Le média en ligne des Éditions Faton

Le musée du quai Branly marie l’or et le textile

Vue de l'exposition « Au fil de l'or. L'art de se vêtir de l'Orient au Soleil-Levant ».

Vue de l'exposition « Au fil de l'or. L'art de se vêtir de l'Orient au Soleil-Levant ». © Musée du quai Branly-Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine

La nouvelle exposition au musée du quai Branly – Jacques Chirac nous raconte l’histoire millénaire de l’embellissement des textiles grâce à l’or. Un voyage étincelant du Maroc au Japon, en passant par le Proche et Moyen-Orient, qui croise mode, archéologie et ethnologie.

Historiquement, le Bassin méditerranéen et l’Asie auront été le berceau du mariage de l’or et du textile. « L’Amérique et l’Afrique ont utilisé le métal précieux pour fabriquer des bijoux, mais ne l’ont jamais mêlé à leurs tissus. L’Europe le fait dans un second temps seulement, suivant l’influence méditerranéenne et orientale », explique la commissaire Hana Al Banna-Chidiac, ancienne responsable de l’unité patrimoniale Afrique du Nord et Moyen-Orient du musée.

Cinq étapes géographiques successives

C’est donc à ces régions où l’or s’est anciennement épanoui dans les arts textiles – Maghreb, Proche et Moyen-Orient, mondes indiens, Asie du Sud-Est et Asie orientale – que se consacre l’exposition conçue en cinq étapes géographiques successives. Mais avant d’entamer le voyage, le parcours débute par l’histoire du métal et des techniques qui ont permis de le façonner, en remontant à sa formation, issue du choc de deux étoiles à neutrons et d’un transport jusqu’à la Terre par des météorites. Dès le Ve millénaire avant notre ère, l’or commence à être associé au textile. « C’est à Varna, en Bulgarie, que les plus anciennes appliques – des ornements cousus sur le vêtement des défunts – ont été retrouvées », commente la commissaire.

Chasuble de Saint-Yves. XIe-XIIe siècle. Soie maritime, lamelle organique (baudruche) enroulée autour d’une âme en lin. Andalousie.

Chasuble de Saint-Yves. XIe-XIIe siècle. Soie maritime, lamelle organique (baudruche) enroulée autour d’une âme en lin. Andalousie. © Guy Artur, Norbert Lambart. Service de l’Inventaire du patrimoine culturel, région Bretagne

Du martelage au filé or

D’abord fondées sur le martelage, les techniques évoluent peu à peu vers des fils composés de lames d’or, ou minces rubans parfois enroulés en spirale comme l’attestent ceux découverts à Koropi, en Grèce (Ve siècle avant notre ère), puis associés avec une âme textile (soie ou lin) au Ier siècle de notre ère. Quand on ne travaille pas l’or en fil, on le colle à la feuille, ici sur du cuir, là sur de la peau d’intestin (la baudruche). D’une région à l’autre, la tendance a cependant été la même, souligne Hana Al Banna-Chidiac : « Les orfèvres et tisserands n’ont eu de cesse d’étirer ou d’affiner l’or pour l’utiliser à moindre coût, ce qui a permis finalement sa diffusion au-delà des cercles du pouvoir et de la noblesse. Ces efforts ont abouti, en 1946, à l’invention du lurex, un fil de polyester recouvert d’une couche métallique. » Au côté de l’or, d’autres fils, qui en ont simplement l’apparence, ont aussi été sollicités, comme le montrent les trois focus consacrés à la « soie marine », issue de la grande nacre du Bassin méditerranéen, à la soie des néphiles (araignées) de Madagascar, ou encore à celle produite par le Bombyx mori L. Cambodge aux cocons jaune vif. Caftans marocains, entari de Turquie, saris indiens, kimonos japonais, mais aussi fils d’or retrouvés à Jérusalem dans d’un ­sarcophage du Ier siècle, linceul pourpre décoré d’or de Saint-Pierre-l’Estrier (IVe siècle), chasuble de Saint-Yves (en baudruche) des XIe-XIIe siècles… Ce sont quelque 320 costumes et textiles qui égrainent le parcours. En regard, des documents multimédias montrent les artisans à l’œuvre ou plongent, grâce à des images réalisées au microscope, au cœur même de la matière. Dans chaque section, un costume de la créatrice de mode chinoise Guo Pei offre une résonance contemporaine à ce travail de l’or multimillénaire.

« Au fil de l’or. L’art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant », jusqu’au 6 juillet 2025 au 37 quai Branly, 218 et 206 rue de l’Université, 75007 Paris. Tél. 01 56 61 70 00. www.quaibranly.fr

Catalogue coédition Skira/musée du quai Branly – Jacques Chirac, 256 p., 47 €