La Ville rose à la lumière de l’archéologie (4/5). Toulouse médiévale

Restes d’une ancienne tour contre l’enceinte du bourg. © M. Sohn, CATM
Occupée dès le Ve millénaire avant notre ère, la région toulousaine n’a, depuis, cessé de voir les cultures et les civilisations se succéder. Depuis les années 2000, les connaissances sur la Ville rose ont grandement progressé grâce aux fouilles préventives menées dans le cadre des aménagements urbains. Voici un premier bilan de ces riches recherches qui soulignent la singularité des évolutions et les perpétuelles métamorphoses d’une cité qui trace son propre destin.
Les auteurs de ce dossier sont : Laure Barthet, coordinatrice scientifique de ce dossier et conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée Saint-Raymond ; Christophe Calmés, responsable d’opérations archéologiques, médiéviste, Cellule Archéologie Toulouse Métropole (CATM) ; Pascal Capus, chargé des collections de sculptures romaines au musée Saint-Raymond ; Philippe Gardes, Inrap, TRACES UMR 5608 ; Christelle Molinié, chargée des ressources documentaires au musée Saint-Raymond ; Julien Ollivier, SRA Occitanie, TRACES UMR 5608 ; Justine Robert, HADÈS Archéologie, membre associée TRACES UMR 5608 ; Maïténa Sohn, Cellule Archéologie Toulouse Métropole, TRACES UMR 5608
Les vestiges d’une cave observés lors de la fouille rue de Metz. © C. Calmés, CATM
Au cours du Moyen Âge et jusqu’à la fin de la période moderne, Toulouse reste protégée par son enceinte héritée de l’Antiquité. Mais la ville s’étend progressivement en dehors des limites imposées. Comment les dernières opérations archéologiques aident-elles à mieux dessiner le visage de la ville, et son évolution, durant ces siècles centraux ?
Si, depuis la fin du XIe siècle, un rempart enserre, au nord, le bourg Saint-Sernin, à l’ouest le faubourg Saint-Cyprien se développe lentement en bordure de Garonne. Tout autour de la ville, des lotissements apparaissent, certains devenant de véritables faubourgs tandis que d’autres périclitent.
Rares fouilles dans le quartier nord
Les opérations dans le quartier du bourg Saint-Sernin sont peu nombreuses (voir plan page suivante). Récemment deux d’entre elles se sont tenues à l’extérieur de la ville médiévale, à proximité du rempart. Elles ont mis en valeur l’existence d’un cimetière, peut-être en lien avec l’épidémie de peste du XIVe siècle et, près d’une porte, un long bâtiment, assez atypique, à la fonction encore indéterminée. Mais ce sont surtout les recherches localisées dans le bourg qui ont livré de nouvelles informations. Ainsi les fouilles de l’ancien arsenal ont révélé l’existence, contre l’enceinte, d’un ancien quartier de la fin du Moyen Âge. Ses maisons ont ensuite été méticuleusement arasées par les Chartreux, qui l’ont, à la période moderne, transformé en jardins. Enfin, à moins d’une centaine de mètres au sud, un suivi archéologique a cerné un îlot bâti d’époque moderne le long de la rue Valade.
Localisation des principales fouilles médiévales au cours des 25 dernières années. © C. Calmés, CATM
Le haut potentiel du centre-ville
Les lignes de métro sont une aubaine pour l’archéologie : au début des années 2000, la mise en place de la ligne B a entraîné la fouille du couvent des Grands Carmes. Puis à l’occasion de l’aménagement de la Drac dans l’ancien hôtel Saint-Jean, les travaux ont révélé des enfeux (niche funéraire percée dans un mur pour abriter un tombeau) aux décors peints et un sarcophage doté d’un gisant encore intact sur son couvercle, tandis que dans la cour, les fouilles ont fait connaître le grand prieuré des Hospitaliers avec son cimetière (investi dès le XIIe siècle et en fonction jusqu’au XVIe siècle). À l’extérieur de la ville médiévale, les différentes campagnes de fouilles autour de la station François-Verdier ont mis au jour le fossé d’enceinte et son franchissement, mais aussi un système d’aqueducs acheminant l’eau depuis les collines avoisinantes et alimentant le griffoul (fontaine publique) sur la place de la cathédrale. Quant à la troisième ligne de métro, elle a conduit à la rénovation de la rue de Metz et à la construction d’un nouvel accueil pour le musée des Augustins, qui ont eu pour conséquence d’importants travaux… et de nombreuses découvertes. A notamment été dégagée, sur près de 500 m, la physionomie ancienne de cette voie, précédant la création de l’axe actuel à la fin du XIXe siècle. Des maisons, ou plutôt leurs caves, et des éléments de voirie ont alors été exhumés. Devant le musée, la chapelle de l’Ecce Homo, du début du XVIe siècle, est sortie de terre. Les plus anciens niveaux remontent à la fin du Moyen Âge, avec des soubassements en brique, certainement surmontés d’une architecture mêlant terre et bois. Des traces rubéfiées témoignent d’un incendie qui a touché la ville au milieu du XVe siècle.
