Alfred Dreyfus, un héros français au musée d’art et d’histoire du Judaïsme

Henri Meyer (dessin), « Le Traître. Dégradation d’Alfred Dreyfus » (détail), Le Petit Journal, supplément illustré, 13 janvier 1895, impression couleur sur papier, 27,5 x 32,7 cm. © mahJ/Christophe Fouin
Près de 20 ans après « Alfred Dreyfus, le combat pour la justice », à l’occasion du centenaire de la réhabilitation du capitaine d’artillerie en 2006, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme consacre une nouvelle exposition à l’« Affaire » qui a bouleversé la Troisième République et révélé les divisions durables minant la société française à la charnière des XIXe et XXe siècles.
« Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle… » Ainsi Zola dépeint-il, dans son célèbre « J’accuse… ! », l’injustice que constitue la dissimulation de l’innocence d’Alfred Dreyfus.
Ernest Pignon-Ernest, Portrait d’Émile Zola sur la une de L’Aurore du 13 janvier 1898, Paris, 1995, dessin original pour une lithographie commandée par le comité d’entreprise de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Pastel gras et gouache sur impression photomécanique contrecollée sur carton, 50,5 x 66,5 cm. © mahJ/Christophe Fouin © Adagp, Paris, 2025
Un courage physique et moral hors du commun
C’est sur le récit de cet épisode tragique que revient cette passionnante exposition : elle détaille et restitue, au fil de neuf sections, les origines de l’« Affaire », son déroulement et son omniprésence dans le débat public. 250 tableaux, documents, photographies, unes de journaux, affiches ou extraits de films, réunis grâce au concours d’une trentaine d’institutions (musée de l’Armée, BnF, Archives nationales, musée d’Orsay, musée juif de Suisse à Bâle…) et de collections privées, ainsi qu’aux fonds propres du musée, plongent le visiteur dans la complexité de cette histoire. Mais l’autre intérêt majeur de l’exposition est de remettre au centre du récit un homme à la trajectoire brisée, trop souvent dépeint comme une victime passive, malmenée par les événements, et dont le salut ne tient qu’à la mobilisation de sa famille et des intellectuels. La documentation privée, abondante, rappelle au contraire combien Alfred Dreyfus a manifesté, tout au long des épreuves qu’il a endurées, un courage physique et moral hors du commun.
De précieux documents
Le parcours débute par une première section qui évoque les origines alsaciennes de ce fils d’industriel mulhousien, issu d’un milieu juif assimilé, profondément patriote et attaché à la République française, dont l’humiliante défaite de 1870 est décisive dans son choix d’embrasser la carrière militaire. Dans un triste écho à la période actuelle, l’exposition nous immerge également dans le climat anxiogène et xénophobe en France au moment où éclate l’affaire Dreyfus, lorsque le pamphlet antisémite La France juive d’Édouard Drumont est un succès littéraire et que des candidats ouvertement hostiles aux juifs se présentent à la députation. Elle retrace ensuite en détail les étapes des différents procès et la terrible détention de Dreyfus, en proposant de précieux documents, parmi lesquels un fac-similé du fameux « bordereau » à l’origine de l’accusation, un exemplaire original du journal tenu par Dreyfus sur l’île du Diable, d’émouvantes lettres du capitaine à ses proches, ou encore des croquis d’audience de la main du journaliste et dessinateur Maurice Feuillet.
Henri Meyer (dessin), « Le Traître. Dégradation d’Alfred Dreyfus », Le Petit Journal, supplément illustré, 13 janvier 1895, impression couleur sur papier, 27,5 x 32,7 cm. © mahJ/Christophe Fouin
« Alfred Dreyfus. Vérité et justice », jusqu’au 31 août 2025 au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71, rue du Temple, 75003 Paris. Tél. : 01 53 01 86 53. www. mahj.org
Catalogue sous la dir. d’Isabelle Cahn et Philippe Oriol, 288 p., Gallimard, 39 €.