L’abbatiale de Payerne en Suisse questionne l’objet archéologique

Lampe à huile de type Loeschcke VIII tardif. Ve‑VIe siècle, terre cuite moulée. © Abbatiale de Payerne, Rémy Gindroz, 2025
Pour son exposition annuelle « Coup d’œil sur les collections », l’abbatiale de Payerne a choisi ce printemps de mettre en valeur son fonds archéologique. Résolument pédagogique, le parcours souhaite sensibiliser aux enjeux de la discipline.
Créé en 1869 sur le site de l’édifice nouvellement restauré, le musée de l’abbatiale de Payerne a d’abord été un cabinet de curiosités.
De l’histoire naturelle à l’archéologie
Il rassemblait alors des collections d’histoire naturelle, auxquelles s’ajoutait le fonds de la bibliothèque populaire. Il s’est peu à peu enrichi à la suite de donations et au gré des expositions beaux-arts organisées au fil des ans. « Nous avons par exemple un lot d’une dizaine d’objets et fragments archéologiques donnés, en 1906, par le musée d’Yverdon, situé à une trentaine de kilomètres, explique Anne-Gaëlle Villet, directrice de l’établissement et commissaire de l’événement. En sont issus notamment un peson de tisserand gallo-romain, une anse d’amphore et une lampe à huile datant des premiers siècles de notre ère que nous avons choisi de présenter ici. Les raisons de cette donation restent actuellement inexpliquées, mais nous continuons à chercher ! »
L’objet archéologique en question
C’est précisément ce lien entre le vestige archéologique, son devenir et l’histoire qu’il permet de raconter que l’exposition se propose d’explorer. Le ton est donné d’emblée par le titre, autour de l’expression « mis au jour », si souvent employée en archéologie, et régulièrement confondue avec celle de « mise à jour ». « L’idée est de faire comprendre l’ensemble du processus archéologique, depuis la sortie de terre jusqu’à l’étude et la présentation au public, en rappelant le cadre législatif qui est le nôtre dans le canton de Vaud : il est interdit de faire des fouilles dans son jardin ou de prospecter ailleurs !, insiste la commissaire. Nous montrons aussi l’importance cruciale de la documentation, qu’elle porte sur le contexte de découverte ou l’acquisition. » Pour ce faire, le parcours évoque les fouilles réalisées sur le site, depuis les premières investigations menées en 1817 jusqu’aux plus récentes, en 2015-2016. Celles-ci avaient révélé, au-delà de la villa romaine et des deux complexes ecclésiastiques successifs, une occupation remontant au IIe siècle de notre ère.
Anse d’amphore gallo‑romaine très probablement de type « gauloise 4 ». Ier‑IIIe siècle, terre cuite. © Abbatiale de Payerne, Rémy Gindroz, 2025
Se projeter dans le passé
À partir d’objets choisis, l’exposition montre l’inégale valeur historique de pièces qui peuvent sembler proches : d’un côté, ces défenses de sanglier échues au musée dont on ignore tout, de l’autre, cette dent de requin découverte dans la façade sud du clocher, fossilisée dans du grès coquillier de la Molière, témoin des évolutions géologiques de la région. Pour aider à se projeter dans le passé et comprendre la démarche de l’archéologue qui observe les formes et les matières pour en déduire une fonction ou une datation, l’exposition invite, à proximité des pièces anciennes, quelques équivalents contemporains – du cubi de vin à une veilleuse pour enfants ou encore à du velcro. En conclusion du parcours, elle confronte le visiteur à un objet livré sans indications aucunes – charge à lui de deviner sa nature et son usage !
« Coup d’œil sur les collections : objets mis au jour, objets mis à jour », jusqu’au 22 juin 2025 à l’abbatiale de Payerne, 3 place du Marché, 1530 Payerne, Suisse. Tél. + 41 (0)26 662 67 04. www.abbatiale-payerne.ch