Carnac : les dernières découvertes (6/9). Le cairn de Goasseac’h, un géant de pierre au cœur de la Bretagne

Vue de drone du cairn de Goasseac’h : 38 des 120 m de la butte ont été dégagés. © Florian Cousseau
À l’occasion de l’inscription des Mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet dernier, Archéologia vous propose de faire le point sur les dernières découvertes menées sur ces monuments iconiques du Néolithique. En effet, depuis le XIXe siècle, ils sont au cœur de fouilles et de mesures de conservation qui visent à mieux percer leurs mystères. Coup de projecteur sur les dernières révélations.
Les auteurs de ce dossier sont : Olivier Agogué, administrateur des monuments nationaux de Bretagne, directeur du musée de Carnac, CNRS, UMR 6566 CREAAH ; Vincent Ard, CNRS, UMR 5608 TRACES, Toulouse ; Audrey Blanchard, responsable d’opération, Archeodunum, ERC NEOSEA ; Guillaume Bruniaux, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Florian Cousseau, postdoctorant au sein du projet Megalithic Origins de l’université de Durham au Royaume-Uni ; Céline Cornet, directrice adjointe du musée de Préhistoire de Carnac et coordinatrice du dossier ; Émilie Heddebaux, conservatrice-restauratrice, Association Paysages de Mégalithes, doctorante en conservation-restauration, Laboratoire Héritages, UMR 9022, INP ; Benjamin Gehres, chargé de recherche CNRS, UMR 6566 CReAAH, Laboratoire Archéosciences ; Valentin Grimaud, architecte-archéologue indépendant, LARA Nantes Université ; Jean-Noël Guyodo, enseignant-chercheur, UMR 6566, ERC NEOSEA ; Gwenaëlle Hamon, chercheuse indépendante, associée à l’UMR 6566 CReAAH ; Vivien Mathé, ArchéoSolution, Université La Rochelle, UMR 7266 LIENSs ; Bettina Schulz Paulsson, professeur, Göteborg University, ERC NEOSEA ; Astrid Suaud-Préault, Drac Bretagne, Service régional de l’archéologie, UMR6566 CREAAH
Vue de drone du cairn de Goasseac’h. © Florian Cousseau
En plein cœur de la Bretagne, près de Carhaix-Plouguer, une découverte archéologique exceptionnelle bouleverse notre compréhension des sociétés néolithiques. Depuis 2019, les fouilles du cairn de Goasseac’h révèlent un monument funéraire géant, long de 110 m, abritant au minimum neuf dolmens. Ce site, daté du milieu du Ve millénaire avant notre ère, prouve que les communautés du Néolithique moyen ne se limitaient pas au littoral pour ériger leurs constructions de grandes dimensions.
Contrairement aux cairns côtiers bien connus, comme ceux de Barnenez (Plouezoc’h, Finistère), du Souc’h (Plouhinec, Finistère) ou d’Er Grah (Locmariaquer, Morbihan), Goasseac’h se dresse à l’intérieur des terres, dans le bassin de Châteaulin, une dépression géologique riche en schistes et grauwackes. Ces pierres, extraites de carrières voisines, ont servi à construire un édifice agrandi et remodelé sur plusieurs générations.
Le miroir du monde des morts
La fouille du dolmen le plus au sud a livré des niveaux funéraires intacts remontant au Néolithique moyen. Parmi les découvertes les plus marquantes : un dépôt de crémation, où des ossements calcinés, triés avec soin après le bûcher, ont été placés entre des pierres le long de la paroi nord de la chambre. Deux perles vertes, possiblement en variscite espagnole, et un pot (dit de type Castellic), orné de motifs en goutte d’eau réalisés à l’aide d’un coquillage similaire au bigorneau, accompagnaient ces restes. Ces objets, que l’on trouve habituellement sur la côte morbihannaise, soulignent le prestige de ces dépôts. Les analyses révèlent que ces ossements appartiennent à un seul individu adulte, dont la crémation remonte à 4300 avant notre ère. D’autres dolmens montrent des traces de condamnation ritualisée : leurs entrées ont été bloquées par des murs de pierre et des masses de terre, afin de sceller ce qui se trouvait à l’intérieur. Ce qui n’a pas empêché des intrusions postérieures…
Une utilisation millénaire
Cette découverte est spectaculaire à plusieurs titres. Goasseac’h devrait dépasser en nombre de chambres funéraires des sites emblématiques comme Barnenez ou La Hogue en Normandie. L’architecture, les techniques de construction comme les voûtes en encorbellement, les dallages et les parois de condamnation, témoignent d’une maîtrise architecturale remarquable employant principalement la maçonnerie en pierre sèche. Enfin, le lieu a été utilisé pendant près de 2 000 ans, jusqu’à l’Âge du bronze, prouvant son importance durable pour les communautés locales.
Une fenêtre ouverte sur le passé
Les fouilles se poursuivent pour identifier l’architecture complète du site et les pratiques funéraires, dater précisément chaque phase de construction grâce à des méthodes complémentaires comme le radiocarbone, la luminescence ou l’archéomagnétisme, et reconstituer le paysage autour du cairn, en lien avec les habitats et les voies de communication de l’époque. Goasseac’h n’est pas qu’un monument : c’est une fenêtre ouverte sur le passé, qui révèle comment les premières sociétés agricoles de Bretagne honoraient leurs morts, structuraient leur espace et perpétuaient leur mémoire.
Sommaire
Carnac : les dernières découvertes
6/9. Le cairn de Goasseac’h, un géant de pierre au cœur de la Bretagne
7/9. Dater les stèles du Plasker à Plouharnel (à venir)
8/9. Conserver et restaurer les mégalithes (à venir)
9/9. Le nouveau musée de Carnac (à venir)





