Voyage en Méditerranée au Collège de France
Exposition hommage à Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France, la nouvelle présentation de la vénérable institution se déploie sur deux sites aussi complémentaires qu’enrichissants. Tous deux mettent en lumière les travaux de ce grand savant sur la circulation de denrées essentielles, vins, huiles et parfums, au cœur de la Méditerranée antique.
Ainsi le site historique du Collège de France accueille une vingtaine d’œuvres exceptionnellement prêtées par le département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre : superbes céramiques, bronzes et verres offrent un aperçu des tables aristocratiques où la richesse des décors le dispute à la variété des formes et des supports. Cet esthétisme n’élude en rien le discours scientifique soulignant, entre autres, une grande continuité des usages de ces objets, que ce soit pour les lampes à huiles, les flacons à parfums ou les contenants à vin, au fil des époques et des sites.
Les parfums de Délos et les vins de Gaule
À l’Institut des civilisations, le discours archéologique est davantage mis en avant. Cartes localisant l’ensemble des fouilles menées pendant près de cinquante ans par Jean-Pierre Brun et ses équipes, photographies anciennes ou plus récentes, maquettes exceptionnelles (d’une parfumerie antique, d’une villa viticole et d’un navire de transport romain) ainsi que plusieurs entretiens éclairent les vestiges exposés, issus de sites majeurs. Outre le musée du Louvre, le Collège de France s’est donc associé à l’École française de Rome, au Centre Jean-Bérard de Naples, à l’École française d’Athènes, à l’Institut français d’archéologie orientale (Ifao) du Caire pour incarner ce voyage en Méditerranée. À Délos, on découvre l’art de la parfumerie (que mentionnait d’ailleurs Pline en son temps) grâce, entre autres, aux fouilles de pressoirs. Un dispositif olfactif a d’ailleurs été spécialement élaboré afin de rendre accessible un parfum antique (rhodinon). Puis on se rendra à Pompéi, pour mieux comprendre un pan méconnu des activités quotidiennes de la cité, de ses artisanats, de ses commerces et notamment ses (très) nombreuses boulangeries. En Gaule, ce sont les productions de vin et d’huile qui ont surgi de terre grâce aux fouilles de la villa de Pardigon et cellesdu Mas des Tourelles à Beaucaire, dans cette région agricole, la basse vallée du Rhône, si dynamique au Haut-Empire.
Le désert oriental sous surveillance romaine
Enfin, ce tour d’étude au cœur des techniques et des économies du Bassin méditerranéen antique ne serait être complet sans mentionner la mission archéologique du désert oriental, où pendant une vingtaine d’années (1994-2013), elle a exploré les fortins romains (praesidia) qui surveillaient les deux pistes caravanières reliant la vallée du Nil aux ports de Myos Hormos et Bérénice, sur la mer Rouge, ainsi que la petite carrière d’Umm Balad. En croisant les textes et les données archéologiques, l’équipe a renouvelé l’histoire de l’emprise de Rome sur cette région et la connaissance de la vie quotidienne de l’armée romaine dans les avant-postes aux marges de l’empire. Si la parcours a pour fil rouge le vin, l’huile et le parfum, la carrière de Jean-Pierre Brun a, elle, été brodée d’or.
« Vins, huiles & parfums. Voyage archéologique autour de la Méditerranée antique », jusqu’au 31 janvier 2025 au Collège de France, 11 place Marcelin-Berthelot et à l’Institut des civilisations du Collège de France, 52 rue du Cardinal-Lemoine, 75005 Paris. Tél. 01 44 27 12 11 et www.college-de-france.fr
Catalogue, Collège de France, 287 p., 39 €