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Chambord : révélations de l’archéologie​​ ​​(6/7). Fontainebleau, château médiéval et moderne

Jacques Androuet du Cerceau, Le château de Fontainebleau. Dessin. Château de Fontainebleau, Archives photographiques de la conservation. Le pont-levis est illustré mais les fortifications autour de l’escalier ne le sont pas.

Jacques Androuet du Cerceau, Le château de Fontainebleau. Dessin. Château de Fontainebleau, Archives photographiques de la conservation. Le pont-levis est illustré mais les fortifications autour de l’escalier ne le sont pas. © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / image RMN-GP

Château hors normes qui fête ses 500 ans en 2019, symbole du pouvoir royal puis républicain, classé sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, Chambord est un des sites emblématiques de la Renaissance française. L’archéologie y est rentrée par la petite porte, dans l’ombre des personnages historiques tutélaires du lieu, il y a une vingtaine d’années. Elle y a mené une dizaine d’interventions préventives et programmées qui ont permis de renouveler de manière décisive les connaissances sur le château et ses abords. Elle a aussi apporté des éléments essentiels à l’histoire d’autres palais modernes, comme Roissy et Fontainebleau. Des avancées fondamentales que présente Archéologia dans ce dossier.

Vue de la cour Ovale et de la porte du Baptistère du château de Fontainebleau.

Vue de la cour Ovale et de la porte du Baptistère du château de Fontainebleau. © Actu-culture.com / OPM

Mondialement connu pour son escalier en fer-à-cheval dû à Jacques Androuet du Cerceau, le château de Fontainebleau, situé en Seine-et-Marne, est inscrit depuis 1981 sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Face à l’augmentation croissante du nombre de visiteurs, la nécessité de conserver et de mettre en valeur un château vieux de huit siècles, seule résidence royale continuellement occupée de la période médiévale au Second Empire, a conduit à mener dès 2015 de nombreux travaux de restauration et de mise aux normes en termes de sécurité et d’accessibilité. C’est dans ce cadre que l’Inrap est intervenu en procédant à des diagnostics et à des fouilles.

Un château avant tout médiéval

Avant de devenir l’un des châteaux emblématiques du règne de François Ier, le premier château de Fontainebleau fut d’abord un haut donjon carré fondé en 1068. Fréquentée régulièrement par la famille royale capétienne à la fin du XIIe et au XIIIe siècle, la demeure voit la fondation, en 1169, sous le règne de Louis VII, de la chapelle Saint-Saturnin, bénie par l’archevêque de Cantorbéry, Thomas Becket. Plus tard, Saint Louis, rentré en France après une croisade éprouvante, confia en 1259 à l’ordre de la Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs, à l’intérieur même du château, un hôpital-couvent, comprenant une chapelle, un hôpital, un logis, une maison du chapelain, un jardin, un grand clos et un étang utilisé comme vivier. L’emplacement exact de l’abbaye est encore à ce jour mal connu, même si l’on s’accorde à le situer dans la partie nord-est de la cour d’Honneur. À son retour de captivité de Madrid, François Ier trouva le site quasiment en ruine et décida, dès 1528, de reconstruire le château et de le moderniser.

Vestiges insoupçonnés

Les opérations archéologiques ont débuté en 2016 par l’implantation de sondages dans différents lieux : la cour d’Honneur, la place des Mathurins, le jardin de Diane, la cour Ovale ou encore la cour de la Fontaine. Ces interventions ont révélé des vestiges médiévaux jusqu’alors insoupçonnés. Les plus importants ont cependant été mis au jour en 2018, autour de l’actuel escalier en fer-à-cheval mais également le long du pavillon des Poëles et à proximité du Jeu de Paume. Ces investigations ont livré les fondations de l’escalier Philibert Delorme achevé peu avant 1559, les restes des éléments défensifs édifiés à partir de 1565 par Catherine de Médicis, dont l’escarpe et la contrescarpe délimitant les douves, des éléments fortifiés mis en place autour de l’accès menant de la cour d’Honneur à la cour de la Fontaine, des lambeaux de pavages du XVIe siècle, et enfin deux sépultures.

