Les Yamnayas : les origines d’un peuple fantôme

© Éric Le Brun
D’où venaient les mystérieux Yamnayas ? Des analyses génétiques précisent leur zone géographique d’origine, autour de la mer Noire, mais complexifient encore les étapes de leur formation.
Autour de 3000 ans avant notre ère, un groupe de nomades des steppes pontiques d’Europe de l’Est, autour de la mer Noire, aurait décidé d’émigrer vers l’ouest et vers l’est.
D’excellents cavaliers
Les archéologues repèrent leur progression grâce à leurs tombes (kourghanes) d’où le nom de culture Yamna (de yama, la fosse, en russe). En Europe, ils auraient favorisé l’émergence de la culture des céramiques cordées puis du Campaniforme. Ils auraient apporté avec eux, pêle-mêle, une variante des gènes LC24A5 et SLC45A2, codant pour une peau claire, des cheveux et des yeux foncés, et d’autres gènes pour une grande taille, ainsi que ceux favorisant la sclérose en plaques, mais également ceux permettant de digérer le lait. C’étaient d’excellents cavaliers, leur langue serait la matrice des langues indo-européennes et ils seraient, enfin, responsables de l’introduction du patriarcat : n’en jetons plus ! Un peu vite certains ont imaginé les Yamnayas comme des précurseurs des hordes de Huns et de Mongols qui déferlèrent sur l’Europe médiévale, massacrant les hommes, possédant les femmes et renversant tout sur leur passage. Oubliant que pour la Protohistoire nous ne raisonnons pas en décennies mais en siècles. Si remplacement il y a, il fut progressif et gradué, même s’il n’a duré que mille ans, ce qui est effectivement rapide à l’échelle des temps préhistoriques.
Mélange des gènes
Mais d’où venaient-ils précisément, ces fameux Yamnayas ? De récentes études paléogénétiques, basées sur l’analyse de l’ADN ancien de 435 individus ayant vécu il y a 4 000 à 8 400 ans, ont mis en évidence trois variantes (ou clines) de populations. La première (cline CLV) impliquerait des groupes de chasseurs-cueilleurs du sud du Caucase et de la basse Volga, qui se seraient ensuite mélangés aux populations de la Volga (cline de la Volga). Les peuples CLV, se déplaçant vers l’Ouest, se seraient ensuite mêlés à des peuples néolithiques ukrainiens le long des fleuves Dniepr et Don (cline du Dniepr), formant la culture des groupes de Serednii Stih (ou Sredeny Stog), ancêtres directs des Yamnayas, apparus vers 4000 ans avant notre ère. Les peuples CLV ont donc contribué à environ quatre cinquième de l’ascendance des Yamnayas (ainsi qu’à la formation des Hittites par leur introduction en Anatolie par l’est). Des chasseurs-cueilleurs de la région du moyen Don ont également participé à leur ascendance. Les groupes Yamnayas se sont ensuite mixés à des individus associés à la culture de l’Amphore globulaire avant de s’étendre en Europe. On est donc bien loin de l’immigration d’un peuple conquérant, poussé par la peste ou la sécheresse. Des fusions de populations et d’innovations technologiques ont probablement entraîné des modifications progressives, dont les principaux intéressés eux-mêmes n’ont probablement pas eu conscience. Jusqu’à former la première véritable unification (génétique et linguistique) du continent européen.
Pour aller plus loin
ALLENTOFT M. E. et al., 2024, « Population genomics of post-glacial western Eurasia », Nature, 625, 301-311. Doi : 10.1038/s41586-023-06865-0
BARRIE W. et al., 2024, « Elevated genetic risk for multiple sclerosis emerged in steppe pastoralist populations », Nature, 625, 321-328. Doi : 10.1038/s41586-023-06618-z
LAZARIDIS I. et al., 2025, « The genetic origin of the Indo-Europeans », Nature, 639, 132-142. Doi : 10.1038/s41586-024-08531-5
SAAG L., METSPALU M., 2025, « Genetic and geographical origins of Eurasia’s influential Yamna culture », Nature, 639, 46-47. Doi : 10.1038/d41586-025-00089-0