Une résidence omeyyade sort des décombres en Jordanie

La résidence urbaine vue depuis l’est, au second plan le cardo relié à la cour par l’escalier. © Void, 2024, Eastern Jarash Project
Entre le VIIe et le VIIIe siècle, la cité de Jérash est occupée par la dynastie des Omeyyades. Les vestiges de cette époque gisent sous les décombres du tremblement de terre survenu en 749. En 2021, l’Eastern Jarash Project, dirigé par l’archéologue Julie Bonnéric (IFPO), a cherché à identifier la frontière orientale de la ville. Mais la découverte d’un bâtiment antérieur, d’époque byzantine, détruit par ce même tremblement de terre, a sensiblement réorienté les recherches.
Dans l’objectif de cerner la limite orientale de la ville, Julie Bonnéric avait choisi une zone proche du cardo où se trouvaient des ateliers. « Sous les Omeyyades, on sait que ces derniers étaient installés en périphérie ; leur présence dans cette zone laissait ainsi supposer la limite de la cité. » Or l’atelier reconnu jouxtait un grand bâtiment byzantin, encore occupé aux VIIe et VIIIe siècles. Dégagé dès 2001 par le département des Antiquités de Jordanie, il a à nouveau fait l’objet de recherches par la mission.
Sous les décombres, cuisines et étables
Située à l’est du cardo, dans la partie nord du site actuel, cette large résidence urbaine se compose d’une cour encadrée de trois bâtiments en U. En raison de la déclivité du terrain, on y accède par un escalier depuis le cardo. Pour Julie Bonnéric, « la céramique a permis de dater sa destruction, très probablement, du tremblement de terre de 749. Grâce à l’effondrement de l’étage, une partie du matériel a été conservée en place. » Ainsi, au rez-de-chaussée de l’aile est, les fouilleurs ont mis au jour des auges, du fumier et de la terre battue signalant une probable étable. Dans cette même pièce, une marmite de cuivre entière, dotée d’un bandeau et d’anses en fer et en plomb, a été découverte dans un parfait état de conservation. Quant à la couche d’effondrement de l’étage, elle recelait seize contenants de stockage, avec de la céramique, très homogène, d’époque omeyyade tardive. Dans une berme restante de la fouille antérieure, des tesselles de mosaïques et des restes d’enduits peints multicolores à décor géométrique ont été relevés provenant de l’étage, ce qui va permettre de restituer une partie du décor. Enfin, à l’angle nord-est du bâtiment, des cendres et des ossements de faune (poulets, chameaux et caprins) ainsi que des céramiques culinaires pourraient indiquer une cuisine.
Chaudron trouvé dans la couche d’effondrement. © Ahmad Dhaher, 2022, Eastern Jarash Project
La maison d’un marchand ?
Le bâtiment, de taille considérable, plus de 750 m2, jouxte le cardo où s’alignaient autrefois des boutiques. S’agit-il de la maison d’un marchand ? L’objectif de la dernière mission était de comprendre son lien avec la rue commerçante et le souk implanté plus au sud. « La boutique donnant sur le cardo a été réaménagée en entrée et des éléments de ferrure ont été retrouvés sous la couche d’effondrement. Nous cherchons à restituer le mécanisme de cette porte en bois monumentale qui mesurait 4 m de large », précise Julie Bonnéric.
Si la date de construction du bâtiment reste incertaine, il est possible d’en dresser une chronologie relative. À la période hellénistique ou romaine, l’emplacement sert de carrière, puis il est réoccupé comme espace artisanal à l’époque romaine, les zones de taille étant réaménagées. Sous les Byzantins, l’espace est nivelé et le bâtiment est construit. Afin de réaliser la cour, les carrières sont remblayées et une partie pavée. Cette résidence à fonction domestique connaît des modifications jusqu’au VIIe siècle avec la construction de nouvelles salles dans la cour. Pourquoi avoir réduit la taille de cette dernière ? « L’évolution des structures familiales ou de l’organisation sociale pourrait expliquer la modification du plan. La construction du four que nous avons découvert révèle l’usage nouvellement artisanal de l’espace », détaille Julie Bonnéric. Si la fouille ne répond pas à la question initiale sur la limite orientale de la ville, elle offre toutefois une meilleure connaissance des bâtiments à étage avec escaliers à l’échelle de la région. Ici, le tremblement de terre a permis de conserver ce que l’abandon des sites a fait disparaître ailleurs…
Fragment d’enduit peint provenant de l’étage. © Solène Mathieu, 2024, Eastern Jarash Project
Reconstruction de l’escalier monumental du temple de Zeus
En parallèle de ce projet, la Jordanie et la France ont signé en novembre dernier un accord en vue de la reconstitution partielle du grand escalier du temple de Zeus à Jérash. En effet, il était composé de deux terrasses, supérieure et inférieure, autrefois reliées par un escalier monumental aujourd’hui détruit. Le projet, qui devrait s’achever dans 2 ans, rendra au temple son aspect unifié. C’est aussi l’aboutissement d’une coopération fructueuse entre l’IFPO et le département des Antiquités de Jordanie, qui dure depuis plus de 40 ans.