Dans le Puy-de-Dôme : un site laténien à la croisée des chemins

Décapage en cours : le contour des vestiges est tracé en orange.

Décapage en cours : le contour des vestiges est tracé en orange. © C. Lecée, Hadès, 2018

Situé près de Clermont-Ferrand, le village d’Orcet conserve un important patrimoine archéologique, lié à sa situation géographique au cœur de la Limagne des buttes. En 2018, la construction de logements au lieu-dit Les Courtiaux a conduit les services de l’État à instruire un diagnostic, puis une fouille d’environ 6 000 m² menée par la société Hadès. Si ses résultats sont nombreux, c’est avant tout son mobilier datant de la Protohistoire récente qui a retenu l’attention.

Du fait de la nature sédimentaire des terres noires de la Limagne, les structures sont difficiles à percevoir. Distinguer les différentes phases d’occupation se révèle donc compliqué : l’histoire des Courtiaux semble débuter au Néolithique moyen II régional (soit au Chasséen, au Ve millénaire avant notre ère), plusieurs récipients en céramique de cette période ayant été mis au jour. L’Âge du bronze (IIe millénaire avant notre ère) est, lui aussi, perçu grâce à un mobilier erratique. Les vestiges de la fin du premier Âge du fer (Hallstatt) et du début du second (La Tène) sont plus tangibles.

Un mobilier abondant

Au Ve siècle avant notre ère, on observe au moins trois fosses quadrangulaires à fond plat. Il s’agit de petits bâtiments semi-excavés d’une dizaine de mètres carrés, bien connus en Auvergne mais dont la fonction exacte (artisanale ou domestique ?) reste méconnue. Le mobilier y est abondant, notamment la céramique, avec plusieurs milliers de fragments. Quatre d’entre eux, appartenant à un minimum de trois récipients, sont importés depuis le domaine méditerranéen : une anse à vernis noir, dont l’origine est supposée grecque (céramique attique) ; deux petits tessons à pâte claire et engobe rouge-ocre non couvrant (bandes peintes), peut-être d’un même récipient à paroi mince (env. 4 mm), tourné, relevant des productions peintes du Midi de la Gaule ; et enfin un bord en bandeau souligné d’une paire de rainures, semblable aux coupes à pâte claire méridionales pourvues d’une anse horizontale et ornées de lignes peintes. En Auvergne, les importations de céramique méditerranéenne sont très rares avant le IIIe siècle avant notre ère. Seuls deux autres sites ont livré un matériel équivalent. Ainsi, bien que modestes, ces fragments confèrent à l’occupation des Courtiaux un intérêt exceptionnel.

Fosse quadrangulaire à fond plat St. 472, vue en coupe. Les litages de charbons de bois et de graines carbonisés sont nets.

Fosse quadrangulaire à fond plat St. 472, vue en coupe. Les litages de charbons de bois et de graines carbonisés sont nets. © A. Gagne, Hadès, 2018

Des influences culturelles multiples

Cette idée est confortée par la découverte de céramique dite « cannelée », similaire à celle du domaine nord hallstattien et trouvant des parallèles sur des sites comme Le Münsterberg (Breisach, Allemagne), Vix (Côte-d’Or) ou Bourges (Cher). Certains éléments de faune semblent aller dans le même sens, en suggérant la présence de la poule domestique (Gallus gallus), ce qui constituerait un témoignage précoce de l’installation de ce taxon dans les cheptels gaulois. Ces indices manifestent ainsi des influences culturelles multiples, dont le vecteur reste à ­préciser. S’agit-il, par exemple, de pénétrations commerciales, de mimétisme ou du signe de la présence d’individus allogènes ?
Enfin, le mobilier plus classique (céramique locale, macro-outillage lithique, fusaïoles, plaques de foyer, etc.) renvoie à la sphère domestique, sans trahir d’activités artisanales complexes. La présence en grande quantité de charbons de bois et de graines carbonisées permet de reconstituer une partie du paysage de l’époque et les habitudes de consommation.

Mobilier céramique du Ve siècle avant notre ère.

Mobilier céramique du Ve siècle avant notre ère. Dessins R. Lauranson, Hadès, 2019

Un abandon progressif

Au cours du IVe siècle et au début du IIIe siècle avant notre ère, les fosses quadrangulaires sont progressivement abandonnées, probablement en lien avec un déplacement de l’occupation, comme l’atteste un vaste empierrement (bâtiment ?), quelques foyers et une quatrième fosse, comblée en partie avec des fragments de terre crue ou cuite (clayonnage, torchis et enduits). Cuit accidentellement, ce matériel témoigne de la destruction par le feu d’un bâtiment proche, façonné en terre crue sur une ossature en bois.
Si le caractère domestique des vestiges de cette période est assuré, l’impression générale qui se dégage de la documentation, moins abondante qu’auparavant, est celle d’une déprise de l’occupation. Le IIIe siècle avant notre ère est une période charnière à l’échelle de la Grande Limagne, où de nombreux sites s’effacent au profit de nouveaux pôles d’attraction. Le site des Courtiaux semble s’inscrire dans ce processus. Il faudra attendre le VIIe siècle de notre ère pour voir une nouvelle installation s’y développer.

Pour aller plus loin :
COLLAS R., LECÉE C., 2023, Orcet (Puy-de- Dôme), Les Courtiaux, Fouille archéologique préventive, RFO Hadès, Clermont-Ferrand, SRA Auvergne-Rhône-Alpes.
MENNESSIER-JOUANNET C., DEBERGE Y. (dir.), 2017, Chronologie du mobilier archéologique du second âge du fer en Auvergne, vol. 1 : Monographie des ensembles de référence, Tours, FERACF, coll. 65e supplément à la RACF