Avis aux bibliophiles : notre sélection de beaux livres

Haïkus et estampes du Japon, broderies de fils d’or, résistance intellectuelle et artistique française pendant l’Occupation allemande : voici une sélection d’ouvrages à découvrir sans tarder.
Les femmes selon Kobayashi Issa
« Un groupe de femmes / Me double… Je le suis du regard, / Ô, champ de violettes ! » C’est peu dire que les femmes sont omniprésentes dans l’œuvre de Kobayashi Issa (1763-1828). Qu’elles soient lavandières, courtisanes, mères ou prostituées, il a décliné ses inspiratrices sous une multitude de portraits dans ses haïkus, décrivant leur humilité, leur beauté et leur ruse. Ce joli livre nous introduit à cette dimension au fil de cent brefs poèmes – traduits par l’essayiste français Seegan Mabesoone, diplômé de l’université Waseda à Tokyo – dialoguant avec des œuvres d’artistes variés. Les estampes et dessins à l’encre des maîtres Kitagawa Utamaro, Suzuki Harunobu ou Utagawa Hiroshige alternent avec les photographies de Janine Niépce, Julia Leonard Smith et Nadia Anemiche, offrant un véritable panorama de la condition féminine dans la société japonaise des XVIIIe-XIXe siècles, qui garde toute sa saveur intemporelle. Les haïkus d’Issa saisissent l’instant avec clarté et décrivent, parfois avec détachement mais souvent avec tendresse, ces femmes comme autant de figures archétypales qui fascinent le poète autant dans leur réalité concrète que pour ce qu’elles représentent à ses yeux. R. B.-R.
Kobayashi Issa (texte), Seegan Mabesoone (traduction), Une femme au Japon. Haïkus de Kobayashi Issa, Éditions de La Martinière, 2025, 160 p. Prix : 25 €.
L’art de la Résistance
« Lorsqu’un jour l’historien, loin des tumultes où nous sommes plongés, considérera les tragiques événements qui faillirent faire rouler la France dans l’abîme d’où l’on ne revient pas, il constatera que la résistance, c’est-à-dire l’espérance nationale, s’est accrochée, sur la pente, à deux pôles qui ne cédèrent point. L’un était un tronçon d’épée, l’autre, la pensée française. » Prononcés lors d’un discours à Alger, fin octobre 1943, ces mots du général de Gaulle témoignent de l’importance de la lutte contre l’envahisseur allemand, non seulement par le fer, mais aussi par l’art. Cette production intellectuelle et artistique fait l’objet d’une exposition mettant en pleine lumière l’engagement de figures aussi diverses qu’André Breton, Joseph Kessel, André Masson ou Jean Gabin. Le beau catalogue nous immerge en détail dans la production artistique, en exil, d’Ossip Zadkine, d’Henry Valensi et de Victor Brauner, parmi d’autres, et restitue avec brio cette période troublée grâce aux documents d’époque (photographies, carnets, documents administratifs, correspondance, rapports…) et aux exemplaires de nombreuses revues qui, à l’instar de France Forever, France-Orient ou encore France d’abord, font vivre ce désir de lutter contre la barbarie nazie. R. B.-R.
Vincent Giraudier et Sylvie Le Ray-Burimi (dir.), Un exil combattant. Les artistes et la France 1939-1945, Gallimard/Musée de l’Armée, 2025, 320 p. Prix : 39 €.
Au fil de l’or
Pour découvrir des textiles précieux, brodés au fil d’or, on peut recommander l’exposition du musée du Quai Branly (jusqu’au 6 juillet) ou se procurer son catalogue somptueusement illustré. Les premiers ornements cousus sur les vêtements des défunts, puis les parures de pouvoir vont de pair avec les robes flamboyantes de l’artiste contemporaine chinoise Guo Pei. Se succèdent des soieries tissées d’or des mondes indien et indonésien, des kimonos de l’ère Edo. Le propos déroule l’histoire millénaire de l’or dans les arts textiles, approche scientifique et perspective artistique dévoilant la diversité, la technicité et la richesse des costumes d’une vaste région allant du Maghreb au Japon en passant par les pays du Moyen-Orient, l’Inde et la Chine. Au total, sont présentées les œuvres de 34 spécialistes qui connaissent le travail de l’or – lamelles, filés et feuilles d’or s’entrelaçant aux fibres de soie ou de lin. Le catalogue explore les techniques des orfèvres, artisans et tisserands dont la maîtrise a permis de se parer de cette « poussière d’étoiles », révélant une fascination intemporelle pour « le plus noble des métaux ». Mais, attention, tout ce qui brille n’est pas d’or ! C. C.
Au fil de l’or. L’art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant, textes de Hana Al Banna-Chidiac, Magali An Berthon, Guo Pei, éd. Skira/musée du Quai Branly, 2025, 256 p. Prix : 47 €.