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L’association Pointe et Burin fait l’éloge de l’entaille à la Fondation Taylor

Souscription 2025 : Kim Coz, Sous les brise-lames (détail), 2025, eau-forte sur cuivre, 30 x 20 cm (matrice), impression Mila Gomez, Ateliers Moret, 70 ex.

Souscription 2025 : Kim Coz, Sous les brise-lames (détail), 2025, eau-forte sur cuivre, 30 x 20 cm (matrice), impression Mila Gomez, Ateliers Moret, 70 ex. © Kim Coz

L’association de graveurs en taille-douce Pointe et Burin consacre son exposition annuelle à l’entaille. L’occasion d’admirer, de Martin Schongauer à l’invitée d’honneur Catherine Gillet, les œuvres des burinistes, pointe séchistes et aquafortistes d’hier et d’aujourd’hui.

En 2019 Jean-Michel Mathieux-Marie, actuellement président d’honneur de l’association Pointe et Burin, publiait un traité de gravure philosophico-esthétique L’Entaille et l’Idée, véritable éloge du trait décrit comme « mince et pure rayure ondoyante incisée sur la plaque ».

Éloge de l’entaille

En consacrant aujourd’hui une exposition à l’entaille, l’association, présidée maintenant par Isabelle de Font-Réaulx, entend revenir aux fondamentaux de la gravure, à savoir ce sillon tracé dans la matrice de bois ou de métal directement par l’outil, burin ou pointe sèche, ou par l’intermédiaire d’un acide. Cette présentation étant pensée comme une leçon en deux temps, le volet de l’an prochain sera dédié à la teinte, c’est-à-dire à la gravure traitée par la surface, comme avec l’aquatinte et la manière noire, et non plus par le trait. Cette distinction peut apparaître légèrement théorique car les deux procédés, trait et teinte, sont souvent liés, les artistes mêlant à loisir différentes techniques. Mais elle est utile pour faire connaître et comprendre au grand public l’art de l’estampe, ce qui est une des principales missions de Pointe et Burin.

Souscription 2025 : Catherine Gillet, Ailleurs, 2025, burin sur cuivre, 30 x 19 cm (matrice), impression Matthieu Perramant, Ateliers Moret, 70 ex.

Souscription 2025 : Catherine Gillet, Ailleurs, 2025, burin sur cuivre, 30 x 19 cm (matrice), impression Matthieu Perramant, Ateliers Moret, 70 ex. © Catherine Gillet

De remarquables feuilles anciennes

La dextérité de la main du graveur évoque immédiatement la Sainte Face de Claude Mellan. On sait que cette œuvre a été incisée en 1649 d’un seul trait de burin dessinant en spirale le visage du Christ à partir d’un point central, ici son nez. Comme le rappelait le titre de l’exposition que Maxime Préaud lui consacrait en 1988, Mellan avait « l’œil d’or », cet « équivalent graphique de l’oreille absolue des musiciens » permettant « à première vue de tracer un cercle et y poser le point du centre avec autant d’exactitude qu’on pourrait le faire avec un compas1 ». Pour spectaculaire et magnifique qu’elle soit, la Sainte Face exposée à la Fondation Taylor avec une trentaine de feuilles anciennes généreusement prêtées par l’association Les amateurs d’estampes ne doit pas éclipser les très belles autres épreuves présentées. Comme Mahomet et le moine Sergius de Lucas de Leyde, qui montre une profusion de détails et de scènes gravés avec une extrême finesse, les Bacchanales de Mantegna, ou beaucoup plus proche de nous La Taverne du Bagne de Félix Buhot. L’estampe est datée de novembre 1885, soit quelques jours après l’ouverture de cette taverne située à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue des Martyrs par Maxime Lisbonne, ancien communard revenu du bagne.

Lucas de Leyde (1494-1533), Mahomet et le moine Sergius, 1508, burin, 28,8 x 21,4 cm (matrice), collection particulière.

Lucas de Leyde (1494-1533), Mahomet et le moine Sergius, 1508, burin, 28,8 x 21,4 cm (matrice), collection particulière. © DR

Des souscriptions très appréciées

Exposer des gravures contemporaines et promouvoir de jeunes créateurs, telle est la deuxième mission de Pointe et Burin. C’est pourquoi la souscription de l’association, très appréciée des connaisseurs, associe toujours deux œuvres, l’une réalisée par un artiste confirmé, l’autre par un plus jeune. Cette année, elle réunit une estampe intitulée Ailleurs, signée de la buriniste Catherine Gillet, invitée d’honneur, et Sous les brise-lames, de la jeune aquafortiste Kim Coz. Catherine Gillet, dont les entailles à la fois abstraites et charnelles ouvrent sur un autre monde, propose dans la belle salle du rez-de-chaussée une série de burins délicats et vibrants, comme La Nature des choses, interprétation graphique très réussie du poème de Lucrèce. Les membres de l’association, de Hélène Baumel à Raúl Villullas en passant, entre autres, par Isabelle Panaud, Isabel Mouttet et Hélène Varchavsky, exposent leurs plus récentes gravures. Pointe et Burin a également invité de nombreux artistes. Adeptes de la ligne pure comme Olaf Idalie, Étienne Lodého, ou Jacques Muron, poète du bois de bout comme Serge Marzin, ils donnent leur vision de l’entaille.

Souscription 2025 : Kim Coz, Sous les brise-lames, 2025, eau-forte sur cuivre, 30 x 20 cm (matrice), impression Mila Gomez, Ateliers Moret, 70 ex.

Souscription 2025 : Kim Coz, Sous les brise-lames, 2025, eau-forte sur cuivre, 30 x 20 cm (matrice), impression Mila Gomez, Ateliers Moret, 70 ex. © Kim Coz

« L’entaille, association Pointe et Burin et Fondation Taylor », jusqu’au 7 juin 2025, Fondation Taylor, 1, rue La Bruyère, 75009 Paris. Du mardi au samedi de 13h à 19h. Tél. : 01 48 74 85 24. taylor.fr

1 « L’œil d’or », Michel Melot, Nouvelles de l’estampe, n° 230, 2010.