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Fondation Boghossian : dans l’œil du collectionneur Jean Claude Gandur 

Peinture murale représentant la dame Tjepou (détail). Troisième quart du IIe millénaire avant notre ère.

Peinture murale représentant la dame Tjepou (détail). Troisième quart du IIe millénaire avant notre ère. © Fondation Gandur pour l’Art, Genève, Grégory Maillot, point-of-views.ch

Dans l’écrin de la villa Empain, magistralement restaurée, la Fondation Boghossian accueille quelques joyaux – 130 tout de même – de la Fondation Gandur pour l’Art, conservés à Genève. Axée sur les fonds égyptien et d’art contemporain africain, cette sélection offre une occasion singulière de questionner le regard que cette civilisation antique posa sur elle-même, sur celui que nous lui vouons et enfin sur celui que les artistes contemporains lui accordent.

Elle borde l’extra-large avenue Franklin Roosevelt à Bruxelles. Longtemps délaissée, la villa Empain a retrouvé, après des décennies d’une vie mouvementée (à l’image de l’histoire de la famille qui la conçut, voire de la Belgique tout entière…), son lustre apaisé. Ses murs Art déco accueillent désormais la Fondation Boghossian, lieu incontournable de la scène artistique nationale qui œuvre pour le rapprochement des cultures entre Orient et Occident, et invite pour quelques mois la Fondation Gandur pour l’Art, dont un florilège d’œuvres se déploie au fil de huit sections et des pièces de la maison : salle d’escrime, chambres, salles de bain, boudoirs et salon.

Tête du bélier d’Amon. VIIIe-Ve siècle avant notre ère.

Tête du bélier d’Amon. VIIIe-Ve siècle avant notre ère. © Fondation Gandur pour l’Art, Genève, André Longchamp

Un regard à tiroirs

Il ne pouvait en être autrement : facétieux, le parcours commence par un clin d’œil, sur ces yeux fardés, cernés de khôl, reconnaissables entre tous, si propres à l’art égyptien – art que même les plus béotiens identifient d’ailleurs d’un seul regard ! Il se transforme ensuite en Regard sur la mort, deuxième thème « iconique » de la société pharaonique. Et les chefs-d’œuvre se succèdent : couvercle de sarcophage, masques funéraires de différentes époques, mais ô combien touchants et gracieux. On ne boude pas notre plaisir quand bien même les « stéréotypes » s’enchaînent (avec Regards sur le Nil dans la salle de bain bleue, petit bijou mosaïqué, ou la section sur les Regards célèbres) : on s’émerveille devant les plaques en bronze représentant le dieu Hâpy et des sculptures virtuoses – un joufflu Ptolémée, un doux Alexandre le Grand figé dans le marbre, un impérial Auguste ou le divinisé Imhotep (accompagné de sa mère !). Viennent ensuite les Regards sur le sacré avec des stèles funéraires peuplées de dieux, les mythes de l’œil de Ré et de celui d’Horus, expliquant l’origine prophylactique de cet organe. Des animaux, il est enfin question car, avant tout incarnations des dieux, ils sont figurés par les artistes égyptiens, qui avaient l’œil, et l’outil, pour retranscrire avec sensibilité et naturalisme, la vitalité du monde qui les entourait – notons une singulière série de têtes d’ibis en bois plaqué or, cette majestueuse tête d’Amon en bois et une touchante oie dédiée à ce même dieu…

Peinture murale représentant la dame Tjepou. Troisième quart du IIe millénaire avant notre ère.

Peinture murale représentant la dame Tjepou. Troisième quart du IIe millénaire avant notre ère. © Fondation Gandur pour l’Art, Genève, Grégory Maillot, point-of-views.ch

Art contemporain africain

Présentée pour la première fois en Belgique, une quarantaine d’œuvres d’art contemporain (peintures, photographies, sculptures) africain et de la diaspora ponctue et clôture (Regards transformés) le parcours. Entre tradition, détachement, réappropriation, elles sont non seulement (très) belles mais aussi (très) intéressantes – et souvent non dénuées de malice ! Petit dernier de la Fondation Gandur pour l’Art, ce fonds, récemment constitué par le collectionneur Jean Claude Gandur, montre aussi comment le regard du spécialiste, comme celui de l’amateur, peut changer au fil du temps. Un œil repu de beauté satisfait un esprit qui s’en retourne ainsi comblé. 

« Regards intemporels : des pharaons à aujourd’hui », jusqu’au 7 septembre 2025 à la Fondation Boghossian, villa Empain, Centre d’art et de dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident, 67 avenue Franklin Roosevelt, 1050 Bruxelles. Tél. +32 (0)2 627 52 30. www.boghossianfoundation.be