Vue de la chapelle de l’Ecce Homo (couvent des Augustins). © C. Calmés, CATM
Le quartier du château Narbonnais
Au sud de la ville, les fouilles de la deuxième ligne du métro ont été l’occasion de s’intéresser à l’ancienne résidence des comtes de Toulouse, le château Narbonnais, implantée sur la porte romaine. Le fossé principal, présent dès la période carolingienne, est comblé avant le XIIIe siècle. Après la prise de possession du comté par le roi (1271), ce dernier lance de grands travaux pour transformer l’ancien château en centre administratif. Le palais est agrandi vers le sud, sur l’ancienne lice. Un nouveau rempart est édifié, s’étendant vers l’est, jusqu’à la porte Montgaillard (rue Ozenne) ; son tracé a été reconnu lors de diverses opérations archéologiques (château Narbonnais, rue des Fleurs, Hauts-Murats). Ce quartier, appelé la Sénéchaussée, s’achève à hauteur de la prison des Hauts-Murats. Édifiée sur l’ancien cimetière juif de Toulouse, à la fin du XIIIe siècle, cette geôle est ensuite rebâtie au début du XVIe siècle. À l’extérieur de la ville, les fouilles qui ont eu lieu sur le site du Muséum d’histoire naturelle ont permis de dégager un lotissement médiéval du XIVe siècle et d’appréhender un peu mieux le peuplement des abords de la ville. Organisé autour d’une rue centrale, l’habitat se développe en îlots. Les maisons sont principalement construites en terre et en bois. Au sud du château Narbonnais, au-delà du fossé, une vaste aire funéraire est en usage entre le VIIIe et le XIIe siècle. À la suite des travaux lancés à partir du XIIIe siècle, le cimetière se restructure et une église dédiée à Saint-Michel est érigée au XIVe siècle. À proximité, un autre cimetière, comportant des « sépultures de catastrophe » liées à la peste du XIVe siècle, a été fouillé, exhumant plus de 150 corps sur une petite parcelle.
Et le faubourg ?
Le faubourg reste le parent pauvre de l’archéologie toulousaine. Les fouilles qui y ont eu lieu sont peu nombreuses : ce sont surtout les diagnostics qui nous renseignent sur son potentiel scientifique. La plupart montre que les établissements antérieurs à la période moderne sont difficiles à saisir, notamment en raison des crues de la Garonne qui ont sapé un habitat sans doute léger et entraîné de nombreux remblaiements. Plusieurs opérations ont pris place le long du fleuve, entre l’hôtel-Dieu et l’hôpital La Grave, mais aussi sur la dernière arche du Pont-Vieux ancrée dans la façade de l’hôpital Saint-Jacques. Sur le port Viguerie, c’est le cimetière moderne de l’hôtel-Dieu qui est identifié, tandis qu’à l’hôpital La Grave, c’est peut-être celui des pestiférés du début du XVIe siècle, qui se trouve au centre de la cour de la Maternité. En définitive, l’ensemble de ces recherches offre une meilleure compréhension de l’espace intérieur de la ville, qui mute et se transforme au fil des siècles, et de ses abords extérieurs qui, mieux renseignés, dévoilent notamment des espaces funéraires liés aux épisodes de peste.
« L’ensemble de ces recherches offre une meilleure compréhension de l’espace de la ville qui mute et se transforme au fil des siècles. »
Sépulture d’époque moderne dans la cour de la Maternité de l’hôpital La Grave. © C. Calmés, CATM
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