Le bureau d’investigations archéologiques Hadès fête ses 30 ans !

Fouille à Fort-de-France (au premier-plan) en 2021.

Fouille à Fort-de-France (au premier-plan) en 2021. © Hadès

En 1994, il y a tout juste 30 ans, était créée à Pau Hadès, première structure d’archéologie préventive privée. Tirant son nom du dieu des Enfers, qui est aussi le protecteur des richesses souterraines, elle fait partie des acteurs de premier plan de l’archéologie française. Entretien avec Ugo Cafiero, président de cette entreprise depuis 2018, qui revient sur son histoire, ses axes de recherches, ses spécificités et ses chantiers phares.

Propos recueillis par Éléonore Fournié

Dans quel contexte Hadès a-t-elle été créée ?

Elle est née peu après la signature de la convention de Malte pour la protection du patrimoine archéologique (1992). Elle répondait à une demande des services des Monuments historiques de Midi-Pyrénées d’être accompagnés, dans leur programme de restauration et de valorisation de certains édifices anciens, par des archéologues spécialisés dans le bâti et dans la période médiévale – deux compétences alors peu répandues. Les deux fondateurs d’Hadès, Sylvie Campech et Bernard Pousthomis, fouilleurs reconnus pour leurs opérations d’archéologie programmée, créent alors l’entreprise dans cette optique. Dès le départ, toutefois, ses champs d’investigation sont pluriels et ne concernent pas que l’archéologie du bâti mais aussi les fouilles sédimentaires. Hadès s’inscrit ainsi aux côtés de l’Afan – Association pour les fouilles archéologiques nationales –, structure sous tutelle de l’État dont le rôle était essentiel dans le paysage archéologique des trois dernières décennies du XXe siècle. La première étude d’Hadès a concerné le cloître de Catus dans le Lot qui a permis de mettre au jour un ensemble lapidaire exceptionnel.

Pied de meuble d’inspiration féline, en buis, mis au jour dans un puits au cours de la fouille rue Rabanesse, Clermont-Ferrand, 2016.

Pied de meuble d’inspiration féline, en buis, mis au jour dans un puits au cours de la fouille rue Rabanesse, Clermont-Ferrand, 2016. © François Blondel

Comment a été perçue l’arrivée d’une société privée dans ce domaine ?

Pour diverses raisons, cela a été un peu compliqué. Les fondateurs d’Hadès ont néanmoins su convaincre le ministère de la Culture du bien-fondé de leur démarche. Les compétences étant là, ils ont rapidement eu le soutien d’acteurs régionaux de l’État, conservateurs de l’archéologie ou inspecteurs des Monuments historiques, qui ont perçu l’opportunité de disposer de ressources compétentes et réactives, pour compléter les équipes très sollicitées de l’Afan.

Hadès a-t-elle une spécificité scientifique particulière ?

À ses débuts, Hadès intervenait essentiellement dans les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. Aujourd’hui, nous sommes un opérateur national et ultra-marin, même si notre assise est toujours aussi fortement ancrée sur l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. En 2024, Hadès compte environ 75 archéologues en CDI répartis dans cinq agences – Toulouse, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Arles et Pointe-Noire en Guadeloupe – qui gèrent entre 60 et 80 opérations par an. Ces dernières concernent majoritairement l’archéologie préventive, mais nous sommes également engagés dans plusieurs opérations programmées et projets collectifs de recherche. Notre pôle de spécialistes agrège de multiples disciplines dont l’archéobotanique, l’archéozoologie, la géomorphologie, la céramologie, l’anthropologie, la numismatique mais aussi la complexe fouille de structures profondes comme les puits. Ces compétences sont mises au service de nos propres chantiers ou en association avec les équipes d’autres organismes.
Par ailleurs, depuis 2022, nous proposons des formations professionnelles (certification Qualiopi) notamment sur la géomatique, le SIG et l’archéologie du bâti. Cela permet de diversifier nos activités et de proposer aux archéologues une reconversion professionnelle.

Depuis 2018, Hadès a le statut de Scop. De quoi s’agit-il ?

En effet, après le départ à la retraite du président fondateur, Bernard Pousthomis, nous avons choisi de créer une société coopérative et participative – la plus ancienne forme d’entreprise qui existe en France – administrée par 33 salariés. C’est à ce moment-là que j’en suis devenu le président. Le management a toujours été participatif dans l’entreprise, la reprise en Scop était donc une suite assez logique. Et, six ans plus tard, ce nouveau statut est un succès. Mais si l’entreprise est désormais bien établie, nous ne souhaitons pas la développer tous azimuts. Nous préférons maîtriser notre croissance fondée sur nos compétences et savoir-faire, en accord avec les valeurs de la coopérative. Nous défendons l’idée d’un métier qui rémunère les salariés comme il se doit, et qui s’exerce dans de bonnes conditions. Le grand public l’ignore souvent, mais le métier d’archéologue est physique et peut être pénible ! Tâchons de penser à la requalification, à la revalorisation et à la reconnaissance de notre profession.

En regardant dans le rétroviseur, quelles sont les fouilles les plus ambitieuses de ces 30 dernières années ?

Je pense par exemple à la très belle étude de bâti sur le palais des rois de Majorque à Perpignan qui fait partie des chantiers phares de Hadès (étudié en 2004) ; ou encore aux sept opérations menées dans le centre-ville de Clermont-Ferrand de 2010 à 2024 qui ont permis d’accroître significativement nos connaissances des quartiers gallo-romains de la cité d’Augustonemetum ; aux fouilles de plusieurs nécropoles, protohistorique à Pindères dans le Lot- et-Garonne (2019), antique dans le quartier Saint-Seurin à Bordeaux (2016) et dans le quartier des Peyrières à Orange dans le Vaucluse (2020), wisigothique à Seysses en Haute-Garonne (2018)… Ces dernières années ont été également marquées par nos interventions Outre-mer, en Guadeloupe et en Martinique, qui documentent des occupations échelonnées entre le XVIIIsiècle et le XXe siècle.

Pour aller plus loin :
www.hades-archeologie.com
POUSTHOMIS B., 2014, « Le palais des rois de Majorque : apports récents de l’archéologie du bâti », CATAFAU A. et PASSARIUS O., Un palais dans la ville. Le palais des rois de Majorque à Perpignan, vol. 1, collection Archéologie départementale, éditions Trabucaire, p. 43-114.
OLLIVIER J. (dir.), 2023, Évolution d’un quartier périphérique d’Augustonemetum. Les fouilles de l’ancienne gare routière de Clermont-Ferrand (Ier-IVe siècle / fin du Moyen Âge – début de l’époque moderne), Lyon, ALPARA-Maison de l’Orient et de la Méditerranée.