Des messages cachés sur l’obélisque de la place de la Concorde ont-ils été déchiffrés ?

L’obélisque de la place de la Concorde, installé sur l’ancienne place royale en 1836. © pichetw / stock.adobe.com
Qui aurait imaginé que la recherche en égyptologie progresserait grâce au confinement, puis aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ? C’est pourtant ce qu’il s’est produit avec une nouvelle étude de l’obélisque de la place de la Concorde. L’égyptologue Jean-Guillaume Olette-Pelletier, spécialiste des cryptographies hiéroglyphiques, pense y avoir déchiffré des messages cachés éclairant d’un jour nouveau le plus ancien monument de Paris.
À la faveur de l’épidémie de Covid-19, Jean-Guillaume Olette-Pelletier, égyptologue et enseignant à l’Institut catholique de Paris, est passé à de nombreuses reprises au pied de l’obélisque de Louxor, situé dans le périmètre imposé d’1 kilomètre autour de chez lui. À force d’en lire les textes, il s’est aperçu que certaines scènes recelaient des signes cachés. Armé de ses jumelles, il a reproduit les jours suivants tous les dessins du monument. À l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, l’obélisque a bénéficié d’une restauration qui lui a finalement permis de monter sur des échafaudages pour les observer de près. Ses hypothèses ont alors pu être confirmées.
Un cadeau de l’Égypte à la France
Offert en 1828 à la France par le vice-roi d’Égypte Méhémet Ali, l’obélisque a été installé en 1836 place de la Concorde. Sculpté sous le règne du pharaon Ramsès II, il provient du temple de Louxor, où son jumeau est toujours en place. Sa restauration, réalisée en amont des Jeux Olympiques de Paris 2024, a surtout consisté en un nettoyage des dépôts causés par les intempéries et la pollution. Un pyramidion en acier doré a également été posé à son sommet, parachevant sa silhouette.
Le temple de Louxor, d’où provient l’obélisque offert à la France par l’Égypte, et où se trouve toujours son jumeau. © pixtour / stock.adobe.com
Des dessins intentionnels et non fortuits
Certains égyptologues avaient remarqué ce qu’ils avaient attribué aux étourderies d’un scribe ou à des coquilles, mais pour Jean-Guillaume Olette-Pelletier, l’explication est ailleurs. « Les Égyptiens étaient habitués à ces signes cachés, qui servaient à montrer leur appartenance à l’élite intellectuelle. J’ai travaillé sur la cryptographie tridimensionnelle : il s’agit de monuments qui se lisent en 3D, c’est-à-dire en combinant des hiéroglyphes de chacune des faces et certaines clés », a-t-il expliqué sur France Inter. C’est ainsi que l’on découvre, grâce à des hiéroglyphes visibles sur toutes les faces de l’obélisque, les deux noms de Ramsès II, celui qu’il avait à l’origine et celui qu’il a choisi, afin d’asseoir sa légitimité.
À la faveur de la restauration du monument, Jean-Guillaume Olette-Pelletier a pu observer de près les hiéroglyphes gravés sur l’obélisque, ce qui n’avait pas été possible depuis son installation place de la Concorde, en 1836. © J.-G. Olette-Pelletier
« Les travaux du chanoine Étienne Drioton, dans les années 1950, ont permis de mettre au jour les cryptographies hiéroglyphiques, c’est-à-dire des sortes de rébus, ou des textes cachés dans les inscriptions hiéroglyphiques. Si certains Égyptiens pouvaient lire les hiéroglyphes, seule une certaine élite était capable de comprendre les messages cachés qu’ils pouvaient contenir, considérés comme un langage des dieux. »
Jean-Guillaume Olette-Pelletier
Sept cryptographies décodées
En quatre années de recherches, le cryptographe pense avoir déchiffré sept messages que nul n’avait repéré. Sur la face orientée vers la Madeleine se trouvent des cryptotextes concernant le temple de Louxor et des rituels accomplis par le pharaon au début de son règne. Une autre cryptographie est dissimulée dans la représentation de Ramsès II. « C’est comme jouer au jeu des sept erreurs », s’amuse Jean-Guillaume Olette-Pelletier. Sur l’une des couronnes portées par le pharaon se cache le signe des cornes de taureaux, qui correspond au mot « ka ». La combinaison de ce mot avec d’autres cryptotextes présents dans la même scène donne la formule : « apaiser la force vitale d’Amon ». « Ramsès II avait besoin de légitimer son pouvoir, car il n’était pas né de la théogamie, son père étant devenu pharaon après sa naissance », explique l’égyptologue sur France Inter, affirmant qu’il s’agit ni plus ni moins de propagande. Cette cryptographie gravée sur la face située aujourd’hui côté Seine, qui était à l’époque tournée vers le Nil, ne pouvait être vue que depuis un bateau, avec un angle de vision à 45°, par une élite qui savait les lire, et était donc inaccessible à ceux qui se trouvaient au pied du monument – de toute façon non-initiés. Jean-Guillaume Olette-Pelletier publiera prochainement l’ensemble de ses découvertes au sujet des cryptographies de l’obélisque parisien dans la revue ENIM.
Au sommet de l’obélisque, côté Seine, Ramsès II est représenté en train de faire une offrande au dieu Amon. Il porte une couronne différente de celle qui apparaît sur les trois autres faces. Jean-Guillaume Olette-Pelletier a découvert que l’ensemble de la scène formait une phrase destinée à légitimer son pouvoir et son lien avec le dieu Amon. © annacovic / stock.adobe.com