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Pompéi : les dernières découvertes (3/4). La mise en sécurité du site

Vénus sur son char tiré par des éléphants. Ier siècle. Fresque, 151 × 196 cm. Pompei, Officina dei Feltrai (IX 7, 5). Parc archéologique de Pompéi.

Vénus sur son char tiré par des éléphants. Ier siècle. Fresque, 151 × 196 cm. Pompei, Officina dei Feltrai (IX 7, 5). Parc archéologique de Pompéi. © Parco Archeologico di Pompei, Amedeo Benestante

Depuis le lancement du Grand Projet Pompéi, la cité antique martyre renaît une nouvelle fois de ses cendres : outre les mesures de sécurisation du site, une vaste campagne de fouille sur la Regio V a été entreprise, livrant sa moisson de découvertes. L’exposition prochainement présentée au Grand Palais permet de plonger le visiteur au cœur de la ville disparue et de présenter les nouvelles découvertes archéologiques. Massimo Osanna, commissaire de l’exposition et directeur du Parc archéologique, répond dans ce dossier aux questions d’Archéologia.

Propos recueillis et traduits par Anne-Sophie Faullimmel

Dionysos et Ariane avec un satyre. Ier siècle. Plaque de verre, 25,5 × 39,5 cm. Parc archéologique de Pompéi.

Dionysos et Ariane avec un satyre. Ier siècle. Plaque de verre, 25,5 × 39,5 cm. Parc archéologique de Pompéi. © Parco Archeologico di Pompei, Archivio fotografico

Vous êtes professeur d’archéologie classique à l’université Federico II de Naples, mais aussi excellent divulgateur. Comment communique-t-on aujourd’hui sur Pompéi ?

Jusque récemment, la communication sur Pompéi a été très mal assurée, car souvent destinée exclusivement aux spécialistes. Pour un site comme Pompéi, qui compte près de 4 millions d’entrées chaque année, nous devons atteindre tout type de visiteurs. Nous menons ainsi un projet destiné aux enfants, coordonné par Luana Toniolo, responsable du Bureau Unesco. Nous avons également réalisé des vidéos avec un rappeur italien très apprécié par les adolescents, qui nous permettent d’« accrocher » les tranches d’âge les moins représentées à Pompéi.

Boucles d’oreille en demi-sphères. I er siècle, 3 × 2 cm. Torre Annunziata, Villa B. Parc archéologique de Pompéi.

Boucles d’oreille en demi-sphères. I er siècle, 3 × 2 cm. Torre Annunziata, Villa B. Parc archéologique de Pompéi. © Parco Archeologico di Pompei, Archivio dell’arte, Luciano e Marco Pedicini

De nombreux travaux de mise en sécurité ont été effectués ces dernières années sur ce site vulnérable et exposé à des risques variés et croissants. Comment agir pour préserver l’aire archéologique vésuvienne ?

C’est très simple, il faut mettre en place ce qui n’a pas été fait pendant des décennies et que nous sommes en train de réaliser : de l’entretien programmé. Nous disposons aujourd’hui d’une équipe de soixante personnes investies dans un programme d’entretien cyclique comprenant différentes phases (inspection, monitoring, intervention résolutive, informatisation et numérisation des données). Ce cercle vertueux offre la possibilité de constituer une base documentaire permettant d’évaluer, par exemple, la fréquence à laquelle il convient d’intervenir sur le même lieu, la même fresque ou la même toiture. Pour acquérir un certain automatisme et gagner en efficacité, cet entretien programmé va nécessiter un renforcement des effectifs – au moins cent personnes l’année prochaine. Actuellement nous ne sommes pas assez nombreux pour prévenir le risque majeur à Pompéi : la perte du matériel archéologique. Ainsi, les fresques sont exposées par nature à l’humidité, en raison des remontées capillaires, mais aussi à cause de la terre souvent présente aux abords du site. De grands travaux sont donc indispensables, comme ceux que nous avons réalisés pour stabiliser les fronts de taille et dégager les matériaux volcaniques qui menaçaient les maisons, entraînaient leur effondrement et créaient une situation d’instabilité hydrogéologique.

Rue Fortuna. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi.

