Le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry décrypté mois par mois. Août : « La chasse au faucon »

Par Mathieu Deldicque le 22.09.2025 à 16:00

Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 8 v°, le mois d’août, « La chasse au faucon » (détail), vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Réalisées au XV^e siècle, les Très Riches Heures du duc de Berry sont sans doute le manuscrit le plus célèbre au monde. Enluminées par les frères de Limbourg, éminents artistes attachés à la cour de Bourgogne puis de Berry, qui ont révolutionné l’histoire de l’art, elles se composent de 121 miniatures qui captivent par leurs représentations de châteaux historiques, de scènes princières et des travaux des champs rythmés par les saisons. À l’occasion de la restauration de ce chef-d’œuvre, montré seulement deux fois au public depuis la fin du XIX^e siècle, il est possible d’admirer les 12 folios du calendrier dérelié jusqu’au 5 octobre dans la salle du Jeu de Paume du château de Chantilly. Nous vous proposons aujourd’hui de plonger au cœur du folio 8 v°, « La chasse au faucon », illustrant le mois d’août.

Les passe-temps seigneuriaux reprennent leurs droits en août.

Belle amazone

Plusieurs cavaliers s’adonnent à la chasse au vol. Leurs mains, protégées par des gants, accueillent quelques faucons ; l’affaiteur qui les devance tient deux rapaces sur son poing, tandis qu’il porte de l’autre une longue gaule, destinée à secouer arbres et buissons pour faire s’enfuir le gibier. À sa ceinture pend un leurre servant à faire revenir les faucons. Les chasseurs sont aidés par deux chiens à poils longs au premier plan. Est-ce Marie de Berry qui chevauche en amazone le cheval blanc harnaché ? Elle porte en effet le collier aux deux pendeloques d’or que Jean de Bourbon, son époux, ici absent, arborait en avril et en mai. Or on sait que Jean de Bourbon fut fait prisonnier à Azincourt et qu’il ne revint jamais de sa captivité…

Le château d’Étampes

À l’arrière-plan se dresse le château d’Étampes. Jean de Berry en hérita, tout comme le château de Dourdan du mois d’avril, à la mort de son cousin Louis d’Évreux en 1400. Le duc résidait souvent dans cette résidence opportunément localisée entre Paris et le Berry, non loin d’une forêt giboyeuse. Comme à Dourdan néanmoins, il n’apporta pas de changement majeur à la forteresse, qui gardait sa physionomie déjà ancienne. On reconnaît son donjon quadrilobé construit par Louis VII en 1150, dit Tour Guinette, seul vestige encore visible aujourd’hui, tandis que des maisons sont enserrées dans son enceinte. En 1411, alors que les frères de Limbourg entamaient le décor des Très Riches Heures, le duc dut battre en retraite devant les armées des ducs de Bourgogne et de Guyenne, et le siège fut mis devant le château d’Étampes, qui se soumit rapidement avant d’être recouvré.

Moisson au soleil

Le mois d’août est traditionnellement associé aux moissons dans les calendriers des livres d’heures. Cette activité est rejetée à l’arrière-plan où des moissonneurs réunissent les gerbes et chargent les bottes sur une charrette. Le sens de l’humour des enlumineurs transparaît à nouveau non loin de là : de jeunes hommes se baignent dans la Juine ou se sèchent nus au soleil. Les Limbourg ont grisé leurs corps plongés dans l’eau argentée.

Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 8 v°, le mois d’août, « La chasse au faucon », vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 8 v°, le mois d’août, « La chasse au faucon », vers 1411-1416. Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

« Les Très Riches Heures du duc de Berry » jusqu’au 5 octobre 2025 au Château de Chantilly, Salle du Jeu de Paume, 60500 Chantilly. Tél. : 03 44 27 31 80. chateaudechantilly.fr

Art de l’enluminure n° 93, Éditions Faton, 16 €.