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Tanzanie : l’adieu aux arbres

© Éric Le Brun

Homo ergaster est le premier hominine à perdre son aptitude à vivre dans les arbres, mais aussi à quitter sa zone de confort. C’est le début de la longue marche de l’humanité. Dès 1 million d’années, elle a été capable de s’adapter aux milieux les plus secs, comme vient de le démontrer une nouvelle étude.

En Tanzanie, dans les gorges d’Olduvai, le site d’Engaji Nanyori a fait l’objet d’analyses pointues : biochimiques, archéologiques, sédimentaires, avec des reconstitutions d’assemblages fauniques et des simulations paléoclimatiques.

Une adaptabilité à toute épreuve

Autour d’1 million d’années, la zone était devenue hyperaride et semi-désertique, avec peu d’arbres et de ressources en eau. Et pourtant, des Homo ergaster étaient établis là ; ils n’ont pas seulement survécu à la modification du paysage mais ils s’y sont adaptés, comme en témoignent des restes de traitement des carcasses animales (traces de boucherie sur les os) et des assemblages d’outils lithiques. Il est vrai que l’inventeur du biface et le nouveau maître du feu a fait preuve d’une grande inventivité, qui le conduira bientôt hors d’Afrique, à la conquête de l’Eurasie.

Le premier boy-scout

Jusqu’à peu, les préhistoriens l’envisageaient d’abord comme un chasseur expérimenté qui suivait les déplacements de son gibier en fonction des modifications climatiques ; nous pensions ainsi qu’il évoluait dans un même milieu, plutôt arboré et tropical, et que c’est seulement avec Homo sapiens que nous serions devenus des primates aux préférences polyclimatiques. Engaji Nanyori démontre au contraire que, dès les origines, Homo ergaster fut capable de s’affranchir totalement du voisinage des arbres et de fréquenter des milieux ouverts, où il était pourtant vulnérable, à la merci de prédateurs et tributaire des points d’eau. C’est donc qu’il faisait preuve d’une grande organisation et de compétences cynégétiques et sociales déjà élaborées. Ce qui lui sera bien utile ensuite pour explorer la péninsule Arabique. Pour la première fois donc, nous touchons du doigt ce qui fait la spécificité de l’humanité et qui sera probablement la raison de son succès évolutif : son indépendance par rapport à son milieu d’origine et sa grande plasticité environnementale. L’espèce humaine, mue par son insatiable curiosité (ainsi que la décrivait le regretté Yves Coppens), ne se laisse arrêter ni par la forêt, ni par le désert, ni par la montagne… 

Pour aller plus loin
MERCADER J. et al., 2025, « Homo erectus adapted to steppe-desert climate extremes one million years ago », Communications Earth & Environment, 6, 1. Doi : 10.1038/s43247-024-01919-1