L’affiche et ses révolutions au musée d’Orsay

Louis-Robert Carrier-Belleuse (1848-1913), L’Étameur, 1882. Huile sur toile, 64,8 x 97,8 cm. Collection particulière. Photo service de presse. Photo Studio Redivivus
En partenariat avec la BnF, le musée d’Orsay consacre une spectaculaire exposition à l’affiche illustrée en couleurs, qui envahit les rues de la capitale dans la seconde moitié du XIXe siècle. À la croisée de l’art et de la communication, ces chatoyantes lithographies témoignent autant des mutations économiques et sociales que des avancées techniques.
Jamais encore le musée d’Orsay n’avait déployé une exposition d’une telle ampleur, et pour cause : remettre à plat, encadrer et présenter 300 affiches qui peuvent mesurer jusqu’à 4 mètres de large représente un exploit technique.
La société de consommation s’affiche
Au fil de peintures et de photographies d’Eugène Atget ou d’Édouard Vuillard, le parcours nous convie d’abord à déambuler dans les rues de la capitale pour mesurer combien les affiches envahissent rapidement les moindres palissades, kiosques et stations de métro dès le mitan du XIXe siècle. Et la loi de juillet 1881 garantissant la liberté d’expression contribue encore à la multiplication de ces annonces, mises en place par une cohorte de colleurs et colleuses d’affiches. Destinées à promouvoir les grands magasins, les spectacles et loisirs modernes ainsi qu’une large gamme de produits de consommation (des biscuits LU aux cycles Perfecta en passant par le papier à cigarettes JOB), les compositions d’affichistes professionnels tels Eugène Grasset ou Jules Chéret laissent deviner en filigrane l’industrialisation et l’urbanisation du pays, autant que l’essor de l’alphabétisation et de la société de consommation.
Jules Chéret (1836-1932), Bal du Moulin Rouge, 1889, imprimerie Chaix, lithographie en couleurs, 122 x 86 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la Photographie. Photo service de presse. © BnF
Avènement de la lithographie
Mais elles révèlent aussi les progrès techniques dont bénéficie alors l’imprimerie. Aujourd’hui tombé dans l’oubli, Jean-Alexis Rouchon se fait ainsi remarquer dès 1845 pour ses grandes xylogravures en couleurs (La Belle Jardinière), mais c’est Chéret qui fait figure de pionnier en s’emparant avec succès de la technique de la lithographie et en produisant près d’un millier d’affiches. Lui emboîtant le pas, les imprimeurs Edward Ancourt, Charles Verneau ou Chaix vont volontiers collaborer avec des peintres de l’avant-garde pour produire des images percutantes ; citons parmi eux Théophile Steinlen (Tournée du Chat noir), Henri de Toulouse-Lautrec (Aristide Bruant), Alfons Mucha (Gismonda, Sarah Bernhardt) ou Leonetto Cappiello (Chocolat Klaus). Après avoir rendu compte du phénomène d’affichomanie qui suscite dans les années 1890 la création de manifestations et de publications spécialisées et hisse l’affiche au rang d’œuvre d’art, l’exposition s’achève sur une sélection de lithographies moins connues qui témoignent d’une politisation de l’affiche au tournant du XXe siècle, au service de journaux militants, de syndicats ou pour promouvoir l’effort de guerre.
Henri Gustave Jossot (1866-1951), Imprimerie Camis (Paris), Imprimerie Camis. Le plus grand format tiré jusqu’à ce jour en un seul morceau, 1897. Lithographie en couleurs, 260 x 190 cm. Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie. Photo service de presse. © BnF
« L’art est dans la rue », jusqu’au 6 juillet 2025, musée d’Orsay, esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris. Tél. : 01 40 49 48 14. www.musee-orsay.fr
Catalogue coédition musées d’Orsay et de l’Orangerie / BnF Éditions, 256 p., 45 €.
Hors-série de L’Objet d’Art (n° 180), Éditions Faton, 64 p., 11 €.