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Notre sélection de beaux livres de la semaine

De la renaissance de Notre-Dame aux trésors du musée des Tissus de Lyon, découvrez notre sélection de beaux livres de la semaine.

Notre-Dame ressuscitée

«Voir Notre-Dame se relever de ses ruines nous place devant l’image même de la résilience, souligne dans sa préface Mgr Ulrich, archevêque de Paris depuis mai 2022. Il y a en elle une répétition inlassable : combien de fois avait-il fallu remettre l’ouvrage sur le métier pour parvenir à la splendeur qui a failli disparaître en une nuit d’incendie ? » À l’heure où le monde a redécouvert avec éblouissement l’intérieur de Notre-Dame métamorphosé par cinq ans d’un chantier pharaonique, les éditions Place des Victoires consacrent à l’édifice le dernier opus de leur collection de prestige, « La Grâce d’une cathédrale ». Articulé en deux grandes parties intitulées « Mille ans de métamorphoses », et « Comprendre Notre-Dame », ce bel ouvrage superbement illustré par 330 photographies, œuvres et documents relate plus précisément les cinq « résurrections » de celle que l’on surnomme affectueusement « la vieille dame ». Depuis le groupe cathédral du IVe siècle attesté par les fouilles jusqu’à la silhouette qui nous est aujourd’hui si familière, Notre-Dame n’a en effet cessé d’être transformée, reconstruite, restaurée… Les quinze denses essais que compte l’ouvrage ont été rédigés par les meilleurs experts. Citons par exemple l’historienne de l’art spécialiste des Mays, Delphine Bastet, l’historien de l’architecture Mathieu Lours qui a déjà consacré plusieurs ouvrages à la cathédrale, ou encore le Père Gilles Drouin, directeur de l’Institut supérieur de liturgie de l’Institut Catholique de Paris. Ici admirablement exposés par le texte et l’image, l’incendie et le chantier qui se poursuit encore ne seraient-il finalement qu’une nouvelle page dans l’histoire pluriséculaire de la vénérable cathédrale ? Comme le résume judicieusement Jean-Michel Leniaud, président de la société des Amis de Notre-Dame de Paris, « son histoire est loin d’être conclue : point zéro des routes du pays, lieu de ralliement de millions de fidèles venant de tous les pays du globe, le cœur de la France n’a pas fini de battre ». M.E.-B.

Les Résurrections de Notre-Dame. Histoire, chantiers, ferveur, collection « La Grâce d’une cathédrale », Éditions Place des Victoires, 2024, 304 p., 69 €.

Florilège du musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon

Fondé en 1864 par la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, le musée d’Arts et d’industrie s’est recentré sur le textile en 1891 et, en 1925, a versé le reste de sa collection dans un musée des Arts décoratifs. Après s’être trouvées en grand danger de disparition, les deux institutions ont été reprises en 2018 par un groupement d’intérêt public. Alors que l’équipe du nouveau musée des Tissus et des Arts décoratifs réalise, sous la direction d’Aziza Gril-Mariotte, un important travail sur les collections en vue d’une réouverture à l’horizon 2028-2029, paraît un livre présentant 160 objets ou groupes d’objets à l’occasion du 160e anniversaire de sa création. Le choix a été difficile car la collection des Tissus, la plus grande du monde, compte 800 000 items – deux millions et demi si l’on considère chaque échantillon inclus dans les albums – et celle des Arts décoratifs est riche de 37 000 pièces.
Parmi les objets sélectionnés dans la collection des Tissus se trouve le rarissime pourpoint dit « de Charles de Blois ». Conservé dans le trésor des Carmes d’Angers jusqu’à la Révolution, il aurait appartenu au prétendant au duché de Bretagne, tué en 1364 à la bataille d’Auray. Destiné à être porté sous l’armure, le luxueux vêtement matelassé a été confectionné dans une précieuse soierie provenant d’Irak et devint une relique car Charles de Blois était vénéré comme un saint. Tout aussi émouvante est une tunique féminine en lin plissé provenant d’une tombe égyptienne (environ 2 150 avant notre ère). L’exceptionnel panneau de tapisserie dit « Tenture aux poissons » (IIe-IVe siècle) a été également découvert en Égypte, en 1908, lors des fouilles d’Antinoé (ou Antinoupolis). Exemple plus récent de la somptuosité des tissus d’ameublement, le brocart de meuble à fond cramoisi, livré en 1733 au château de Versailles, n’a été utilisé qu’en 1785 pour la grande chambre à coucher du Roi. Plusieurs robes et habits masculins figurent dans le livre, ainsi que des pièces de tissus d’habillement. Le panneau pour robe à décor de bouquets de fleurs et imitation de dentelle destiné à la reine Victoria (1861), de soie, à fleurs de velours et taffetas et orné de dentelles feintes, témoigne de la virtuosité des fabricants lyonnais sous le Second Empire. Enfin on y trouve des pièces contemporaines, tels les essais de broderie pour la haute-couture (entre 1947 et 1966) de l’atelier Rébé ou les poétiques sculptures Tourbillon (entre 2000 et 2007) de Simone Pheulpin. É.S.

