L’art autrement : regards choisis sur l’art.

 

Artocène : un grand bol d’art contemporain à Chamonix

Vue de l’œuvre Musée sans bâtiment de Yona Friedman (1923-2019), l’une des étapes du parcours d’art contemporain déployé à Chamonix-Mont-Blanc dans le cadre de la 3e édition du festival Artocène. © Julien Grémaud. Artocène 2023
Vue de l’œuvre Musée sans bâtiment de Yona Friedman (1923-2019), l’une des étapes du parcours d’art contemporain déployé à Chamonix-Mont-Blanc dans le cadre de la 3e édition du festival Artocène. © Julien Grémaud. Artocène 2023

Dominé par le Mont-Blanc et l’Aiguille du Midi, l’écrin est grandiose. Pour la troisième année consécutive, le festival Artocène conjugue à Chamonix jusqu’au 23 juillet l’architecture à l’art contemporain. Placée sous l’égide du physicien et philosophe Étienne Klein, cette édition propose d’interroger notre rapport au vide à travers les œuvres d’une vingtaine d’artistes.

Si l’anthropocène qualifie notre ère géologique actuelle, caractérisée par l’impact désormais significatif de l’activité humaine sur le système planétaire, le néologisme « artocène » pourrait désigner « l’ère de l’art », qui peut-être permettrait de sensibiliser nos contemporains aux enjeux environnementaux.

Le musée Alpin pour écrin

Créé en 2021 par la dynamique Laurène Maréchal, le festival Artocène avait dédié sa première édition au thème de la forêt avant d’explorer, l’année suivante, celui des glaciers. Questionnant le concept de vide, ce troisième opus prend principalement ses quartiers dans un lieu prédestiné : le musée Alpin temporairement privé de ses collections. Fermée pour travaux depuis 2021, cette institution installée depuis 1969 dans l’écrin luxueux de l’ancien « Chamonix Palace » devrait rouvrir ses portes en 2025, entièrement repensée sous le nom de musée du Mont-Blanc. Répartie en trois sections dessinées par la scénographe Charlotte Richard, familière de la Fondation Cartier et du Palais de Tokyo, une vingtaine d’œuvres occupe désormais l’espace. Parmi la totalité des pièces présentées, une dizaine a été conçue in situ afin de faire directement écho à la ville et à son contexte alpin.

Clément Richem (né en 1986), Poussière, 2023. Paysage en céramique et montagnes en techniques mixtes. Produite pour la 3e édition d’Artocène. © OPM
Clément Richem (né en 1986), Poussière, 2023. Paysage en céramique et montagnes en techniques mixtes. Produite pour la 3e édition d’Artocène. © OPM

Un vide polysémique

Le vide, c’est d’abord celui de la vallée de Chamonix qui s’ouvre au cœur des Alpes, comme le matérialise l’installation de Clément Richem (né en 1986) Poussière mettant en scène au milieu des majestueuses montagnes la petitesse des constructions humaines formant la ville. Plus loin, l’expérience du vertige suscitée par la prise de conscience du vide physique attend le visiteur. La pente qui se mêle à l’horizon dans une toile de Wilfrid Moser (1914-1997) figurant le massif du Saint-Gothard semble ainsi irrésistiblement aspirer le spectateur, tandis que des clichés immortalisant les Night Climbers of Cambridge rappellent la quête d’adrénaline allant de pair avec la recherche du vide et l’angoisse de la chute. Un troisième temps analyse le vide comme absence, comme celle que traduit la poétique sculpture de Guillaume Leblon (né en 1971) représentant un manteau qui, malgré l’absence de son propriétaire, semble comme par miracle en conserver pour un instant encore la forme.

Guillaume Leblon (né en 1971), The innocent’s coat #6, 2016. Aluminium et peinture melachrome. © Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles
Guillaume Leblon (né en 1971), The innocent’s coat #6, 2016. Aluminium et peinture melachrome. © Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia Paris / Bruxelles

Vestiges d’un océan

Un absent de taille est convoqué à proximité : il s’agit de l’océan Téthys qui, il y a 200 millions d’années, bien avant l’apparition de l’Homme, précéda les Alpes. Le travail de Célia Gondol (née en 1985) vient évoquer sa disparition en moulant en verre différents fossiles retrouvés sur le site du désert de Platé, situé à proximité dans le massif du Faucigny. En marge de cette exposition principale, la visite se poursuit dans les rues de la station où sept autres étapes attendent le curieux. La place du Mont-Blanc accueille ainsi le prototype du Musée sans bâtiment de Yona Friedman (1923-2019), tandis que la façade de l’hôtel La Folie Douce déploie une œuvre de Bea Bonafini (née en 1990) et d’Ulla von Brandenburg (née en 1974) issue de leur mois de résidence au refuge du Tour.

Célia Gondol (née en 1985), Ice memories: Désert de Platé, 2021-2022/2023. Verre soufflé, aquariums en verre, eau. Musée Hébert, département de l’Isère et trois œuvres produites pour la 3e édition d’Artocène. © Artocène 2023
Célia Gondol (née en 1985), Ice memories: Désert de Platé, 2021-2022/2023. Verre soufflé, aquariums en verre, eau. Musée Hébert, département de l’Isère et trois œuvres produites pour la 3e édition d’Artocène. © Artocène 2023

Olivier Paze-Mazzi


« Le Vide comme repère, 3e édition du festival Artocène »
Jusqu’au 23 juillet 2023 à Chamonix-Mont-Blanc
www.artocene.fr

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