Trésors de Gaza à l’Institut du monde arabe

Détail de la mosaïque gastronomique du site de Jabaliyah. © J.-B. Humbert
Aujourd’hui synonyme de guerres et de destructions, Gaza a longtemps été une oasis vantée pour sa prospérité et sa douceur de vivre. La nouvelle exposition de l’Institut du monde arabe retrace ses 5 000 ans d’histoire depuis l’Âge du bronze.
Ici, pas de parcours sinueux isolant les œuvres pour mieux les mettre en valeur, mais un grand plateau ; pas de socles ou de piètements traditionnels, mais des chariots métalliques à roulettes, y compris pour la monumentale mosaïque byzantine de Dayr Al-Balah qui trône au centre…
Des pièces sauvés par l’exil
Tout a été conçu pour évoquer un entrepôt, des œuvres qui ne font que passer – et sont prêtes à repartir. Depuis 17 ans, elles attendaient au sein des ports francs de Genève. En effet, plus de 500 objets avaient été rassemblés pour une exposition présentée au musée d’Art et d’Histoire de la cité suisse en 2007. Aux produits des fouilles menées entre 1995 et 2000 par l’École biblique et archéologique de Jérusalem (EBAF), s’ajoutait un vaste ensemble issu de la collection privée de Jawdat Khoudary, entrepreneur palestinien investi dans la sauvegarde du patrimoine gaziote. Faute de stabilité politique et de garanties sur leur sécurité, les œuvres n’avaient jamais fait le voyage retour. Ces pièces sauvées par l’exil, l’Institut du monde arabe a décidé de les offrir à nouveau au regard du public, à travers une sélection d’une centaine d’entre elles, choisies pour la diversité de leurs matériaux, leur exemplarité, les échanges et les influences dont elles témoignent. « Les quatre grands sites des années 1990 sont représentés, explique Élodie Bouffard, commissaire de l’exposition. Il s’agit de Tall Al-Sakan, première installation égyptienne fortifiée dans la région ; Anthédon, citadelle néo-assyrienne du VIIIe siècle avant notre ère devenue cité grecque ; le complexe funéraire byzantin de Mukheitim ; et enfin, le monastère Saint-Hilarion. »
Tête de cavalier perse (?). KhanYunis, VIe‑Ve siècle avant notre ère. © Ph. Maillard
Une histoire plurimillénaire
Anneaux d’amarrage en marbre et ancres en pierre, amphores, verreries, lampes à huile, statuettes, trésors monétaires, linteaux, stèles funéraires… tous viennent dérouler, strate archéologique après strate, une histoire plurimillénaire, de l’Âge de bronze à l’époque ottomane. Carrefour commercial au débouché des routes caravanières d’Afrique, d’Arabie et d’Inde, objet de convoitise de tous les empires, Gaza porte la trace d’un passé cananéen, égyptien, philistin, néo-assyrien, babylonien, mais aussi perse, hellénistique, romain, byzantin et arabe. Si ces pièces magnifiques ont été sauvées par l’exil, elles ne doivent pas faire oublier le territoire lui-même, et son patrimoine endommagé ou menacé par les guerres successives – la deuxième partie du parcours s’emploie à le rappeler. Des clichés pris par l’EBAF entre 1905 et 1922 plongent le visiteur dans des paysages de jardins et de palmeraies aujourd’hui disparus ou dans les ruines issues des bombardements anglais de 1917 ; des photographies « avant » / « après » montrent des exemples dramatiques de monuments détruits depuis 2023. La présentation de quelques fouilles récentes, la restitution numérique 3D du monastère Saint-Hilarion au VIe siècle ou la cartographie, à date, des destructions avérées ou potentielles viennent témoigner, quant à elles, du travail réalisé pour continuer à dévoiler, documenter, protéger, malgré tout, le riche passé enfoui dans le sol de Gaza.
Détail d’une mosaïque byzantine du site de Jabaliyah. © J.-B. Humbert
« Trésors sauvés de Gaza. 5 000 ans d’histoire », jusqu’au 2 novembre 2025 à l’Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, 75005 Paris. Tél. 01 40 51 38 38. www.imarabe.org