Des sépultures médiévales

La présence au pied de l’escalier de ces deux sépultures, dont l’une est complète, permet d’accréditer l’existence d’une zone d’inhumations dans un secteur où se situait l’abbaye des Trinitaires. Cette découverte n’est pas inédite, puisque le révérend père Frère Pierre Dan, religieux du couvent des Trinitaires et historien du château de Fontainebleau au XVIIe siècle, dont il laisse une description en 1642, assiste, entre 1632 et 1634, à la mise au jour d’ossements à l’occasion de la construction de l’escalier en fer-à-cheval. Plus tard, au XXe siècle, d’autres ossements resurgissent, comme le raconte Albert Bray en 1935 : « J’étais présent, lorsqu’il s’y trouva [dans les fondements de l’escalier actuel] plusieurs ossements de trépassés avec de petits pots de terre où se mettait de l’encens que l’on y brûlait et que l’on jetait dans les fosses et sépultures des défunts. » En dépit des nombreuses constructions qui se sont succédé à l’emplacement de l’escalier, les recherches actuelles ont confirmé les observations anciennes et la bonne conservation des inhumations.

Sépulture médiévale mise au jour au pied de l’escalier en fer-à-cheval.

Sépulture médiévale mise au jour au pied de l’escalier en fer-à-cheval. © F. Mallet (Inrap)

Catherine de Médicis et les guerres de religion

Les nombreuses fondations maçonnées se trouvaient de part et d’autre du passage menant de la cour d’Honneur à la cour de la Fontaine, qui devint à partir de 1540 l’entrée privilégiée menant au château. Après le massacre de Wassy en 1562 et face aux menaces d’une guerre civile, Catherine de Médicis entreprit des travaux. En 1565, un fossé vint isoler l’ancien château médiéval, l’aile de la galerie François Ier et le corps principal sur la cour du Cheval Blanc. Des fouilles menées par A. Bray en 1938 ont permis de trouver les éléments de ce fossé, et celles conduites au nord de la cour d’Honneur en 2018, le fossé des douves, son escarpe et contrescarpe.

Un escalier fortifié

Au XVIe siècle, la cour du Cheval Blanc devient, après avoir été une cour de service, la cour d’Honneur du château. Un escalier est alors construit par Philibert Delorme avec la volonté de disposer d’un grand aménagement extérieur favorisant d’une part l’accès à l’appartement du souverain Henri II, dorénavant localisé entre la nouvelle cour et la cour de la Fontaine, et d’autre part, l’accueil des cortèges accompagnant les souverains en visite. De ce secteur, seules sont connues six vues dessinées ou gravées par du Cerceau. L’intervention de diagnostic archéologique menée au sud de l’escalier en fer-à-cheval, jusqu’à hauteur du pavillon des Poëles, a permis de mettre au jour des éléments défensifs de part et d’autre de l’escalier Philibert Delorme, éléments mis en place sous Catherine de Médicis et qui n’étaient illustrés jusqu’à ce jour que dans une gravure conservée au British Museum.

Vue zénithale des absides nord fortifiées de l’escalier Philibert Delorme.

Vue zénithale des absides nord fortifiées de l’escalier Philibert Delorme. © F. Mallet (Inrap)

Pour aller plus loin
HEBERT J.-F. et SARMANT T., 2013, Fontainebleau. Mille ans d’histoire de France, Éditions Taillandier.
BOUDON F. et BLÉCON J., avec la collaboration de GRODECKI C., 1998, Le château de Fontainebleau de François I er à Henri IV. Les bâtiments et leurs fonctions, Éditions Picard.
BRAY A.-L., 1935, « Les origines de Fontainebleau », Bulletin monumental, t. 94, no 2, pp. 171-214.