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La Ville rose à la lumière de l’archéologie (2/5). Toulouse gauloise

Vue en cours de fouille d’un puits et des rejets d’amphores.

Vue en cours de fouille d’un puits et des rejets d’amphores. © G. Munteanu, Hadès

​​​​​Occupée dès le Ve millénaire avant notre ère, la région toulousaine n’a, depuis, cessé de voir les cultures et les civilisations se succéder. Depuis les années 2000, les connaissances sur la Ville rose ont grandement progressé grâce aux fouilles préventives menées dans le cadre des aménagements urbains. Voici un premier bilan de ces riches recherches qui soulignent la singularité des évolutions et les perpétuelles métamorphoses d’une cité qui trace son propre destin.

Les auteurs de ce dossier sont : Laure Barthet, coordinatrice scientifique de ce dossier et conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Saint-Raymond ; Christophe Calmés, responsable d’opérations archéologiques, médiéviste, Cellule Archéologie Toulouse Métropole (CATM) ; Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines au musée Saint-Raymond ; Philippe Gardes, Inrap, TRACES UMR 5608 ; Christelle Molinié, chargée des ressources documentaires au musée Saint-Raymond ; Julien Ollivier, SRA Occitanie, TRACES UMR 5608 ; Justine Robert, HADÈS Archéologie, membre associée TRACES UMR 5608 ; Maïténa Sohn, Cellule Archéologie Toulouse Métropole, TRACES UMR 5608

Plan général de l’oppidum de Vieille Toulouse.

Plan général de l’oppidum de Vieille Toulouse. © P. Gardes, Inrap

La fin de l’Âge du fer est connue grâce à de rares sources écrites qui mentionnent la ville et son sanctuaire. Dès 150 avant notre ère, cette prospère cité gauloise, alliée à Rome, entretient de nombreuses relations commerciales et sans doute diplomatiques avec le monde méditerranéen. Si les recherches sur les origines de Toulouse ont débuté dès le XVIIe siècle, depuis les années 2000, les multiples opérations préventives ont abouti à une meilleure connaissance de cette époque.

Au IIe siècle avant notre ère, la cité des Volques-Tectosages se décline en deux pôles d’habitat principaux, un site de hauteur localisé sur ­l’actuelle commune de Vieille-Toulouse et un site de plaine localisé dans le quartier Saint-Roch de Toulouse.

Le vaste site fortifié de Vieille-Toulouse

Occupé depuis au moins le début du IIe siècle avant notre ère, ce site fortifié est l’un des plus vastes de Gaule puisqu’il s’étend sur 200 ha. Son système de défense, redécouvert grâce au LiDAR, associe un talus et un fossé s’adaptant au relief naturel. Les vestiges les plus importants se trouvent sur deux plateaux, séparés par un talus qui suit partiellement la route actuelle, nommée « chemin de l’oppidum ». Le cœur de ville est implanté sur le premier, dominant, au lieu-dit la Planho et couvre environ 20 ha. Les opérations récentes ont mis en lumière une stratification importante et structurée conjuguant des fonctions domestiques, économiques, religieuses mais aussi politiques et administratives. Doté d’un urbanisme régulier, ce quartier s’organise autour d’espaces à vocation communautaire, d’ateliers de production et d’un sanctuaire. Il semble néanmoins être surtout dédié à l’habitat avec des édifices sur poteaux porteurs ou à pans de bois. La romanisation s’accélère à partir des années 40/30 avant notre ère et se manifeste à travers la diffusion du mortier, de la tuile et de la brique avec l’apparition de constructions de type italique.
Quant au quartier du plateau de Borde-Basse, il est davantage tourné vers l’artisanat, et notamment la fabrication de vases en céramique et de tuiles architecturales. Les fours de potiers mis au jour livrent une vaisselle standardisée de qualité, dédiée à la cuisine et au service. À proximité, de très nombreux puits (dont les profondeurs peuvent atteindre jusqu’à 20 m) ont été documentés. Historiquement interprétés comme des ensembles rituels ou funéraires, ils sont désormais perçus comme des puits à eau. Voués à un usage éphémère, ils ont été abandonnés et réutilisés en dépotoir.

Gobelet à visage de Bacchus, importé d’Italie centrale, et souvent lié à des rites populaires réalisés par les légionnaires romains.

Gobelet à visage de Bacchus, importé d’Italie centrale, et souvent lié à des rites populaires réalisés par les légionnaires romains. © T. Le Dreff, Hadès

Qui habitait Vieille-Toulouse ?

Certainement une importante popu­­­­­lation laborieuse, dont des forgerons et des potiers. Mais des aristocrates y résidaient aussi comme en témoignent des lieux ou des objets liés au pouvoir administratif (stylets, balances de précision), militaire (casques, balles de fronde) ou à un statut social privilégié (vaisselle métallique, parure, gobelet à visage de Bacchus). Les quantités de ce type de mobilier supposent la présence de commerçants ou de négociants locaux et étrangers (Romains, Grecs ou Ibères ?). En effet, des dizaines de milliers d’amphores à vin venues d’Italie ou de Méditerranée, massivement importées, ont été mises au jour ; elles sont à mettre en parallèle avec d’autres produits, comme les céramiques fines ou les nombreuses monnaies frappées en Gaule, en Espagne, en Italie, voire dans la Turquie actuelle.

Un centre commercial à Saint-Roch

À 3 km du centre-ville actuel, le site de Saint-Roch se développe sur une légère éminence, le long de la plus basse terrasse de la Garonne. L’occupation de cette agglomération ouverte d’environ 70 ha débute vers 200 avant notre ère et s’accroît surtout à partir du milieu du IIe siècle avant notre ère. Aucun indice ne témoigne pour l’instant d’une organisation urbaine à grande échelle. On note toutefois quelques fossés et des espaces investis de manière plus ou moins dense. Les vestiges attestent d’habitats, en général peu concentrés, et de structures domestiques (puits, foyers, fosses à fonctions diverses). La fouille de la caserne Niel (2009-2011) a, de plus, révélé des ateliers de production (métallurgie, tabletterie, activité bouchère) ; des fours de potiers étaient également en activité dans ce même secteur. Comme à Vieille-Toulouse, le site de Saint-Roch a dévoilé des masses considérables d’amphores et de produits importés de Gaule, d’Espagne et de toute la Méditerranée, ce qui en fait un centre de commerce important sans doute lié à un port sur la Garonne. Mais le site de Saint-Roch est abandonné dans les années 80 avant notre ère et, dès lors, seule subsiste la ville principale de Vieille-Toulouse. Elle-même est délaissée vers 10 avant notre ère sous Auguste au profit de la ville romaine, située en plaine au plus près de la Garonne et de la voie d’Aquitaine.

« Les sites de Vieille-Toulouse et de Saint-Roch sont abandonnés au Ier siècle avant notre ère au profit de la ville romaine, située au plus près de la Garonne. »