Studio Henry Ely à Aix-en-Provence : à la rencontre des gardiens de la mémoire photographique de la cité cezannienne

Devanture du studio photographique Ely. © Henry Ely – Aix
Depuis près de 140 ans, à Aix-en-Provence, la passion de la photographie se transmet de père en fils dans la famille Ely. Henry s’installe en 1888, et ce sont ensuite Hugo puis Jean qui prennent la relève. Par le biais de l’association CEPPIA, Jean-Éric s’attèle aujourd’hui à préserver l’inestimable fonds Ely (2 millions de photographies) en organisant notamment des expositions. Il nous convie cet été à plonger dans la ville d’Aix au temps de Cezanne…
« À quelque chose malheur est bon », confie Jean-Éric Ely lorsqu’il évoque la fermeture forcée du studio photo que son aïeul avait ouvert en 1903 en plein cœur de la vieille ville, dans le passage Agard qui donne sur le cours Mirabeau (un vaste projet immobilier fort controversé est à l’origine de ce départ). Dès lors, que faire du matériel précieusement accumulé par quatre générations de photographes ? Que faire des milliers de plaques de verre, plans, films, négatifs et ektachromes jalousement conservés ? L’arrière-petit-fils du fondateur se lance un défi audacieux : créer une association pour préserver et promouvoir cet inestimable héritage, avec l’aide de la municipalité. C’est ainsi que, le 14 avril 2021, naît le Collectif Ely patrimoine photographique iconographique Aix-en-Provence (CEPPIA).
« Nous avons toujours posé le même regard sur les grands de ce monde et les plus humbles. »
Jean-Éric Ely

Le studio, et surtout, l’atelier, étaient restés dans leur jus. Des photographies et un film ont été réalisés pour conserver la mémoire de ce lieu historique. © Henry Ely – Aix
Le studio Ely, « l’œil d’Aix »
C’est en 1888 que l’aventure commence, lorsqu’Henry Ely, formé auprès des frères Lumière, fonde le Comptoir photographique. L’ambition de ce touche-à-tout ? « Écrire avec la lumière », car il en est certain, « il n’existera vraiment que ce qui est photographié ».

Henry Ely (1861-1921), Autoportrait dans son atelier en 1904. © Henry Ely – Aix
Loin de se contenter de faire des portraits, il se passionne donc pour l’actualité, esquissant une voie qu’emprunteront son fils Hugo, correspondant pour L’Éclair ou Le Petit Provençal, puis son petit-fils Jean. Dans la période de surconsommation d’images qui est la nôtre, Jean-Éric continue à « révéler son temps » avec humanité.

Les quatre génération de la famille Ely. © Henry Ely – Aix
S’exposer
Depuis une vingtaine d’années, l’extraordinaire fonds Ely a ponctuellement été dévoilé dans le cadre d’expositions présentées au musée Granet, à la mairie d’Aix, à la bibliothèque Méjanes… Grâce à l’appui de la Ville, l’association CEPPIA a pu investir l’été dernier le rez-de-chaussée de l’hôtel Boadès donnant sur la fontaine de la Rotonde pour proposer au public l’émouvante exposition « Ombres et lumières », destinée à célébrer le 80e anniversaire de la Libération. Après avoir documenté l’Occupation, Hugo Ely, qui s’est engagé dans la Résistance, et son jeune fils Jean, immortalisent les chars et véhicules militaires alliés remontant le cours Mirabeau, le 21 août 1944.

Un bal à Aix en 1939. © Henry Ely – Aix
« Je pense à Cezanne à chaque fois que je photographie la Sainte-Victoire bien sûr. Elle se défend bien cette montagne. »
Jean-Éric Ely
Dans les pas de Cezanne
Jusqu’au 31 octobre, le CEPPIA investit à nouveau l’hôtel Boadès avec l’exposition « L’Aix de Cezanne ». Bien que les Ely n’aient jamais eu l’occasion de photographier le peintre, l’association a puisé dans ses collections pour brosser un édifiant portrait de la ville au tournant du XXe siècle, et contribuer ainsi à la riche programmation de l’année « Cezanne 2025 ». En dix chapitres et 220 clichés, le parcours nous invite à découvrir les principaux sites fréquentés par le père de l’art moderne, les lieux où il a vécu et travaillé, les habitants qu’il a pu croiser, mais aussi les portraits des artistes, historiens de l’art et écrivains qui l’ont admiré (Charles Camoin, André Masson, John Rewald, entre autres).
Un « Pôle Sud » de la photographie
Au-delà de la préservation du fonds et des expositions temporaires, Jean-Éric Ely caresse le rêve de créer un jour un véritable centre culturel. « Il serait possible de retracer une histoire du médium, de l’argentique au numérique, de proposer des ateliers et des conférences, d’accueillir des photographes invités », confie-t-il avec enthousiasme. Ce centre pourrait même s’inscrire au sein d’un vaste « Pôle Sud » de la photographie, en nouant des partenariats avec les universités, les Rencontres de la photographie d’Arles, le musée Charles Nègre à Nice ou le Visa pour l’image de Perpignan… « Pour l’instant, je n’ose pas », souffle le dernier des Ely. Nul doute toutefois que le travail de ces quatre « artisans de l’instant » constitue un témoignage sociétal et historique de première importance pour la ville d’Aix.
Toutes les informations sur l’association CEPPIA sur associationceppia.fr.









