Trésors du fond du puits

Fouille d’un des puits du chantier d’Izernore. © Inrap
En partie établi sur une agglomération secondaire romaine, le village d’Izernore livre régulièrement des bribes de son passé antique. Si, aujourd’hui, seules les ruines d’un temple encore en élévation demeurent visibles dans le paysage, les fouilles préventives récentes menées par l’Inrap dans le cadre de l’expansion du bourg en révèlent des aspects inédits. Dernièrement, c’est tout un pan lié à son artisanat du bois qui est sorti de puits !
En 2020, des fouilles préalables à la construction d’une maison individuelle ont mis au jour un quartier artisanal et résidentiel, occupé du Ier au Ve siècle, avec cinq puits encore en eau. À l’abri de l’air et de la lumière, les éléments piégés au fond de ces structures ont été préservés des affres du temps. Parmi eux, des graines, des pollens et des objets en bois, d’ordinaire disparus, constituent des témoignages rares de leur époque et offrent des informations sur le paysage, sur les végétaux cultivés, mais aussi sur certains artisanats.

Manipulations du mobilier en bois du site d'Izernore par la spécialiste du bois, xylologue, à la base Inrap de Bron. © Flore Giraud, Inrap
Un atelier d’artisanat du buis
Ainsi, des branchages et des déchets proviennent de coupes d’entretien (verger, potager, haie) et révèlent un travail du bois à proximité. Des chutes de débitage et de tournage, des ébauches et des objets finis reflètent, eux, un artisanat professionnel local principalement lié à des productions en buis, sans exclure d’autres essences ligneuses (frêne, noisetier, érable). On y créait des objets façonnés, comme des peignes, et d’autres tournés comme des pyxides et des fusaïoles. Les ébauches de peignes à double endenture, notamment, indiquent sans ambiguïté une confection locale dans un atelier spécialisé, leur fabrication nécessitant un haut degré de technicité, tout comme l’usage du tour à bois pour la réalisation de pièces délicates (pyxides, pièces ornementales). La localisation de l’atelier, proche de la ressource en matière première, permettait en outre de travailler le bois lorsqu’il était vert et plus facile à tailler. Si des vestiges similaires sont couramment découverts dans l’ensemble du monde romain, la mise au jour d’un lieu de production d’objets en buis demeure une véritable rareté.

Les fragments trouvés sur le site d'Izemore suggèrent la présence d'un atelier d'artisanat du bois à proximité. © Flore Giraud, Inrap
Une fabrication locale de tablettes à écrire ?
Une quinzaine de tablettes à écrire plus ou moins fragmentées a été recensée. Le grand nombre d’éclats (pouvant correspondre à des chutes de fabrication) et la présence d’une tablette ressemblant à une ébauche posent la question de leur production sur place. Cette dernière aurait ainsi pu bénéficier des ressources locales en sapin ou en épicéa. Ces tablettes consistaient en des feuillets simples ou assemblés en codex ; l’un d’eux est gravé au revers d’un nom, peut-être celui du fabriquant, du propriétaire ou du destinataire. Cette collection a aussi livré un exemplaire exceptionnel avec des lignes à l’écriture manuscrite à l’encre, en cours d’analyse.
Deux semelles en bois
Deux semelles complètes de pieds gauches, en bois d’érable, ont également été sorties de terre. Elles proviennent de souliers en cuir et correspondent respectivement à une taille 29 (enfant de 6-7 ans) et à une taille 27 (enfant de 4-5 ans), cette dernière étant d’un type très peu répandu, avec seulement deux exemplaires référencés à ce jour. Ces résultats démontrent une fois encore que la fouille exhaustive et méticuleuse des puits est une nécessité incontournable.

Semelles en bois d’érable, appartenant à des chaussures de type sculponae. © Flore Giraud, Inrap





