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Le réchauffement climatique et le chaton des glaces

© Éric Le Brun

Le sol gelé de Sibérie vient de libérer une nouvelle créature. Il s’agit cette fois de la momie d’un jeune tigre à dents de sabre. Une première en paléontologie ! Avant celle prochainement d’un homme préhistorique ?

Des mammouths comme s’il en pleuvait, des rhinocéros, des ours, des canidés, une alouette… : le réchauffement climatique, en faisant dégeler la terre, fait émerger des animaux momifiés par le froid.

Un symbole de la Préhistoire

Jusqu’à présent, il s’agissait d’animaux dont on connaissait l’apparence, soit parce qu’ils existent encore aujourd’hui (comme l’alouette), soit parce que les hommes préhistoriques les ont représentés, soit en la devinant à partir de lointains descendants. Le jeune Homotherium latidens, ou « chat à dents de cimeterre », qui vient d’être mis au jour appartient à la sous-espèce d’un animal symbole de la Préhistoire : le tigre à dents de sabre, très apprécié des artistes – et des enfants depuis le dessin animé L’Âge de glace. C’est la première fois que nous pouvons approcher son apparence physique autrement que par le truchement d’une interprétation artistique.

Les secrets de la momie

Découvert en 2020 dans le bassin de la rivière Indigirka, en Yakoutie (Russie), il n’est pas très impressionnant, puisque c’est un chaton âgé seulement de trois semaines, congelé voici environ 32 000 ans. Et, comme c’est un juvénile, ses dents n’ont pas encore atteint leur taille adulte, si bien qu’il n’est pas possible de vérifier si ses crocs sont apparents (comme chez le célèbre smilodon) ou dissimulés par les lèvres lorsque sa gueule était fermée. La couleur brun rougeâtre de sa fourrure est probablement la conséquence de son long séjour dans le sol. Quoi qu’il en soit, la momie apporte d’autres informations, comme la puissance de sa musculature, en particulier celle du cou, ainsi que les capacités d’ouverture de sa mâchoire, déjà spectaculaire (la valeur n’attendant pas le nombre des années !).

Un animal absent des parois des grottes

La présence de ce chaton montre que le terrible prédateur hantait les steppes à mammouth d’Eurasie en même temps que les premiers Homo sapiens. Une mandibule retrouvée en mer du Nord, datée d’environ 28 000 ans, semble indiquer que les Gravettiens auraient également pu le rencontrer. Il est dommage qu’ils ne l’aient pas dessiné sur les parois de leurs grottes ou façonné en statuette… à moins que ce soit cette espèce que nous confondions parfois avec une panthère ou un lion des cavernes, sur certains objets peu détaillés, où seule la silhouette est représentée, comme ce contour découpé sur lamelle d’ivoire retrouvé à Pavlov I (Tchéquie). À présent, tout le monde espère qu’un jour, une momie d’homme du Paléolithique remonte à la surface… Il faudrait pour cela qu’il soit mort enseveli dans un marécage. Son malheur ferait alors la joie des cyniques archéologues !

Pour aller plus loin :
LOPATIN A. V. et al., 2024, « Mummy of a juvenile sabre-toothed cat Homotherium latidens from the Upper Pleistocene of Siberia », Scientific Reports, 14, 28016. Doi : 10.1038/s41598-024-79546-1