Carnac : les dernières découvertes (3/9). Comprendre les humains grâce à la céramique

Vue au microscope du plat découvert dans le tumulus Saint-Michel. Les inclusions brunes à orange foncé correspondent aux grains de glauconie, les fragments anguleux noirs ou beiges à des morceaux d’os broyés ajoutés par les potiers. © B. Gehres
À l’occasion de l’inscription des Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet dernier, Archéologia vous propose de faire le point sur les dernières découvertes menées sur ces monuments iconiques du Néolithique. En effet, depuis le XIXe siècle, ils sont au cœur de fouilles et de mesures de conservation qui visent à mieux percer leurs mystères. Coup de projecteur sur les dernières révélations.
Les auteurs de ce dossier sont : Olivier Agogué, administrateur des monuments nationaux de Bretagne, directeur du musée de Carnac, CNRS, UMR 6566 CREAAH ; Vincent Ard, CNRS, UMR 5608 TRACES, Toulouse ; Audrey Blanchard, responsable d’opération, Archeodunum, ERC NEOSEA ; Guillaume Bruniaux, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Florian Cousseau, postdoctorant au sein du projet Megalithic Origins de l’université de Durham au Royaume-Uni ; Céline Cornet, directrice adjointe du musée de Préhistoire de Carnac et coordinatrice du dossier ; Émilie Heddebaux, conservatrice-restauratrice, Association Paysages de Mégalithes, doctorante en conservation-restauration, Laboratoire Héritages, UMR 9022, INP ; Benjamin Gehres, chargé de recherche CNRS, UMR 6566 CReAAH, Laboratoire Archéosciences ; Valentin Grimaud, architecte-archéologue indépendant, LARA Nantes Université ; Jean-Noël Guyodo, enseignant-chercheur, UMR 6566, ERC NEOSEA ; Gwenaëlle Hamon, chercheuse indépendante, associée à l’UMR 6566 CReAAH ; Vivien Mathé, ArchéoSolution, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Bettina Schulz Paulsson, professeur, Göteborg University, ERC NEOSEA ; Astrid Suaud-Préault, Drac Bretagne, Service régional de l’archéologie, UMR6566 CREAAH

Fac-similé du plat découvert près de la tombe centrale du tumulus Saint-Michel. Musée de Carnac. © N. Mather
Les tessons de céramique se retrouvent par centaines lors des fouilles archéologiques. Comment ces modestes objets peuvent-ils nous éclairer sur les sociétés du passé ? Répondre à cette question est l’un des objectifs du projet collaboratif de recherche Savoir-faire et traditions techniques céramiques de la façade atlantique.
Du golfe du Morbihan jusqu’au sud des Pays de la Loire, ce programme cherche à comprendre les fonctionnements socio-économiques passés, du Néolithique ancien à l’Âge du bronze ancien.
Origine des terres et recettes mises en œuvre
Il vise ainsi à identifier les techniques mises en œuvre dans la création de céramiques et les traditions artisanales dans la sélection des terres par les potiers. Chaque étape, du façonnage de l’ébauche à celui de la forme et des traitements des surfaces (en incluant de possibles décors), est documentée le plus précisément possible, pour faire ressortir des ressemblances ou des variations selon les sites. Ces observations sont mises en perspective avec l’étude pétrographique des pâtes, qui aide à déterminer l’origine des terres mais aussi les « recettes » liées à la préparation des argiles (ajout d’os broyés, de chamotte, de végétaux…). Le but est de discerner des manières de faire communes, et les diffusions au sein des villages, lieux cérémoniels et monuments funéraires.
De terre et d’os
Une des principales zones de recherche concerne le sud du Morbihan et la région de Carnac. Des ensembles issus de divers sites funéraires et cérémoniels (Er Grah et la Table des Marchands sur la péninsule de Locmariaquer, Er Lannic à Arzon, le tumulus Saint-Michel) et de l’habitat du Lizo à Carnac ont fait l’objet d’une étude typo-technologique et de prélèvements qui ont servi, et vont servir, à des analyses pétrographiques au microscope polarisant. Le cas très rare d’un plat d’une trentaine de centimètres de diamètre, trouvé à proximité de la tombe centrale du tumulus Saint-Michel à Carnac, est à ce titre particulièrement intéressant. Ses surfaces très douces et brillantes révèlent un véritable poli miroir. L’examen de la pâte montre une multitude d’inclusions osseuses extrêmement fines (des fragments beiges à plus de 30 %), associées à de la glauconie (des minéraux à grains arrondis rouges) et des éléments très fins de quartz subarrondi. Rares sur le Massif armoricain, des gisements de terre à glauconie sont présents dans le Morbihan. Il pourrait s’agir des terres employées pour modeler le plat et le programme va approfondir ses recherches pour le confirmer. De même, s’il n’est pas majoritaire, le fait d’ajouter de l’os (humain ou animal) est une tradition technique que l’on observe dans la région durant cette période. La présence de ces os finement broyés a pu jouer un rôle non négligeable dans la possibilité d’obtenir une pâte souple et propice à ce polissage poussé, caractéristique des productions les plus remarquables du Néolithique moyen.
Ainsi, c’est notamment grâce à l’étude de toutes ces particularités que pourront se (re-)dessiner des réseaux d’apprentissage ou d’échanges de biens entre les communautés.
Sommaire
Carnac : les dernières découvertes
3/9. Comprendre les humains grâce à la céramique
7/9. Dater les stèles du Plasker à Plouharnel (à venir)
8/9. Conserver et restaurer les mégalithes (à venir)
9/9. Le nouveau musée de Carnac (à venir)





