Pompéi : les dernières découvertes (1/4). La cité antique renaît de ses cendres

Vénus sur son char tiré par des éléphants. Ier siècle. Fresque, 151 × 196 cm. Pompei, Officina dei Feltrai (IX 7, 5). Parc archéologique de Pompéi. © Parco Archeologico di Pompei, Amedeo Benestante
Depuis le lancement du Grand Projet Pompéi, la cité antique martyre renaît une nouvelle fois de ses cendres : outre les mesures de sécurisation du site, une vaste campagne de fouille sur la Regio V a été entreprise, livrant sa moisson de découvertes. L’exposition prochainement présentée au Grand Palais permet de plonger le visiteur au cœur de la ville disparue et de présenter les nouvelles découvertes archéologiques. Massimo Osanna, commissaire de l’exposition et directeur du Parc archéologique, répond dans ce dossier aux questions d’Archéologia.
Propos recueillis et traduits par Anne-Sophie Faullimmel
Quel bilan faites-vous aujourd’hui du Grand Projet Pompéi ?
En 2014, sur les 105 millions d’euros alloués (voir encadré ci-dessous), à peine 400 000 euros avaient été dépensés. Dès mon entrée en fonction en mars 2014, vingt jeunes architectes et archéologues ont été affectés à des postes clés. Ils ont travaillé en étroite collaboration avec les professionnels nommés dans le cadre de la structure dirigée par G. Nistri. Leur présence a été capitale car il a fallu terminer les projets, lancer les appels d’offres et bien sûr démarrer les chantiers. Par ailleurs, d’un point de vue scientifique, considérer le site dans son ensemble, comme une ville, en avoir une approche urbaine et affronter les difficultés en tenant compte de cette dimension, a été une de mes priorités pendant ces six premières années. C’est à mon sens une réelle avancée dans la gestion du site, qui a rendu possible la mise en sécurité de l’aire archéologique dans sa globalité. Enfin, nous avons repris les fouilles. Depuis les années 1960, aucune n’avait été effectuée de manière systématique dans les secteurs encore recouverts par les couches de lapilli, ces petites pierres poreuses projetées par le volcan en éruption. C’est dans le cadre d’un des projets de sécurisation des fronts de taille que nous avons ouvert une tranchée. Cette reprise des investigations reste un moment fort de ma carrière d’archéologue.
Massimo Osanna est archéologue, professeur d’archéologie à l’université de Naples, directeur du Parc archéologique de Pompéi. Commissaire de l’exposition, il vient de publier un ouvrage chez Flammarion, Les Nouvelles heures de Pompéi. @ GÉDÉON Programmes
Le Grand Projet Pompéi
Devenue, après le Colisée, le site touristique d’Italie le plus visité avec près de 4 millions de visiteurs annuels, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1997, la cité antique de Pompéi avait pourtant été peu à peu abandonnée au début du XXe siècle, victime des ingérences de la Camorra et laissée dans un état de délabrement préoccupant : on se souvient, en 2010, de l’écroulement de la célèbre Schola Armatorarum ou de la maison du Moraliste après une vague d’intempéries, et du bétonnage sauvage du théâtre antique par une entreprise de BTP locale, avec l’aval du commissaire extraordinaire pour la gestion des sites de Pompéi et d’Herculanum (nommé par Berlusconi et inculpé depuis !). Aussi les sonnettes d’alarmes avaient-elles peu à peu été tirées : afin de sécuriser et de sauvegarder la cité antique, sous l’impulsion du commissaire européen pour la politique régionale, Johannes Hahn, le Grand Projet Pompéi est amorcé en 2011, puis annoncé officiellement en avril 2012 par le Premier ministre italien Mario Monti. Son budget est de 105 millions d’euros, dont 41,8 millions de financement européen et 63,2 millions de fonds italiens. De 2013 à 2015, le général Nistri, aujourd’hui à la tête des Carabiniers italiens, prend la direction du Grand Projet Pompéi : il met en place, avec Massimo Osanna, des mesures anti-corruption et mène une politique de transparence, révolutionnant la gestion du site de Pompéi.
Le site du « cuneo » avant la fouille ; la zone qui a été mise au jour se trouve sous les arbres. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi. © GÉDÉON Programmes
Le titre de votre dernier ouvrage, Pompei. Il tempo ritrovato, fait référence à Marcel Proust et à la thématique de la résurgence du passé chère à cet auteur. En quoi le site de Pompéi se prête-il à cette réflexion sur le temps ?
Bien avant moi, de nombreuses personnalités, dont des écrivains européens, ont souligné la capacité singulière qu’a ce site à nous projeter hors du temps. Je pense notamment à Wilhelm Jensen et à sa célèbre nouvelle Gradiva : fantaisie pompéienne. Freud découvre ce texte en 1906 et, fasciné, en publie un commentaire passionnant où il recourt à une analogie entre psychanalyse et archéologie, et où Pompéi apparaît comme une métaphore de la mémoire enfouie et refoulée. J’ai souhaité faire référence à La Recherche car de nombreux parallèles existent entre le texte de Proust et Pompéi, comme cette comparaison maintes fois rappelée dans Le Temps retrouvé entre la ville à la veille de l’éruption et le Paris de 1916, hanté par les bombardements et la peur d’une invasion allemande imminente. En réalité, pendant ces années de guerre, la réflexion sur Pompéi comme force évocatrice du passé n’est pas propre à Marcel Proust et se retrouve chez de nombreux autres intellectuels et écrivains. À Pompéi, l’émergence du passé nous communique ainsi ce sens de la proximité parce qu’il est lié à notre vécu et à notre subconscient, mais aussi à la tradition classique dont est imprégnée toute la culture occidentale.
Découverte d’une fresque figurant Hercule et Omphale. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi. © GÉDÉON Programmes
« Pompéi », du 1er juillet au 29 octobre 2020 au Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris. Tél. 01 44 13 17 17. www.grandpalais.fr
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