La Ville rose à la lumière de l’archéologie (1/5). Toulouse avant Toulouse : Néolithique et Âge du bronze

Vue aérienne de Toulouse. © Andrey Khrobostov, Alamy Banque d’images
Occupée dès le Ve millénaire avant notre ère, la région toulousaine n’a, depuis, cessé de voir les cultures et les civilisations se succéder. Depuis les années 2000, les connaissances sur la Ville rose ont grandement progressé grâce aux fouilles préventives menées dans le cadre des aménagements urbains. Voici un premier bilan de ces riches recherches qui soulignent la singularité des évolutions et les perpétuelles métamorphoses d’une cité qui trace son propre destin.
Les auteurs de ce dossier sont : Laure Barthet, coordinatrice scientifique de ce dossier et conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Saint-Raymond ; Christophe Calmés, responsable d’opérations archéologiques, médiéviste, Cellule Archéologie Toulouse Métropole (CATM) ; Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines au musée Saint-Raymond ; Philippe Gardes, Inrap, TRACES UMR 5608 ; Christelle Molinié, chargée des ressources documentaires au musée Saint-Raymond ; Julien Ollivier, SRA Occitanie, TRACES UMR 5608 ; Justine Robert, HADÈS Archéologie, membre associée TRACES UMR 5608 ; Maïténa Sohn, Cellule Archéologie Toulouse Métropole, TRACES UMR 5608
Village fortifié chasséen dominant la plaine de la Garonne : Villeneuve-Tolosane/Cugnaux au Néolithique moyen. Illustration Gilles Tosello
Il y a 10 000 ans, le Néolithique marque un tournant dans l’histoire humaine. Né au Proche-Orient, ce mode de vie se propage en Europe sous de multiples facettes. À Toulouse, c’est autour de 4500 avant notre ère qu’une première culture néolithique, appelée le Chasséen, est reconnue. Si l’agriculture et l’élevage transforment profondément les sociétés, à l’aube de l’Âge du bronze, de nouveaux changements se mettent en place.
Au niveau de la ville actuelle de Toulouse, la vallée de la Garonne offre un cadre favorable à l’installation humaine avec terrasses et coteaux dominant le fleuve, gués et terres fertiles.
Des architectures monumentales
Dès 4500 avant notre ère, de vastes établissements fortifiés s’implantent sur les hauteurs de la plaine alluviale. Les habitats de Saint-Michel-du-Touch à Toulouse, de Villeneuve-Tolosane/Cugnaux et de Château-Percin à Seilh comptent parmi les sites chasséens les plus spectaculaires d’Europe occidentale. Entourés de profonds fossés (2,50 m de profondeur pour 5 m de large à Seilh) et de hauts murs en terre crue et bois, ces villages pouvaient s’étendre sur plus de 25 ha. À Château-Percin, des cornes de bovins coiffaient le rempart, ce qui lui donnait un aspect clairement ostentatoire. Mais le rôle de ces villages était aussi économique. En témoignent les imposantes et nombreuses batteries de fours à galets chauffés mises au jour. Des analyses ont montré que de grandes quantités d’aliments y avaient été cuites. À Villeneuve-Tolosane, une fosse retrouvée à proximité des fours contenait des restes de boucherie estimés à 5 tonnes de viande (abattage d’un cheptel ?). Lieux de rassemblements communautaires et saisonniers destinés à la production, aux échanges et au contrôle d’un territoire agricole, ces villages auraient fonctionné en réseau avec des habitats plus modestes.
Un Chasséen remarqué et remarquable
Dans la région, le Néolithique n’est repéré que dans son stade moyen, appelé le Chasséen. Cette culture se développe sur une large partie du territoire français mais est particulièrement marquée à Toulouse. On lui attribue, entre autres, la mise en place de réseaux d’échanges à longue distance : des matériaux rares sont alors importés, comme la variscite de Catalogne, le silex blond du Vaucluse ou les roches vertes alpines. Les Chasséens du Toulousain se distinguent également dans le domaine funéraire, qui demeure l’un des mieux documentés du Sud de la France. Une trentaine de tombes sont connues, dispersées au sein des villages fortifiés ou regroupées dans de petites aires funéraires, comme à Sauzat (Blagnac). Certaines sépultures illustrent remarquablement cette identité chasséenne : c’est le cas de la sépulture 1 de Villeneuve-Tolosane, qui a livré de riches parures, dont quatre perles en variscite et des outils en os, en roche et en silex, parmi lesquels une hachette polie et une lamelle en silex blond. Deux récipients complétaient cet ensemble : typique des productions céramiques chasséennes (pâtes fines, fonds ronds, préhensions en cartouchières…), l’un d’eux, une coupe, offre un décor solaire gravé unique en son genre.
Coupe chasséenne dite en calotte portant un motif solaire gravé à l’intérieur et un motif géométrique sur sa face externe. Sépulture 1 de Villeneuve-Tolosane, fouille L. Méroc en 1960. © J.-F. Peiré, Drac Occitanie
L’aube des inégalités : fin du Néolithique et Âge du bronze
Vers 3500 avant notre ère, une dégradation du climat (petit âge glaciaire ?) expliquerait l’abandon de ces grands sites. Débute alors la phase finale du Néolithique mettant en présence de nouvelles cultures, le Vérazien, puis le Campaniforme.Des habitats fortifiés leur sont attribués, comme celui de La Terrasse à Villeneuve-Tolosane. Leur taille, qui ne dépasse pas un hectare, laisse penser à des résidences de familles puissantes. Ce type de structures aristocratiques perdure jusqu’à la fin de l’Âge du bronze (le Cluzel à Toulouse). Mais l’introduction de la métallurgie du cuivre vers 3000 avant notre ère, puis de celle du bronze vers 2000 avant notre ère, entraîne de profonds changements sociaux. Les réseaux d’échanges se diversifient (cuivre, étain, or, sel, ambre), créant des alliances inédites. Au cours du IIe millénaire avant notre ère, le guerrier de l’Âge du bronze est valorisé grâce à une arme nouvelle : l’épée. Des pièces exceptionnelles datent de cette période comme le torque en or dit de Toulouse ou l’épée du Bazacle. Dans le même temps, le monde villageois semble peu évoluer. Les habitats sont plus petits, dispersés et leur occupation de plus courte durée. Il pourrait s’agir, dans certains cas, d’exploitations familiales pratiquant une agriculture itinérante. Le site le plus emblématique reste celui de la caserne Niel à Toulouse. Ce quartier, habité presque en continu entre le Néolithique moyen et l’Âge du bronze final, éclaire la transition vers l’Âge du fer, autour de 800 avant notre ère, grâce à une remarquable nécropole à incinérations.
Torque torsadé en or dit « de Toulouse ». Âge du bronze final, 7 x 8 x 0,4 cm replié. © J.-F. Peiré, musée Saint-Raymond de Toulouse
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