Découverte : un festin de sangliers néolithiques en Iran

Évocation d'une chasse au sanglier. © Éric Le Brun
Les Gaulois et avant eux les Chasséens du Néolithique moyen sont réputés pour leurs grands banquets. Mais cette heureuse tradition existait déjà au début du Néolithique et nécessitait parfois une logistique impressionnante et de longues marches, comme le démontre une nouvelle découverte de sangliers au sud-ouest de l’Iran.
Sur le site d’Asiab, daté du Néolithique ancien (entre environ 9660 et 9340 avant notre ère), les archéologues ont mis au jour les crânes dépecés de dix-neuf sangliers, un crâne et une mandibule d’ours, ainsi que des bois de cerf, rassemblés dans une fosse à l’intérieur d’un bâtiment circulaire semi-souterrain d’environ 20 m de diamètre.
Un repas pantagruélique
Ces restes n’ont pas été accumulés là au fil du temps, mais ont été préparés ensemble, au même moment. Donc deux hypothèses : celui qui habitait ici était un très gros mangeur, ou bien plusieurs personnes se sont réunies sur ce lieu de rassemblement communautaire afin de partager un repas pantagruélique. L’information est en soi importante, même si des repas collectifs sont déjà connus : ainsi, vers 160 000 ans, dans la grotte du Lazaret (Alpes-Maritimes), des Néandertaliens anciens ont consommé de concert la moelle de mandibules de cerfs avant de quitter les lieux. Mais à Asiab, les proportions sont beaucoup plus conséquentes.
Des sangliers lourds à porter
Les archéologues ont calculé que ces sangliers faisaient un poids total d’environ 700 kg. La ration quotidienne de viande à cette époque étant évaluée entre 0,4 et 1 kg par personne, ce banquet aurait pu nourrir entre 350 et 1 200 adultes ! Même si une partie a pu être conservée, ce qui suppose un savoir-faire particulier, ou offerte à d’hypothétiques divinités en sacrifice, cela reste impressionnant. D’autant qu’il fallait également tuer les bêtes, les dépecer, les vider, les assaisonner puis les cuire… Par ailleurs, le sanglier, rarement chassé à cette époque, ne vivait pas à proximité du bâtiment – en tout cas pas en quantité suffisante. D’après les estimations basées sur l’examen de la composition chimique des dents de cinq sangliers pris au hasard dans l’échantillon (qui renseigne sur les aliments ingérés et sur la composition de l’eau qu’ils ont bue durant leur croissance), il s’avère que les plus proches vivaient à une distance minimale de 70 km d’Asiab. Certes, un sanglier peut parcourir seul plusieurs dizaines de kilomètres, mais son espace de circulation vital dépasse rarement 20 km2.
Marcher ouvre l’appétit ?
Ce sont donc les hommes qui les ont apportés sur le site. Les archéologues ont alors estimé qu’en se basant sur la vitesse de marche de 4 à 5 km/h, pour des hommes et des femmes âgés de 20 à 60 ans, il aurait fallu 14 à 17,5 h pour parcourir 70 km sur un terrain plat. L’environnement autour d’Asiab ne l’étant pas particulièrement, la durée a dû être encore plus longue, en comptant le poids de chacun des animaux, même répartis entre plusieurs individus. L’hypothèse la plus probable serait que le trajet aurait duré deux jours dans le scénario où les personnes auraient apporté des animaux entiers – l’autre scénario étant que seules les têtes auraient été amenées, pour un sacrifice rituel. Étaient-ce d’ailleurs des locaux qui seraient allés chasser puis auraient rapporté leurs trophées, ou des personnes étrangères à la communauté qui seraient venues avec leur offrande ? Le mystère reste entier. Le sanglier, peu consommé, occupe un rôle symbolique très important au début du Néolithique : il apparaît d’ailleurs en majesté sur l’un des piliers de Göbekli Tepe (Turquie). Plus tard, on sacrifiera des animaux domestiques (porcs, bœufs ou moutons) déjà sur place. Un gain de temps et d’énergie appréciable.