Rue Fortuna. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi. © GÉDÉON Programmes

Les styles pompéiens

Le site de Pompéi est également célèbre pour avoir permis la constitution d’une typologie de la peinture romaine antique. C’est au XIXe siècle qu’un savant, August Mau, établit, à partir des peintures murales découvertes en Campanie, une classification des décors en quatre styles. L’essentiel de son corpus provenant de Pompéi, cette typologie prend le nom de « styles pompéiens ».

Le Ier style

Appelé aussi style à incrustations, il apparaît dès le IIe siècle avant notre ère. Il reproduit en stuc en relief, souvent polychrome, les types de construction de l’architecture grecque de l’époque classique dont il s’inspire.

Ier style Pompéien. Herculanum, maison du Samnite, décor en stuc.

Ier style Pompéien. Herculanum, maison du Samnite, décor en stuc. CC 4.0 BY-SA Trapezaki

Le IIe style

Appelé aussi style architectural, il s’affirme au début du Ier siècle avant notre ère. Il s’inspire des architectures en relief du style précédent en n’utilisant que la couleur et crée des trompe-l’œil qui bientôt évoluent vers des perspectives complexes.

IIᵉ style pompéien. Oplontis, villa de Popée, triclinium.

IIᵉ style pompéien. Oplontis, villa de Popée, triclinium. © Gusman / Leemage

Le IIIe style

Il naît vers la fin du Ier siècle avant notre ère et s’épanouit jusqu’au milieu du siècle suivant. Il est une réaction contre l’illusionnisme architectural précédent et offre des surfaces plates à édicules bordés de colonnes filiformes, de paysages ou de véritables tableaux dont le sujet est généralement mythologique, religieux ou idyllique. Il s’inspire également de motifs décoratifs égyptiens et invente la peinture de jardin.

IIIᵉ style pompéien. Pompéi, temple d’Isis, scène de théâtre.

IIIᵉ style pompéien. Pompéi, temple d’Isis, scène de théâtre. © Luisa Ricciarini / Leemage

Le IVe style (45 à 90)

Il reprend les grandes architectures du IIe style tout en les affinant et en les plaçant aussi en zone supérieure, peuplée d’êtres variés. Du IIIe style, il emprunte les vignettes de paysages, puis adopte des figures volantes au centre des parois aux panneaux enrichies de bordures ajourées, scandés par des candélabres ou des échappées architecturales.

IVᵉ style pompéien. Pompéi, maison des Vettii.

IVᵉ style pompéien. Pompéi, maison des Vettii. © De Agostini / Leemage

Les découvertes récentes rappellent que la cité vésuvienne n’a pas fini de livrer ses secrets. Qui fouille aujourd’hui à Pompéi ?

Pour des raisons budgétaires, les fouilles les plus importantes ont été menées par le Parc archéologique de Pompéi. Un appel d’offres a permis de désigner la société chargée notamment de constituer des équipes interdisciplinaires complètes. Mais nous accueillons aussi des chercheurs provenant d’instituts du monde entier. Ces derniers travaillent principalement dans des secteurs déjà explorés aux XIXe et XXe siècles mais dont, bien souvent, les couches antérieures à 79 n’ont pas été fouillées. Or, les premiers marqueurs urbains de la cité remontent au VIe siècle avant notre ère et sa période pré-romaine nous est encore peu connue. Les Français sont bien entendu présents sur le site avec l’équipe de l’École normale supérieure et les chercheurs de l’École pratique des hautes études, dirigés par le professeur William van Andringa, dont l’équipe interdisciplinaire fouille minutieusement les nécropoles et a déjà recueilli toute une série de données très précises. Un fragment d’os humain calciné a livré des informations importantes sur les différentes familles pompéiennes, les structures familiales et plus généralement la société à Pompéi. Les Allemands travaillent dans les thermes de Stabies pour comprendre l’origine de ces grandes installations ; quant aux Américains, ils réalisent en ce moment une étude ostéologique des victimes d’Oplontis. En réalité, nous accueillons des chercheurs de toutes les grandes universités du monde !

Lapin. Marbre, 15 × 12 × 30 cm. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi.

Lapin. Marbre, 15 × 12 × 30 cm. Pompéi, Parc archéologique de Pompéi. © GÉDÉON Programmes / Stéphane Compoint

« Pompéi », du 1er juillet au 29 octobre 2020 au Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris. Tél. 01 44 13 17 17. www.grandpalais.fr