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Les plus vieux outils en os au monde découverts en Tanzanie

Reconstitution d’une boucherie d’hippopotame réalisée avec des outils en os à Olduvai il y a 1,5 million d’années.

Reconstitution d’une boucherie d’hippopotame réalisée avec des outils en os à Olduvai il y a 1,5 million d’années. © Dall-E

Les fouilles à Olduvai Gorge, en Tanzanie, révèlent la plus ancienne preuve de fabrication systématique d’outils en os, datant de 1,5 million d’années. Révolutionnaire, cette découverte remet en question les idées sur les premières technologies des hominines.

Site de la découverte, le complexe T69 appartient à la formation d’Olduvai, qui couvre plus de 2 millions d’années d’histoire humaine. Une couche datée à 1,5 million d’années (Ma) a livré 27 outils en os, mis au jour par une équipe dirigée par Ignacio de la Torre et Jackson Njau (CSIC, Madrid), avec le soutien du Conseil européen de la recherche (ERC). L’étude s’inscrit aussi dans le projet ERC ExOsTech sur l’évolution des industries osseuses, piloté par Luc Doyon.

Savoir-faire sophistiqués

Fabriqués à partir d’os longs d’éléphant et d’hippopotame, ces outils portent des traces de taille systématique : enlèvement d’éclats, façonnage des bords et modifications intentionnelles, révélant une production standardisée. Jusqu’à présent, les rares témoignages en os de cette période étaient considérés comme des objets opportunistes, le plus souvent utilisés sans transformation préalable. D’autres existent ailleurs : en Afrique australe, Australopithecus robustus exploitait des fragments d’os non modifiés pour extraire des termites (1,8 à 0,9 Ma) ; en Europe, des outils osseux sont connus à Gran Dolina (Espagne), à Schöningen (Allemagne) et en Italie dès 330 000 ans. Toutefois, le façonnage par raclage, polissage et incision pour fabriquer des projectiles, alènes, aiguilles, et autres instruments spécialisés ne se généralise qu’après 90 000 ans en Afrique et 45 000 ans en Eurasie. Notre découverte démontre ainsi que, dès l’Acheuléen ancien, les hominines (qui pourraient être des Homo habilis, des Homo erectus voire des Paranthropus boisei) possédaient un savoir-faire avancé, impliquant planification, transmission des connaissances et capacités cognitives sophistiquées. L’état de conservation des pièces suggère qu’ils transformaient les os des carcasses d’hippopotame qu’ils dépeçaient près du site en plus d’y apporter des outils déjà taillés dans de grands éclats d’os d’éléphant.

Outil taillé dans un humérus d’éléphant découvert dans le complexe T69 d’Olduvai.

Outil taillé dans un humérus d’éléphant découvert dans le complexe T69 d’Olduvai. © En haut : d’Errico-Doyon ; en bas : Laboratorio de Arqueología del Pleistoceno-CSIC

Des actions humaines intentionnelles

L’archéologie expérimentale et l’examen des restes fauniques excluent toute origine naturelle des modifications observées : elles résultent d’une action humaine intentionnelle. Les fractures indiquent des usages pour des tâches lourdes, telles que la fracturation d’os et la désarticulation des carcasses. En repoussant de plus d’un million d’années l’apparition d’une industrie osseuse standardisée, cette découverte souligne l’ingéniosité technologique des artisans de l’Acheuléen ancien. Elle montre leur capacité à transposer leur savoir-faire à de nouveaux matériaux et atteste de la transmission des connaissances dans ces sociétés anciennes. Par conséquent, cette étude constitue une avancée majeure dans la compréhension des origines des technologies humaines et des capacités inventives de nos ancêtres.

Pour aller plus loin 
DE LA TORRE I. et al., 2025, « Systematic bone tool production at 1.5 million years age », Nature, 5 mars 2025, Doi : 10.1038/s41586-025-08652-5