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La Ville rose à la lumière de l’archéologie (3/5). Toulouse romaine et wisigothe

Évocation du rempart ceinturant la ville romaine.

Évocation du rempart ceinturant la ville romaine. © Christian Darles

​​​​Occupée dès le Ve millénaire avant notre ère, la région toulousaine n’a, depuis, cessé de voir les cultures et les civilisations se succéder. Depuis les années 2000, les connaissances sur la Ville rose ont grandement progressé grâce aux fouilles préventives menées dans le cadre des aménagements urbains. Voici un premier bilan de ces riches recherches qui soulignent la singularité des évolutions et les perpétuelles métamorphoses d’une cité qui trace son propre destin.

Les auteurs de ce dossier sont : Laure Barthet, coordinatrice scientifique de ce dossier et conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Saint-Raymond ; Christophe Calmés, responsable d’opérations archéologiques, médiéviste, Cellule Archéologie Toulouse Métropole (CATM) ; Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines au musée Saint-Raymond ; Philippe Gardes, Inrap, TRACES UMR 5608 ; Christelle Molinié, chargée des ressources documentaires au musée Saint-Raymond ; Julien Ollivier, SRA Occitanie, TRACES UMR 5608 ; Justine Robert, HADÈS Archéologie, membre associée TRACES UMR 5608 ; Maïténa Sohn, Cellule Archéologie Toulouse Métropole, TRACES UMR 5608

Évocation du grand temple romain de la place Esquirol.

Évocation du grand temple romain de la place Esquirol. © Olivier Dayrens, Catherine Viers, Inrap

C’est en lien direct avec la Garonne, et plus particulièrement avec un gué, le Bazacle, que la Toulouse romaine est créée ex nihilo, au crépuscule du Ier siècle avant notre ère. À cette cité monumentale, toute de briques parées, succède, au Ve siècle, la capitale des Wisigoths.

C’est de la Garonne que naquit Tolosa. Dominant d’une quinzaine de mètres le passage du Bazacle, la terrasse, protégée des crues, sur laquelle la cité s’implante possède un faible relief, idoine pour le nouvel établissement romain d’une superficie de 90 ha. L’égout, ou grand collecteur, qui structure, du nord au sud, la trame orthogonale de la ville est le premier à conditionner son développement urbain.

Une enceinte d’inspiration grecque

Les limites de la ville s’inscrivent à l’intérieur d’une enceinte ponctuée de 48 tours. Construite à l’époque de Tibère, elle fut certainement décidée dès le règne d’Auguste. Mais il faut voir dans ces murs, privilège accordé par l’empereur à une cité, avant tout « un rempart de prestige », loin de quelconques préoccupations défensives. Son soubassement présente un appareillage composé de petits moellons calcaires, suivi de trois rangées traversantes en briques, puis de quatre à six assises supplémentaires constituées de petits blocs en pierre. Les parements extérieurs sont élevés en briques (opus testaceum). À l’intérieur des murs, des parois transversales forment des caissons remplis de mortier (opus caementicium), disposés en quinconce. Ce mode de construction, déjà connu dans le monde grec, permet une bonne rigidification des remparts et fait de l’enceinte des Tolosates un unicum en Gaule romaine.

Des portes monumentales

Les vestiges de deux grandes portes, la porte Narbonnaise et la Porta Arietis, sont connus au sud et au nord, de part et d’autre du cardo maximus (axe principal nord-sud). Une troisième ouvrait à l’est sur l’axe du decumanus maximus (axe principal est-ouest). La monumentale porte septentrionale était constituée de deux passages piétonniers, voûtés, de 2,40 m de large et 18,75 m de long. Ils encadraient, sans communiquer avec elle, une cour centrale circulaire de 12,10 m de diamètre, dont les deux accès pouvaient être condamnés. Cette architecture impressionnante agissait probablement comme un symbole puissant, celui de la romanisation, pour tous ceux qui entraient, depuis l’Aquitaine, dans la province de Narbonnaise.
Quant à la porte ouvrant sur la voie Narbonnaise, le soubassement polygonal de sa tour orientale trouve quelques parallèles en Italie, à Spello ou à Turin en particulier. Comme pour cette dernière, les portes furent probablement élevées avant l’édification des courtines, mais après la mise en place du réseau des égouts principaux et donc de la trame orthogonale évoquée précédemment.

Plan de Tolosa à l’époque impériale romaine (Ier-IVe siècle).

Plan de Tolosa à l’époque impériale romaine (Ier-IVe siècle). © Musée Saint- Raymond, Toulouse

Le grand temple

Au cœur de la cité, entre le cardo maximus et un cardo secondaire, s’élevait un temple imposant à six ou huit colonnes en façade : long de 42 m, escalier compris, large de 26,90 m et haut sans doute d’environ 25/26 m. Le monument était entouré d’un portique, large de 10 m, divisé en deux par une colonnade axiale. Ce sanctuaire aurait été érigé dans les dernières années du principat d’Auguste et voué au culte impérial pour les uns, ou bien durant la seconde moitié du Ier siècle et Capitolium (soit en l’honneur des trois divinités principales de Rome, Jupiter, Junon et Minerve) pour les autres. Le decumanus maximus le longeait au sud, séparant l’aire du temple de la grande place constituant le forum. Pris dans son ensemble, ce dernier atteignait (avec l’aire du grand temple) une longueur de 300 m sur une centaine de mètres de large.
Si les historiens estiment que l’élévation de Tolosa au titre de colonie se situe entre le règne d’Auguste et celui d’Hadrien (avec une forte probabilité pour l’époque domitienne), un lien direct entre son nouveau statut juridique et l’édification d’un tel monument peut être envisagé.

La brique : la marque identitaire

La brique toulousaine, dont l’utilisation massive implique la naissance d’une industrie à grande échelle, se caractérise par un module constant : 36 à 38 cm de longueur pour 22 à 24 cm de large et 4 cm d’épaisseur. Elle est le matériau maître de toutes les nouvelles constructions publiques qui, outre l’enceinte, définissent la nouvelle cité des Tolosates : théâtre, aqueduc, monument des eaux et un amphithéâtre, élevé à 4 km de la cité, sous le règne de Claude, et associé à une agglomération secondaire dynamique.

« La brique est le matériau maître de toutes les nouvelles constructions publiques de la nouvelle cité des Tolosates. »

La mutation du centre politique durant l’Antiquité tardive

À partir du milieu du IVe siècle, l’urbanisme se densifie dans le centre de la cité romaine. Le grand temple du forum est démoli et ses matériaux remployés. Avec l’arrivée des Goths, qui font de Tolosa leur capitale au Ve siècle, c’est désormais vers la Garonne, dans la zone nord-occidentale de la ville, que le centre politique et décisionnel se déplace. Ces nouveaux maîtres construisent, contre l’enceinte du Ier siècle, un véritable domaine palatial, probable siège du gouvernement. Se dessine alors, dans cette zone de la ville antique, un quartier goth dont les limites ne sont malheureusement pas connues.