Chambord : révélations de l’archéologie (3/7). Le château et ses abords au XVIᵉ siècle

La salamandre, emblème de François Iᵉʳ, décorant le château Chambord. © VIARD M. / Horizon Features / Leemage
Château hors normes qui fête ses 500 ans en 2019, symbole du pouvoir royal puis républicain, classé sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, Chambord est un des sites emblématiques de la Renaissance française. L’archéologie y est rentrée par la petite porte, dans l’ombre des personnages historiques tutélaires du lieu, il y a une vingtaine d’années. Elle y a mené une dizaine d’interventions préventives et programmées qui ont permis de renouveler de manière décisive les connaissances sur le château et ses abords. Elle a aussi apporté des éléments essentiels à l’histoire d’autres palais modernes, comme Roissy et Fontainebleau. Des avancées fondamentales que présente Archéologia dans ce dossier.
Le château de Chambord bordé de son jardin à la française. © DR
François Ier n’a jamais donné au château l’écrin que l’édifice méritait mais cette absence n’était guère préoccupante pour le souverain. L’archéologie montre que, malgré sa grandeur et sa portée symbolique, Chambord est resté le pendant « sauvage » du château « urbain » de Blois.
Le projet de du Cerceau
L’architecte Jacques Androuet du Cerceau déplore l’état d’inachèvement des lieux vers 1576 : « Quant au jardin, ce n’est rien, & ne respond en façon quelconque à la magnificence du bastiment : iaçoit que qui vouldroit l’augmenter, il y a assez pour l’amplifier. » Les plans et dessins qu’il a réalisés montrent un monument entouré de fossés en eau délimités par des murs en pierre de taille avec des balcons en encorbellement. Un grand miroir d’eau s’étendait devant la façade nord. Le suivi des travaux des réseaux en 2010 a souligné que ce projet avait été amorcé avec l’ouverture des fossés, entaillés dans le coteau à l’ouest. Les murs des fausses-braies autour des côtés ouest, sud et est du château furent terminés avec leurs balcons en encorbellement et sont pour certains parfaitement conservés. Ces aménagements faisaient certainement partie du projet initial car les ailes est et ouest des communs intégraient chacune un drain dans leurs fondations pour évacuer les eaux pluviales de la cour vers les fossés. En revanche, les murs de contrescarpe n’ont jamais été réalisés et les fossés sont restés ouverts jusqu’aux grands travaux du XVIIe siècle. Ce même état d’inachèvement fut remarqué lors de la fouille des parterres nord et est en 2016, fouille qui a également permis de documenter la séquence complète des différents états des jardins du château entre le milieu du XVIe siècle et les restaurations du XXe siècle.
Au fil de l’eau, l’influence du Cosson
Chambord a entretenu une relation étroite et mouvementée avec le Cosson. Cette petite rivière paresseuse aux roseaux qui ralentissent son écoulement a causé de fréquentes inondations et ses marais plutôt malsains ont fait l’objet de travaux hydrauliques dès 1530.
Il est même raconté que François Ier aurait distribué de l’argent à ses ouvriers pour les encourager à travailler dans conditions insalubres. Depuis le XVIe siècle, le Cosson est en effet au cœur d’opérations successives d’aménagements. Entre 1544 et 1551, à l’extérieur, le « fossé des Italiens », destiné à contourner les eaux au sud, est creusé, ses talus étant toujours visibles aujourd’hui. Un projet plus ambitieux est réalisé en 1562 avec un canal maçonné parallèle au Cosson qui le dévie en partie. Ces travaux placent alors le château sur une sorte d’île, visible sur une peinture de 1600 conservée dans la galerie des Cerfs à Fontainebleau. Vers 1640, toujours dans le but d’améliorer l’écoulement de la rivière, Gaston d’Orléans fait démolir quatre moulins en aval du château. Les projets de jardins dessinés par Hardouin-Mansart tendent à éloigner le cours principal tout en entourant le château de canaux maçonnés. Un premier projet est commencé, abandonné entre 1682 et 1685 et remplacé par l’amorce de l’état actuel, repris seulement en 1730. Entre 1745 et 1750, le maréchal de Saxe fait creuser en amont le Grand Canal, remarquant qu’« ici, on meurt comme des mouches » à cause du mauvais air. Les interventions archéologiques ont permis de retrouver une partie d’un aqueduc enterré qui figure sur un plan de 1811. Malgré ces efforts, l’eau entre régulièrement, à tel point que le niveau de sol prévu dans la cour intérieure est condamné dès le XVIe siècle. Rétif à toute autorité, royale ou républicaine, le Cosson s’est rappelé à notre bon souvenir lors des crues de mai-juin 2016, couvrant les parterres nord et sud seulement quelques semaines avant le début du chantier de fouilles des jardins…
Carte murale du château et de la forêt de Chambord au XVIᵉ siècle. Fontainebleau, château de Fontainebleau, Galerie des Cerfs. © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot
Le jardin à l’est du château
Au milieu du XVIe siècle, un grand jardin fut aménagé à l’est du château sous la forme d’une plate-forme entourée des bras du Cosson. La fouille a montré l’existence d’une levée de terre précédée par un large fossé à fond plat au nord et délimité par un mur en pierre de taille du côté ouest, devant l’aile orientale des communs. Il a également été possible de mettre en évidence les états successifs du chemin de Chambord à Saint-Dyé-sur-Loire par lequel arrivaient les matériaux de construction, le long d’un petit jardin formel situé devant la tour de la Chapelle et séparé du chemin par un fossé et une double ligne de fosses de plantation. La nature de leurs remplissages illustre la pratique du fumage avec des ordures ménagères ; les fragments des poteries suggèrent une date vers le milieu du XVIe siècle.
Les douves à l’est du château. Comblées au XIXᵉ siècle, elles furent remises en eau dans les années 1970. Les maçonneries visibles correspondent à la base du mur de terrasse qui formait la limite ouest du « Grand Jardin » du XVIᵉ siècle. © S. Bryant (Inrap)
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