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Quand le chien était un loup

Évocation des « chiots » de Tumat, en Sibérie

Évocation des « chiots » de Tumat, en Sibérie © Éric Le Brun

À partir de quand peut-on considérer que le loup domestiqué est devenu un chien ? Cette question fascinante vient de connaître un nouvel éclairage avec l’étude de deux canidés préhistoriques : les « chiots » de Tumat, en Sibérie.

Ces deux animaux juvéniles ont été retrouvés congelés dans le pergélisol en 2011 et 2015. Datés d’entre 14 000 et 15 000 ans, ils étaient considérés comme des chiots, c’est-à-dire déjà des animaux domestiques, en raison notamment de leur association avec des os de mammouths ayant subi une décarnisation par des chasseurs magdaléniens.

Des louveteaux…

Une analyse multivariée des composantes isotopiques et protéomiques de leurs tissus mous a démontré qu’ils étaient de la même portée, que c’étaient deux femelles qui vivaient dans un environnement sec et doux, qu’ils avaient une alimentation diversifiée et qu’ils avaient mangé du rhinocéros laineux et pour l’un d’eux, une bergeronnette, quelque temps avant leur mort, même s’ils continuaient de téter leur mère. Mais le plus étonnant est qu’il s’agissait de louveteaux !

… en voie d’apprivoisement ?

Étaient-ils déjà en voie d’apprivoisement ? Peut-être mais aucun reste de mammouth n’a été retrouvé dans leur estomac. Il aurait été si simple de les imaginer accompagnant les chasseurs, qui leur auraient jeté, en guise de récompense, quelque abat du poilu pachyderme ! Rien de probant, donc. Pour le moment, le plus ancien chien formellement identifié par l’ADN est un canidé pour lequel nous ne possédons que l’humérus, mis au jour sur le site magdalénien d’Erralla (Pays basque espagnol) et daté d’environ 17 000 ans. Avec ceux de l’abri Morin en France et de Bonn-Oberkassel en Allemagne, autour de 14 000 ans, ils appartiennent à l’une des deux meutes originelles dont descendraient tous les toutous actuels.

Le meilleur ami des Magdaléniens

Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aurait pas eu d’essais de domestication auparavant, comme ce fut probablement le cas à Razboinichya (Russie), autour de 33 000 ans, et de Goyet (Belgique), vers 36 000 ans ; n’oublions pas le chien qui aurait accompagné, à la même époque, son jeune maître dans les galeries de la grotte Chauvet (Ardèche). Seulement, ces glorieux ancêtres n’ont pas fait souche : leur domestication n’a pas débouché sur une population pérenne. Il semble que ce soient donc les Magdaléniens qui auraient finalement réussi à se fabriquer un compagnon à quatre pattes. Les deux louveteaux ont pu participer à cette aventure. Ou pas. Il faudra d’autres études pour trancher le débat.

Pour aller plus loin
BERGSTRÖM A. et al., 2022, « Grey wolf genomic history reveals a dual ancestry of dogs », Nature, 607, 313-320. Doi : 10.1038/s41586-022-04824-9
HERVELLA M. et al., 2022, « The domestic dog that lived ∼17,000 years ago in the Lower Magdalenian of Erralla site (Basque Country): A radiometric and genetic analysis », Journal of Archaeological Science: Reports, 46, 103706. Doi : 10.1016/j.jasrep.2022.103706
OVODOV N. D. et al., 2011, « A 33,000-Year-Old Incipient Dog from the Altai Mountains of Siberia: Evidence of the Earliest Domestication Disrupted by the Last Glacial Maximum », PLoS One, 6 (7):e22821. Doi : 10.1371/journal.pone.0022821
WIBORG RUNGE A. K. et al., 2025, « Multifaceted analysis reveals diet and kinship of Late Pleistocene ‘Tumat Puppies’ », Quaternary Research : 1-15. Doi : 10.1017/qua.2025.10