ornait l’ensemble de la pièce dans sa partie haute. Autour du XIIIe siècle, cette frise a été détruite lors de l’aménagement d’une voûte sur croisée d’ogives retombant sur des culots sculptés, partiellement conservés dans les angles de la pièce.

Vestiges d’un enduit peint du XIIe siècle dans l’aile occidentale du cloître de l’ancienne abbaye.

Vestiges d’un enduit peint du XIIe siècle dans l’aile occidentale du cloître de l’ancienne abbaye. © Thomas Pouyet, Inrap

Le chemin de ronde

L’étude archéologique concernait également la charpente du bâtiment et les combles qui abritent encore les éléments d’un chemin de ronde crénelé et doté d’archères à étrier. Ce dispositif défensif est lié à l’agrandissement de l’enceinte urbaine de Blois, jusqu’à la limite occidentale du monastère, à la charnière des XIIIe et XIVe siècles. L’intégration de ce chemin de ronde est bien visible à l’intérieur du bâtiment avec l’installation d’un système d’arcade permettant de supporter le poids du nouvel équipement. La fouille a aussi documenté des modifications architecturales plus récentes, notamment celles réalisées par la congrégation de Saint-Maur au cours du XVIIe siècle qui réorganisa drastiquement le monastère avant sa transformation en hôtel-Dieu au XIXe siècle.

Archéologie des jardins

Les anciens jardins de l’abbaye ont aussi mis en lumière de nombreux vestiges de la vie monastique, militaire, civile et médicale des lieux. Pour l’Antiquité, une portion d’un bâtiment d’aspect monumental (en briques, tegulae posées à plat et retournées, et moellons de calcaire) a été identifiée à l’arrière de l’aile est du cloître (aile Guillaume de La Tremblaye), à proximité du chevet de l’actuelle église Saint-Nicolas. Il pourrait s’agir d’une structure de chauffe ou d’une cuve de stockage de denrées liquides. Mise au jour le long du mur pignon sud-est de cette même aile Guillaume de la Tremblaye, une partie du mur de l’enceinte urbaine, qui englobe l’abbaye à la fin du XIIIe siècle, témoigne de l’évolution du site au Moyen Âge. Dans la petite cour donnant sur le parvis de l’église Saint-Nicolas, le fossé ceinturant le rempart a été découvert en contrebas de l’aile fortifiée médiévale de l’abbaye. Au sud-est du chevet de l’église, se trouvent cinq sépultures, perturbées par des réaménagements postérieurs.

Sépulture localisée non loin du chevet de l’actuelle église Saint-Nicolas et perturbée par la construction d’un bâtiment postérieur.

Sépulture localisée non loin du chevet de l’actuelle église Saint-Nicolas et perturbée par la construction d’un bâtiment postérieur. © Pascal Juge, Inrap

La cour nord-est et la cour d’honneur

La charnière entre les époques médiévale et moderne a livré des bâtiments, en partie détruits et transformés, dans la cour nord-est de l’ancien hôtel-Dieu. Certains, cossus, appartenaient vraisemblablement à l’abbaye bénédictine. Ces édifices, parfois sur cave et comportant des arcs de décharge, étaient bâtis en pierres de taille en calcaire dur, ornés de moulures, sculptures et décors. On note également la présence d’enduits peints et de corbeaux soutenant les voûtes. Plusieurs niches ou placards apparaissent dans l’épaisseur des murs. Une portion de l’éperon défensif Saint-Laumer a pu être mise en évidence dans la cour d’honneur, qui donne sur la Loire. Construit dans la seconde moitié du XVIIe siècle, à la place de la tour d’angle carrée méridionale, il mesure plus de 2,20 m de largeur, et est crénelé sur sa partie interne. Les fouilles n’ont pas atteint ses fondations.

Au nord du site, un moule à cloche et son four ont été exhumés, à une trentaine de mètres à l’est du chevet de l’église. Très bien conservé, le second mesure 1,50 m de diamètre et pouvait accueillir une cloche de 1,70 m de haut. Probablement fondue pour l’ancienne église abbatiale Saint-Laumer, elle est peut-être encore en place aujourd’hui…

Vue du bâtiment médiéval et moderne.

Vue du bâtiment médiéval et moderne. © Mathieu Nicolas, Inrap

Une réserve à poissons

Toujours dans la cour d’honneur, les travaux ont permis de percevoir un vivier du XVIIIe siècle ; il se compose de deux bassins en moellons calcaires et mortier hydraulique, alimentés par des canalisations tubulaires en terre cuite. Cette réserve à poissons fonctionnait sans doute à l’époque où les mauristes occupaient le monastère, tout comme les ouvrages hydrauliques du secteur oriental du site, associés à l’aménagement des jardins monastiques.

Enfin, l’époque contemporaine est documentée par le premier réseau d’assainissement en canalisations maçonnées voûtées, les nombreux ouvrages hydrauliques alimentant l’abbaye et les restes de pharmacopée, liés au statut hospitalier de l’établissement, présents dans les fosses-dépotoirs.