Sous la direction de Marion Falaise et Aziza Gril-Mariotte, 160 ans de collections. Les trésors du musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon, coédition musée des Tissus et des Arts décoratifs / Lienart, 2024, 360 p., 35 €.

Villégiature en Île-de-France

Le patrimoine francilien est une fois encore à l’honneur aux éditions Lieux Dits, avec cet ouvrage soigné et remarquablement illustré, réalisé par la Région Île-de-France, la Direction de la Culture ainsi que le Service patrimoine et inventaire. Les châteaux, villas, maisons de maîtres, chalets ou simples cabanons construits dans les environs de Paris pour être habités à la belle saison donnent pour la première fois lieu à un ouvrage de synthèse. L’engouement pour une campagne perçue comme un havre de paix apparaît dès le XVIe siècle, mais il faut attendre la fin des années 1980 pour que les recherches autour de cette « villégiature de bord de ville » prennent véritablement forme. En quatre décennies, quelque 1 700 édifices de plaisance ont été réunis sur la base de données du service de l’inventaire ; un corpus représentatif sur lequel s’appuient les quatorze auteurs ici rassemblés (conservateurs du patrimoine, chargés du recensement au sein de la Drac, ou chargés d’inventaire du patrimoine pour une commune). Des rives de la Seine aux bords de l’Oise, de la forêt de Saint-Germain à la vallée de Montmorency, ces demeures tantôt fantaisistes tantôt conformistes, souvent opulentes et parfois modestes, mais toujours en symbiose avec la nature environnante – la recherche du bon air et de la belle vue sont des critères fondamentaux – offrent un cadre privilégié pour recevoir proches et amis. Aux articles éclairants explorant diverses facettes de ces maisons de campagne (éléments de vocabulaire, belvédères, pratique sportive, modèles architecturaux, matériaux…) succède la section « Morceaux choisis » qui jette un coup de projecteur sur une cinquantaine de ces demeures construites entre le XVIIIe et le XXe siècle. En voici quelques exemples pour aiguiser votre curiosité : le pittoresque Wood Cottage érigé vers 1860 pour un prospère marchand parisien au Vésinet, le château des Mèches inspiré par les villas italiennes (Créteil), la célèbre colonne tronquée du Désert de Retz (1781, Chambourcy), la villa aux lignes épurées imaginée en 1921 par Robert Mallet-Stevens pour Paul Poiret (Mézy-sur-Seine), ou encore le château néo-Renaissance de Méridon, construit pour le financier Pierre Marques di Braga en 1883… Une irrésistible invitation au voyage, loin de l’agitation de la capitale ! M.E.-B.

Châteaux, villas & folies. Villégiature en Île-de-France, éditions Lieux Dits, 2024, 256 p., 32 €.

Yves Saint Laurent et la « gent canine »

«Je suis, comme on dit, un homme à chiens », ironisait Yves Saint Laurent. Après Picasso et ses chiens, le grand couturier fait l’objet du second opus de l’attachante collection « Amigos forever » aux éditions Norma. Nombre de photographies prises dans ses différents intérieurs ou dans son studio de l’avenue Marceau à Paris le montrent en compagnie de son bouledogue français à robe caille répondant au nom de Moujik. Ils furent en réalité quatre bouledogues successifs à s’appeler Moujik, qui devint une « sorte de chien unique, de chien générique », selon Martin Bethenod, l’auteur de ce livre. En 1979, Moujik II fit une apparition remarquée sur le podium d’un défilé, tenu en laisse par le mannequin Mounia ; le top model arborait un tailleur noir et blanc rappelant la robe du chien. C’est Lili Brik, la muse du poète Maïakovski, qui baptisa le premier bouledogue Moujik. Avant il y eut Frica, une sorte de doberman pinscher noir et feu bientôt rejoint par les chihuahuas de Pierre Bergé, amoureux des chiens lui aussi ; une race très glamour au début des années 1960 que Marlene Dietrich affectionnait tout particulièrement. Les chiens tiennent une place importante dans la relation de Pierre Bergé et Yves Saint Laurent. C’est ainsi qu’à Noël 1986, Yves reçut comme cadeau de son amant le portrait de Moujik II par Andy Warhol. Le lien de Saint Laurent avec la « gent canine » remonte pourtant bien au-delà : déjà pendant son enfance algérienne, les chiens faisaient partie de son quotidien. Le prochain volume de la collection sera consacré à Joan Mitchell. N.d’A.

Martin Bethenod, Yves Saint Laurent et ses chiens, collection « Amigos forever », Norma, 2024, en français ou en anglais, 80 p., 24 €.