Dunkerque : les épaves de l’opération Dynamo, 85 ans d’histoire

Vue au drone de l’épave du Crested Eagle. © Manuel Año, ProdAqua, Arkaeos
Du 26 mai au 4 juin 1940, alors qu’une partie des troupes alliées est encerclée dans la « poche de Dunkerque », 338 226 soldats, principalement britanniques et français, sont évacués vers l’Angleterre au cours de l’opération Dynamo. Cette retraite organisée dans l’urgence mobilise plus d’un millier de navires de tous types de plusieurs pays alliés. Elle a laissé de nombreuses épaves dans les eaux françaises, aujourd’hui au cœur d’études historiques et archéologiques.
Au cours des neuf jours et neuf nuits que dure l’opération, bâtiments de guerre, cargos, ferries, chalutiers, remorqueurs et même bateaux de plaisance se rendent à Dunkerque pour évacuer les soldats. Si certains navires sont réquisitionnés pour l’occasion, d’autres, notamment les Little Ships, se portent volontaires. L’embarquement et la traversée de la Manche sont périlleux, les menaces nombreuses : au moins 305 unités sont perdues, frappées par les bombes, les tirs côtiers, les mines, les torpilles ou victimes du chaos de l’événement.
Trente-sept épaves sous les mers
Longtemps peu documentés, les navires perdus de Dynamo ont d’abord fait l’objet entre 2021 et 2023 d’un mémoire de master (C. Destanque). Compilant données d’archives et informations provenant des plongeurs locaux, ce travail a révélé tout l’intérêt et le potentiel archéologique de ce champ de bataille immergé. Si une partie des vestiges de l’opération a été relevée et réarmée par les Allemands durant l’Occupation, afin de remettre en état le port de Dunkerque, pas moins de trente-sept épaves liées à l’opération se trouveraient toujours dans les eaux sous juridiction française (trente-et-une en mer, cinq sur l’estran et une dans le port de Dunkerque). Elles sont à présent au centre d’un programme de recherche pluriannuel mené par le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm, ministère de la Culture) en collaboration avec l’association Arkaeos, sous la direction conjointe de Cécile Sauvage et Claire Destanque. Son but est de localiser précisément et de confirmer les identifications des épaves dans les eaux françaises.

Squelette de l’une des deux roues à aubes du Brighton Queen, l’une des épaves expertisées lors de la mission de 2024. © André PiedPalmé
Une première campagne à l’automne 2023
Une première campagne, conduite en partenariat avec Historic England à l’automne 2023 à bord du navire de recherche du Drassm l’André Malraux, a permis de prospecter trente-et-un sites à l’aide d’un sondeur multifaisceaux et d’un sonar à balayage latéral. Vingt-sept épaves perdues en mai-juin 1940 ont pu être localisées avec certitude et deux autres épaves potentiellement en lien avec l’opération ont fait l’objet de relevés acoustiques. Cette prospection a pu, notamment, rectifier des erreurs de positionnement, corriger l’identification des épaves des chalutiers dragueurs de mines français Denis Papin et Moussaillon (grâce à la comparaison des relevés avec les éléments d’archives), ou encore révéler l’évolution rapide de certains sites. Ainsi, sur l’épave du destroyer Keith, déjà connue, toute la partie centrale tribord de la coque a basculé entre 2019 et 2023.
Vestiges remarquables
Ces données ont en partie été complétées en septembre 2024 par des expertises en plongée financées par la Communauté urbaine de Dunkerque et réalisées grâce au concours essentiel de Dunkerque Plongée. Elles ont porté sur neuf épaves sous-marines mais aussi sur les cinq épaves situées sur l’estran. Certaines identifications ont pu être confirmées par l’observation de détails techniques : le cargo français Saint Camille par exemple a livré trois chaudières tubulaires, intactes, concordantes avec les données d’archives. L’identification du HMS Havant a quant à elle pu être validée par l’observation de son artillerie. D’autres vestiges remarquables, comme ceux du paquebot à roues à aubes Crested Eagle transformé en navire anti-aérien au début de la Seconde Guerre mondiale et échoué sur la plage de Zuydcoote le 29 mai 1940, livrent encore de précieux éléments de compréhension. La seconde et dernière phase des expertises en plongée devrait avoir lieu du 12 septembre au 5 octobre 2025.

Mesure du calibre du canon orienté verticalement de l’épave du Havant. © André PiedPalmé
Un projet muséographique
Au-delà de leur intérêt historique et scientifique, ces sites présentent un fort potentiel en termes de valorisation. Des projets relatifs aux épaves de Dynamo sont déjà en cours de développement. Les données acquises lors des différentes missions alimenteront également un projet muséographique du territoire dunkerquois, afin de mieux faire connaître au grand public, plongeurs ou non, ces témoins de l’urgence et du courage de mai et juin 1940.
Pour aller plus loin
POIRRIEZ J., BACHELOR K., 2018, The ships involved in operation DYNAMO May 26 to June 4, 1940, Dunkerque, SDHA.
ODDONE P., POIRRIEZ J., PRUVOST B., TOMASEK M., VERMESCH O., 2021, Spirit of Dynamo. Une histoire revisitée – Dunkerque 1940, Dunkerque, SDHA.







