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Exceptionnel ensemble médiéval à Sainte-Christie-d’Armagnac

Vue générale du site vers l’ouest : au fond la motte aujourd’hui arborée ; au premier plan, de gauche à droite, l’ancien cimetière, l’église paroissiale et le logis en pan de bois.

Vue générale du site vers l’ouest : au fond la motte aujourd’hui arborée ; au premier plan, de gauche à droite, l’ancien cimetière, l’église paroissiale et le logis en pan de bois. © Géoptère

Dans l’ouest du département du Gers, au cœur du bas Armagnac, le village de Sainte-Christie-d’Armagnac possède un étonnant patrimoine bâti. Si ce dernier est essentiellement connu grâce au rempart médiéval en terre crue, il comporte aussi un logis seigneurial en pan de bois, une église paroissiale et une motte féodale. Bien conservés, ils viennent de faire l’objet de fouilles et d’études éclairant l’histoire de ces constructions d’origine carolingienne.

Depuis 2018, le laboratoire ITEM EA 3002 de l’université de Pau et des pays de l’Adour pilote un programme collectif de recherche (PCR) sur le site du Castet (partie fortifiée et seigneuriale) avec l’aide de partenaires privés et publics, le tout en marge de travaux de restauration et de mise hors d’eau. L’objectif de la municipalité et de l’association des Amis du Castet, très actives dans ce projet, est de sauver, restaurer et faire connaître ce patrimoine soit inscrit, soit classé au titre des Monuments historiques. Les investigations portent donc sur tout le site et se poursuivent cet été.

Rempart et logis : le cœur du Castet

L’habitat médiéval sur le Castet était à l’origine un espace clos par un rempart de terre massive, préservé sur 18,70 m de long. Il a fait l’objet d’une étude de bâti (L. Soulard, LandArc, A. Klein, Architerre), d’analyses micromorphologiques (C. Cammas, Inrap) et de datations par le carbone 14 réalisées sur les bruyères qui séparent les couches de terre crue. La technique employée (bauge), mettant en œuvre des couches de terre filantes, est connue dans le Sud-Ouest. Le rempart de Sainte-Christie-d’Armagnac demeure toutefois un des très rares exemples médiévaux de ce type conservés en France. Édifié entre la seconde moitié du XIIIe et la fin du XIVe siècle, il sert ensuite d’appui à un logis seigneurial conçu à la fois en maçonnerie et en pan de bois. Celui-ci comprend deux étages en encorbellement desservis par un escalier en vis et chaque niveau possède une grande salle de 50 m2 dotée d’une cheminée monumentale. L’ensemble est construit au tournant du XVIe siècle. Il pourrait être l’œuvre de Jean d’Armagnac, issu de la petite aristocratie gasconne, proche de la famille des comtes d’Armagnac, comme en témoignent les armoiries peintes sur la grande cheminée du rez-de-chaussée. D’autres enduits muraux à motifs végétaux sont préservés sous des badigeons de chaux tardifs, ainsi qu’un décor peint au plafond de la grande salle du rez-de-chaussée – qui fera ensuite l’objet de remaniements aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.

Vue du rempart en terre crue.

Vue du rempart en terre crue. © A. Klein

L’église paroissiale

Le logis est bordé au sud par l’église Saint-Pierre. Elle a fait l’objet d’une étude de bâti et d’une fouille dans sa sacristie (Y. Mattalia, Éveha), qui ont révélé un premier bâtiment ecclésial. Ses maçonneries sont en petit appareil de moellons calcaires réguliers subsistant sur au moins 9 m de haut. Trois baies en plein cintre sans ébrasement ont été observées. Elles dateraient du Xe siècle. Le monument, dont le plan primitif associait un chœur carré à une large nef initialement charpentée, s’installe sur une nécropole antérieure. Ce n’est sans doute pas le fruit du hasard : lors de l’édification du chœur, un sarcophage (qui fera l’objet de fouilles durant l’été 2025) a été intégralement préservé, rappelant la tradition, connue dès la période ­tardo-antique, de construire un édifice de culte au-dessus de la sépulture des défunts célèbres (ou morts fondateurs). En revanche, le mur gouttereau sud de l’église est, lui, élevé sur un sarcophage au couvercle orné de trois croix pattées. Cette église paroissiale est par la suite très transformée.

Couvercle du sarcophage SEP 272 décoré de croix pattées.

Couvercle du sarcophage SEP 272 décoré de croix pattées. © Y. Mattalia

La motte castrale

La motte de 47 m de diamètre à la base et de 10,45 m de haut est située à l’ouest du cœur du Castet. Sa plateforme sommitale atteint actuellement 474 m2. Ses dimensions sont dans la moyenne de celles connues dans l’Astarac voisin. Le site a fait l’objet de plusieurs sondages dans ses fossés comblés, sa basse-cour et au sommet du tertre (N. Guinaudeau, ACTER). De manière inattendue, le bâti et les niveaux d’occupation de la plateforme sommitale sont bien conservés, scellés et protégés par l’effondrement d’un bâtiment élevé en terre crue. Ces déblais de 40 à 90 cm recouvrent un mur en terre massive mesurant plus de 2,10 m de long. Ses parois sont propres et lissées, parfois rougies par la présence d’une sole foyère. Les sondages ont aussi mis au jour un autre foyer et des niveaux de sols souvent charbonneux avec du mobilier céramique, de la faune parfois brûlée et de rares carporestes (graines). Cette occupation semble limitée dans le temps entre le milieu du XIe siècle et le milieu du XIIIe siècle. Prometteuse, la campagne estivale 2025 devrait permettre non seulement de fouiller le sarcophage et la sacristie afin de compléter le plan de l’église carolingienne, mais aussi d’ouvrir le tiers de la surface de la plateforme de la motte pour en percevoir l’organisation au cœur du Moyen Âge.