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Labyrinthes d’ici et d’ailleurs au musée des Beaux-Arts de Chartres

Table d’offrandes en labyrinthe en calcaire sculpté (détail), vers 332-395 avant notre ère. Paris, musée du Louvre, DAE.

Table d’offrandes en labyrinthe en calcaire sculpté (détail), vers 332-395 avant notre ère. Paris, musée du Louvre, DAE. © 2011, musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Georges Poncet, SP

Après « 1 000 ans de sculptures à Chartres », une seconde exposition vient célébrer cette année le millénaire de la cathédrale Notre-Dame. Elle valorise une pièce maîtresse de sa nef, le labyrinthe aménagé dans le pavage entre 1200 et 1220.

Près de 13 m de diamètre, 261 m de long : le labyrinthe de Chartres est le plus grand à avoir jamais été réalisé dans une église et le seul à être encore en place avec celui de la basilique de Saint-Quentin.

De la Grèce archaïque au Moyen Âge

Les décors du même type, qui ornaient le sol de cinq autres édifices religieux du Nord de la France (cathédrales d’Amiens, Reims, Sens, Auxerre, et Bayeux) ont disparu entre le XVIIe et le début du XIXe siècle, période de fort réaménagement des lieux de culte catholiques marquée aussi par la suppression des jubés. À Chartres, le labyrinthe est resté, même s’il a perdu à la Révolution la plaque de cuivre qui ornait son médaillon central : d’après les sources écrites, celle-ci représentait le combat de Thésée et du Minotaure. « Comment comprendre que le pavement de la cathédrale ait pu reprendre ce mythe antique de la Grèce archaïque ?, interroge Mathias Dupuis, directeur de C’Chartres Archéologie et co-commissaire de l’exposition. C’est précisément cette question du transfert du motif du labyrinthe dans le monde médiéval et de sa grande permanence jusqu’à aujourd’hui que nous avons voulu explorer à travers cette exposition présentée au musée des Beaux-Arts. »

Vue d’ensemble plongeante du labyrinthe de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, prise du grand comble.

Vue d’ensemble plongeante du labyrinthe de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, prise du grand comble. © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Mariusz Hermanowicz et Robert Malnoury

Labyrinthes de peur…

Le parcours commence au sein de la chapelle de l’ancien palais épiscopal, avec une œuvre tout en flux et réseaux labyrinthiques de l’artiste Elliott Causse. Il remonte ensuite aux origines antiques du labyrinthe, associé à partir du VIIIe siècle avant notre ère à la légende tragique du Minotaure, qui a inspiré de nombreuses œuvres d’art jusqu’à aujourd’hui comme le montre la sélection rassemblée ici en contrepoint des pièces archéologiques. Monnaie crétoise, pièces égyptiennes issues du temple funéraire d’Amenemaht III, en moyenne Égypte, connu pour ses dédales, amphore attique à figures noires représentant le combat de Thésée et du Minotaure, relevé de la mosaïque du complexe thermal de Verdes (IIe-IIIe siècles) viennent illustrer ce qui était avant tout, dans l’Antiquité, un « labyrinthe de la peur ».

Table d’offrandes en labyrinthe en calcaire sculpté, vers 332-395 avant notre ère. Paris, musée du Louvre, DAE.

Table d’offrandes en labyrinthe en calcaire sculpté, vers 332-395 avant notre ère. Paris, musée du Louvre, DAE. © 2011, musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Georges Poncet, SP

… et d’esprit

Il devient, au Moyen Âge, un « labyrinthe de l’esprit », évoqué par la seconde partie du parcours. « Au VIe siècle, Isidore de Séville fait du labyrinthos grec un labor intos, un travail intérieur, explique le commissaire. Le labyrinthe devient un cheminement. » Ce déplacement de sens est évoqué notamment par six manuscrits enluminés issus des fonds de la BnF et des bibliothèques municipales de Dijon et Orléans, ou la pierre centrale du labyrinthe de la cathédrale d’Amiens, récupérée au moment de la destruction de ce dernier en 1820. La fin de l’exposition ouvre sur la multiplicité des imaginaires autour de ce motif – des gravures aux jeux, des bandes dessinées au cinéma. Il ne reste plus alors au visiteur qu’à aller admirer dans la cathédrale voisine l’immense pavage aux quatre cadrans et aux onze circonvolutions qui a, tant de fois, été copié.

Codex Theodosiani : motif de labyrinthe circulaire à sept spires avec figure de minotaure dévorant un être humain en son centre et inscription domus dedali. France, IXe-Xe siècles, parchemin. Paris, BnF.

Codex Theodosiani : motif de labyrinthe circulaire à sept spires avec figure de minotaure dévorant un être humain en son centre et inscription domus dedali. France, IXe-Xe siècles, parchemin. Paris, BnF. © gallica.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France

« Labyrinthes », jusqu’au 3 août 2025 au musée des Beaux-Arts de Chartres, 29 cloître Notre-Dame, 28000 Chartres. Tél. 02 37 90 45 80. www.chartres.fr/musee-beaux-arts/expositions-temporaires