Avis aux bibliophiles : notre sélection de beaux livres

Depuis ses lointaines origines, dans la Chine de l’Antiquité, jusqu’au revival de techniques de productions traditionnelles en Océanie et en Afrique au XXI^e siècle, le papier, « matière millénaire dont la fabrication a fait le tour du globe », se décline sous une multitude de formes et embrasse le cours de l’histoire humaine. C’est cette diversité que la relieuse Julie Auzillon souhaite partager dans son Tour du monde du papier, qui entraîne le lecteur dans un périple passionné, jalonné de lieux et de rencontres avec des personnalités, artistes et artisans, à la manière d’un guide de voyage entre Asie et Europe. Les notices techniques sur la création du papier alternent avec des focus sur des lieux insolites, des ateliers et des boutiques qui préservent ou révolutionnent les savoir-faire des métiers du papier. Et l’approche volontiers éclectique de l’autrice, nourrie de ses pérégrinations de Pékin à Melbourne, en passant par Helsinki et São Paulo, ne néglige pas l’indispensable retour à la source asiatique des arts du papier, en particulier au Japon, berceau d’une culture ayant sublimé le papier comme matériau et comme support artistique, de la littérature à l’estampe en passant par l’origami. R. B.-R.

Julie Auzillon, Le Tour du monde du papier. Créations. Savoirs. Boutiques, Pyramyd éditions, 2024, 372 p. Prix : 35 €. 

Qu’il soit « glacé » ou « anisotrope », « cassant » ou « dur », « piqué » ou encore « vergé »… le papier nous fascine. Il en obsède même certains : c’est notamment le cas des auteurs de ce livre conçu à première vue comme un dictionnaire. Imprimeurs, relieurs, restaurateurs, ils détaillent au fil des épaisses pages grainées toute l’exigeante terminologie familière aux calligraphes, papetiers et autres métiers consacrés à ce formidable matériau. S’il est structuré par ordre alphabétique, et ne lésine pas sur les considérations techniques et scientifiques, cet ouvrage emprunte volontiers le ton de l’anecdote, agrémentant ses entrées explicatives de réflexions historiques et culturelles. Préfacée par l’académicien Erik Orsenna, cette synthèse franco-nippone des matières, outils, techniques et finitions du papier forme un ensemble agréable à parcourir, au ton libre et léger qui ne noie jamais le lecteur dans des références obscures. Enrichi de 110 illustrations, cet abécédaire original, imaginé comme un dialogue à sept plumes entre Hexagone et pays du Soleil-Levant, présente au fil de ses 250 entrées explicatives les disciplines liées au papier et à leurs savoir-faire. R. B.-R.

Valentine Dubard de Gaillarbois, Tomoko Kawamura (dir.), Maasaki Ariyoshi, Jacques Brejoux, Nadine Dumain, Katsuhiko Masuda, Jean-Claude Roux, Abécédaire du papier, Pyramyd éditions, 2025, 160 p. Prix : 25 €. 

Christian Dotremont (1922-1979), peintre-poète, romancier, critique d’art, sinophile belge, est un lettré excentrique. Comme tel, l’observation du poète Su Dongpo (1037-1101) sur Wang Wei (701-761) lui colle à la peau : « Ses peintures sont des poésies, dans ses poésies il y a des peintures. » Michel Sicard, philosophe et essayiste, devient ici éditeur et, après une préface nourrie, érudite, propose un florilège de 40 ans d’activité littéraire – poésie, roman, essai et critique – de façon chronologique, incluant ainsi « récits hors réel » : l’histoire d’un drapeau qui se raconte, La Loque (1953) ; Variations sur quelques lignes [de pluie] (1959)… Cofondateur et animateur de Cobra, Dotremont fréquente Alechinsky, Karel Appel, Corneille, Asger Jorn, avec lequel il réalise en 1948 les premières peintures-mots et les dessins- mots spontanés. En 1962, il invente l’unité d’inspiration verbale-graphique ou logogramme. Perpétuel expérimentateur de la langue, il n’hésite pas à ausculter les concepts non sans un humour décalé. Cet œuvre écrit considérable et novateur, jusqu’alors méconnu pour l’essentiel, Michel Sicard le révèle aux curieux, chercheurs et amateurs d’un surréalisme révolutionnaire. C. C.

Christian Dotremont, Les Grandes Choses. Anthologie poétique 1940-1979, édition de Michel Sicard, postface d’Yves Bonnefoy, Gallimard, 2025, coll. « Poésie », 416 p. Prix : 12,30 €.